Le match de la semaine : Nasser Bourita face à Abdelkader Messahel sur le Sahara occidental
Deux hommes, deux lignes, deux styles. D’un côté, Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères. De l’autre, Abdelkader Messahel, ministre algérien des Affaires maghrébines et africaines. Entre les deux, Horst Köhler, envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental.
La première année de Horst Köhler en tant qu’envoyé spécial de l’ONU pour le Sahara occidental n’aura pas été de tout repos tant les passes d’armes auront été nombreuses entre l’Algérie et le Maroc. Si les relations entre Mohammed VI et Abdelaziz Bouteflika restent policées, leurs ministres des Affaires étrangères, eux, ne se ménagent pas. À chacun son style : Nasser Bourita, 49 ans, diplomate de l’école marocaine, goûte les petites phrases acides quand son homologue, Abdelkader Messahel, de vingt ans son aîné et issu du FLN, préfère l’artillerie lourde.
Les premières étincelles jaillissent fin août 2017. Alors qu’il s’apprête à assister, accompagné de sa délégation, à une réunion ministérielle de la Tokyo International Conference on African Development (Ticad) à Maputo, Nasser Bourita proteste contre la présence de représentants de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). S’ensuit une bousculade surréaliste qui met aux prises les services de sécurité mozambicains et la délégation marocaine. Abdelkader Messahel saisit l’occasion et accuse quelques jours plus tard le Maroc de perturber à dessein les réunions panafricaines : « Il y aura d’autres tentatives qui connaîtront le même sort, c’est-à-dire l’échec. »
Coup pour coup
Les deux ministres n’en restent pas là. Ils se cherchent, et se trouvent. En marge du Forum des entreprises, le 20 octobre 2017 à Alger, Messahel s’agace des commentaires vantant la politique économique africaine du Royaume : « Les banques marocaines, c’est le blanchiment de l’argent du haschich, tout le monde le sait. […] Et la Royal Air Maroc transporte autre chose que des passagers. Et ça, tout le monde le sait. » Le lendemain, Rabat rappelle son ambassadeur à Alger. Et son ministère des Affaires étrangères d’ironiser : l’engagement du Maroc sur le continent n’est pas qu’une question de ressources financières, « sinon l’Algérie, avec ses pétrodollars, aurait pu réussir ».
Dans ce contexte, l’accolade entre les deux ministres, le 21 janvier, à Alger, en marge de la réunion du Dialogue 5+5 sur la Méditerranée occidentale, a agréablement surpris. Las ! Lors de son allocution, le Marocain revient sur les allégations de Messahel, les qualifiant de « déclarations farfelues » : « La stabilité n’est pas compatible avec l’irresponsabilité. Et ça, tout le monde le sait ! » s’amuse-t-il.
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Le plus rude est à venir. Le 1er mai, Nasser Bourita annonce la rupture des relations avec l’Iran. Le Hezbollah conseillerait et entraînerait le Polisario – des opérations pilotées depuis l’ambassade iranienne à Alger.
Dénégations du ministère algérien des Affaires étrangères, qui rejette ces « propos totalement infondés mettant indirectement en cause l’Algérie ». Les services de Nasser Bourita se chargent de répliquer, toujours sur le même mode : « Le Maroc comprend l’embarras de l’Algérie, son besoin d’exprimer sa solidarité avec ses alliés du Hezbollah, de l’Iran et du Polisario. »
Positions figées des deux pays
Dans JA, Nasser Bourita profite de la nouvelle crise pour attaquer bille en tête : « Le discours de l’Algérie sur la question du Sahara marocain a un côté autiste et obtus. » Nouvelle colère d’Alger, qui condamne par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères « les propos irresponsables tenus […] dans un hebdomadaire parisien ».
Réunir les différentes parties autour de la table des négociations, comme l’ambitionne Horst Köhler, s’annonce compliqué compte tenu des positions figées des deux pays. Dans ce match où il ne faut rien concéder, les deux ministres ne peuvent que se rendre coup pour coup.
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