Présidentielle en RDC : Ramazani Shadary, le Medvedev de Kabila ?

Ce fidèle parmi les fidèles du chef de l’État congolais a été désigné pour porter les couleurs de la majorité à la présidentielle de décembre.

À la Commission électorale nationale indépendante, le 8 août. © Junior D. Kannah

À la Commission électorale nationale indépendante, le 8 août. © Junior D. Kannah

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Publié le 14 août 2018 Lecture : 3 minutes.

Ils étaient une poignée de lieutenants à espérer, jusqu’à la dernière minute, être désignés par Joseph Kabila pour lui succéder. Lorsque le chef de l’État les convoque, ce 8 août peu après midi, dans ses bureaux privés de La Gombe, à Kinshasa, personne ne sait encore qui sera le dauphin. « Notre candidat, il est là », lâche alors le président, en désignant Emmanuel Ramazani Shadary, 57 ans. Un couronnement pour ce natif de Kasongo, dans l’est de la RD Congo, qui a gravi les échelons du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), jusqu’à en devenir, en février, le secrétaire permanent.

Originaire de Kabambare, petit territoire de la province du Maniema, comme Mama Sifa, la mère du chef de l’État, ce politologue formé à l’université de Lubumbashi est un proche de la famille. « La fratrie Kabila l’a toujours considéré comme un cousin, voire un frère », confirme un cadre du PPRD.

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Cofondateur du PPRD

Emmanuel Ramazani Shadary a pourtant milité au sein de l’Union pour la démocratie et le progrès social, de feu Étienne Tshisekedi, opposant historique. Mais c’était du temps du Zaïre de Mobutu – une autre vie. Il a ensuite rejoint Laurent-Désiré Kabila dès la rébellion de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Lorsque ce mouvement, appuyé par l’armée rwandaise, prend le contrôle de Kindu, chef-lieu de sa province natale, en 1997, il est élu gouverneur. Kabila père l’adoube. Quelques mois plus tard, une nouvelle rébellion le contraint à fuir à Kinshasa.

Ses débuts dans la capitale sont difficiles. Il rase les murs et peine à s’y faire une place. C’est après l’assassinat du Mzee, début 2001, qu’il commence à se frayer un chemin : il compte parmi les cofondateurs du PPRD, lancé l’année suivante par Kabila fils. « Monsieur Élections » du parti, il parvient à se faire élire député national de Kabambare lors des législatives de 2006 et 2011. Il est alors un tenant de la ligne dure du PPRD, incarnée par le secrétaire général d’alors, Évariste Boshab, dont il est très proche.

Un homme longtemps effacé

C’est dans les couloirs de l’Assemblée nationale que cet homme longtemps effacé poursuit sa progression au sein de la Majorité présidentielle (MP) : il devient vice-président, puis président de la commission politique, administrative et juridique, président du groupe parlementaire du PPRD, coordonnateur des députés de la MP, secrétaire général adjoint du PPRD…

Ramazani Shadary finit par sortir de l’ombre en se radicalisant encore lors des pourparlers de la Cité de l’OUA, en septembre 2016. Nous sommes à trois mois de la fin théorique du deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila. Mais il est déjà quasiment certain que l’élection du successeur de ce dernier n’aura pas lieu dans les délais. La stratégie du PPRD est alors d’inclure les opposants dans la gestion du pays et de leur confier la primature. Ramazani s’y oppose avec véhémence lors d’une réunion interne, allant jusqu’à en découdre physiquement avec André Kimbuta, gouverneur de Kinshasa, selon plusieurs témoins.

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Une désignation qui ne fait pas l’unanimité

Le 19 décembre 2016, Kabila le nomme vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur. Deux mois plus tard, l’Union européenne le sanctionne pour la répression des manifestations contre le maintien au pouvoir du chef de l’État.

En interne, sa désignation comme dauphin n’a pas plu aux gros poissons. Ces derniers s’alignent certes, mais éprouvent frustration et impuissance : ils ont été mis devant le fait accompli. Conscient des ambitions des uns et des autres, Kabila a maintenu le suspense jusqu’à la fin du dépôt des candidatures. « Pour éviter que certains ne quittent le navire », assure-t-on dans l’entourage d’un haut cadre de la majorité.

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« la primauté du parti »

Ramazani Shadary parviendra-t-il à empêcher l’explosion du Front commun pour le Congo (FCC), la coalition qui doit le porter au pouvoir ? Cet homme peu fortuné et dépourvu de réseau international « ne pourra gagner que par l’addition des efforts de cette super-structure », estime Adam Chalwe, secrétaire national du PPRD.

Dans ce schéma, Kabila s’est réservé une place de choix à la fois au sein de son parti – il en est l’« initiateur » et va bientôt en devenir le président – et du FCC, dont il est l’« autorité morale ». Conservant la confiance de l’appareil sécuritaire, le raïs espère ainsi imposer « la primauté du parti » sur son successeur désigné. S’il est élu, Ramazani Shadary lui devra tout.

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