Maroc : Mohamed Benchaaboun, la surprise du roi

Nommé contre toute attente ministre de l’Économie et des Finances, ce banquier va devoir porter les ambitions de Mohammed VI sans déséquilibrer les comptes du Maroc.

Mohamed Benchaaboun, le grand argentier du Maroc, est membre du RNI. © Hassan Ouazzani pour Jeune Afrique

Mohamed Benchaaboun, le grand argentier du Maroc, est membre du RNI. © Hassan Ouazzani pour Jeune Afrique

fahhd iraqi

Publié le 27 août 2018 Lecture : 3 minutes.

« Nous sommes tous contents. Dans les groupes WhatsApp du Groupe Banques populaires, les vœux pour l’Aïd al-Adha se confondent avec les messages de félicitations et les marques de fierté de voir notre président jouir de cette confiance royale. » C’est ce que confie un haut responsable de la Banque centrale populaire (BCP) au sujet de la nomination de Mohamed Benchaaboun, 56 ans, au poste de ministre de l’Économie et des Finances.

Comme tous les Marocains, les collaborateurs de la BCP ont été surpris par ce choix. Car si l’annonce de la tenue d’un Conseil des ministres pour le 20 août laissait présager la désignation d’un nouveau grand argentier – en remplacement de Mohamed Boussaïd, congédié le 1er août –, personne n’aurait parié un dirham sur Mohamed Benchaaboun, tant l’homme était à mille lieues de la politique.

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D’une pierre deux coups

Au sein même du Rassemblement national des indépendants (RNI), la cooptation expresse du désormais ancien patron de la BCP en a étonné plus d’un. Mais chez les Bleus, on se résigne aujourd’hui à voir le bon côté des choses. « Le RNI a fait d’une pierre deux coups, commente un proche d’Aziz Akhannouch, le président du parti. Non seulement nous avons réussi à conserver ce ministère, mais nous sommes aussi parvenus à faire recruter une personne à la compétence reconnue. Cela témoigne de notre capacité à fédérer autour de notre ligne politique. »

De son côté, le chef du gouvernement a admis le simple rôle de boîte postale qu’il a joué dans cette nomination. « Le président du RNI m’a proposé Mohamed Benchaaboun pour ce portefeuille, qui revient à son parti. J’ai transmis cette proposition au roi, qui l’a approuvée », a réagi Saadeddine El Othmani sur Twitter.

Une proposition de département ministériel est comme un appel sous les drapeaux

Un connaisseur des arcanes du méchouar relativise néanmoins cette « consécration ». « Une proposition de département ministériel est comme un appel sous les drapeaux, explique-t-il. C’est une offre que personne ne peut refuser et qui nécessite beaucoup d’abnégation. »

Et Mohamed Benchaaboun va effectivement devoir en faire preuve. Il renonce au confort et au prestige du fauteuil de président d’une banque (semi-) privée où il jouissait d’une grande marge de manœuvre pour gérer des deniers publics dont il devra répondre jusqu’au dernier. En outre, la rémunération mensuelle à six chiffres du président de l’une des premières banques du royaume n’est pas comparable aux 60 000 dirhams (5 500 euros) de salaire de base d’un ministre. Autant dire que cette nouvelle fonction ressemble à une mission sacrificielle.

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Du pain sur la planche

Au sein du département des Finances, le nouveau ministre a du pain sur la planche. Benchaaboun prend ses fonctions à un moment où le Maroc se cherche un nouveau modèle économique pour relancer sa croissance et se hisser parmi les nations émergentes.

Le roi avait à maintes reprises insisté sur la nécessité de renouveler la façon de faire, et la classe politique se creuse les méninges depuis plusieurs mois pour trouver la bonne formule. Laquelle devrait se traduire dans la prochaine loi de finances que Benchaaboun soumettra au Parlement avant le 20 octobre. « Cela va tourner au casse-tête, confie un cadre du ministère. L’enjeu est de trouver les ressources pour booster des politiques sociales très coûteuses, tout en préservant les équilibres budgétaires. »

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Autre mission d’importance pour le nouveau grand argentier : piloter une émission de sukuks (produits obligataires islamiques) attendue depuis plusieurs mois, afin de donner du grain à moudre aux banques participatives nouvellement créées qui manquent cruellement d’instruments financiers, que ce soit pour le placement de leurs liquidités ou pour leur refinancement.

Dans cette optique, le profil de banquier de Mohamed Benchaaboun lui sera d’une très grande utilité. Et sa connaissance des arcanes du ministère des Finances ne sera pas de trop : ce diplômé de l’École nationale supérieure des télécommunications (ENST) de Paris a passé trois ans dans ce département en tant que directeur de l’administration des douanes et impôts indirects, après avoir été directeur industriel du groupe Alcatel Alsthom Maroc.

Il est devenu un haut commis de l’État en 2003 en prenant la tête de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT), où il a entre autres piloté le processus d’octroi d’une troisième licence au profit d’Inwi, filiale du holding royal SNI (devenu Al Mada). Et c’est en 2008 qu’il a été nommé PDG de la Banque centrale populaire, devenue un groupe panafricain sous son mandat.

Aujourd’hui, il monte d’un cran dans la hiérarchie des personnages publics. Et un nouveau challenge de taille l’attend : naviguer dans les eaux troubles de la vie partisane tout en tenant d’une main de fer les finances publiques.

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