Cinéma : « Sofia », mère célibataire face aux hypocrites

Avec Sofia, prix du scénario au Festival de Cannes, la Marocaine Meryem Benm’Barek s’interroge sur les hypocrisies d’une société qui stigmatise les mères célibataires.

Orrore eum volesci aut od endicilicia aut ex es reptiur sime nam nectae sit aspe aut faccull © memento films

Orrore eum volesci aut od endicilicia aut ex es reptiur sime nam nectae sit aspe aut faccull © memento films

Renaud de Rochebrune

Publié le 5 septembre 2018 Lecture : 2 minutes.

« Cent cinquante femmes accouchent chaque jour hors mariage au Maroc. Elles encourent la prison, elles sont stigmatisées et leurs enfants aussi. » C’est de cette réalité que Meryem Benm’Barek a voulu rendre compte dans Sofia. Ce premier film lui a valu une reconnaissance internationale : à Cannes, dans la section Un certain regard, il a obtenu le prix du scénario.

Sofia pourrait passer pour un drame social classique évoquant la situation des mères célibataires dans un pays où elles sont, plus qu’ailleurs, ostracisées. Mais l’histoire est plus complexe. D’abord parce que la postadolescente dont on suit les pérégrinations ne sait pas qu’elle est enceinte.

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Prise de douleurs durant un repas de famille, elle est accompagnée clandestinement aux urgences par sa cousine Lena, étudiante en médecine, qui subodore un déni de grossesse. L’histoire prend alors des allures de thriller avec la course échevelée des deux jeunes femmes pour trouver un lieu où l’on acceptera de mettre au monde l’enfant inattendu.

La loi interdit de le faire sans prévenir les autorités, qui peuvent menacer la mère de prison si elle n’identifie pas le père. Cette course-poursuite sera suivie d’une autre pour trouver ledit père, que Sofia devra dénoncer afin de pouvoir organiser un mariage.

Critique radicale

Omar, le jeune homme désigné par Sofia, commence par nier tout rapport sexuel, avant de se résigner afin d’éviter une condamnation pour viol. Vivant dans le quartier populaire de Derb Sultan, à Casablanca, il appartient à un tout autre monde que la famille petite-bourgeoise de Sofia, qui réside dans le centre-ville. Et à un univers encore plus éloigné de celui que cette famille entend rejoindre grâce à un projet de business avec les parents de Lena, qui vivent dans le quartier d’Anfa, où se concentrent les grandes propriétés… Le spectateur doit s’attendre à d’autres rebondissements : et si, par exemple, Sofia avait totalement inventé sa version des faits ?

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Meryem Benm’Barek abandonne ainsi le fil narratif convenu autour de la femme victime pour proposer la critique radicale d’un Maroc où règnent inégalités et violence sociale. Où, pour se débrouiller, nombreux sont ceux qui doivent se résigner à l’hypocrisie, voire au mensonge. « Si je fais du cinéma, assure-t-elle, c’est par nécessité, pour réaliser des films dont les séquences sont construites comme autant de questions que je me pose et qui ont trait à l’humain. Des questions qui ne concernent pas que le Maroc. » Fille de diplomate, ayant longtemps vécu en France, en Belgique et ailleurs, Benm’Barek se veut une réalisatrice internationale et espère tourner ses prochains films en Europe et en Indonésie. Vu la détermination de la cinéaste et sa maîtrise de la mise en scène, nul doute qu’on entendra reparler de ses questions sur grand écran.

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