Transports – Burkina : à Ouaga, Scania confirme ses ambitions
Déjà présente à Accra et à Lagos, la filiale de Volkswagen s’active autour d’un schéma urbain de déplacement par bus au Burkina Faso. Avec le concours de la RATP.
Ouagadougou bientôt en pointe en matière de transport urbain ? Si à Dakar ou à Abidjan, les projets de trains citadins fleurissent, c’est sur le bon vieux bus que la capitale burkinabè veut miser avec le déploiement de quatre lignes et des véhicules tout neufs. Derrière les autorités de la ville et du pays, deux acteurs de poids, la RATP et surtout Scania. Le constructeur de poids lourds et de bus se trouve en première ligne sur ce projet peu commun. Il s’agit de créer un réseau intégré, quasi clés en main, devant culminer à 550 bus, de 12 mètres ou plus, d’ici à quatre ans.
Le projet comprend la vente à la ville de bus Scania mais aussi d’un dépôt et d’un centre de maintenance, l’installation des arrêts de bus, du système de gestion des opérations ou encore la formation des chauffeurs et la billettique. Sans compter la création d’un schéma de transport et d’une gouvernance ad hoc, développés par Ratp International, une filiale de l’opérateur français spécialisée dans l’assistance technique. Un protocole d’accord a été conclu à la mi-juin avec le ministre burkinabè des Transports, Vincent Dabilgou, Scania et la RATP. « Il reste à finaliser ce projet majeur, nous l’espérons à court terme », lance Fredrik Morsing, directeur général de Scania pour l’Afrique de l’Ouest.
Dans cette métropole de 3 millions d’habitants, moins de 1 % des déplacements s’effectuent à travers un système organisé
Facteur clé : la filiale de Volkswagen a aidé à structurer le financement avec des banques internationales, en partie avec garantie souveraine. Chiffré à 200 millions d’euros, le projet pourrait être lancé l’an prochain après décision finale du gouvernement.
« Dans cette métropole de 3 millions d’habitants, moins de 1 % des déplacements s’effectuent à travers un système organisé. Ce projet bouleversera les modes de déplacement, proposant à une grande partie de la population une véritable offre de transport alternative, d’où la très forte implication des autorités gouvernementales via la création nécessaire d’un cadre réglementaire idoine », appuie Thibault de Lambert, directeur général de Ratp International.
Cet accord confirme les ambitions africaines de Scania, qui affiche déjà de gros contrats au Ghana ou au Nigeria. Pour cela, le groupe a, ces dernières années, renforcé ses activités en Afrique de l’Ouest autour de sa filiale Scania West Africa, à Accra. Celle-ci, compte une trentaine d’employés et couvre la région pour les poids lourds, son activité principale, mais aussi les bus. « Nous sommes le seul fabricant de bus à disposer d’une filiale dans la région, un atout en matière de service », pointe Fredrik Morsing.
>>> À LIRE – Burkina : ce qu’il faut savoir sur Armand Béouindé, le nouveau maire de Ouagadougou
À Accra, Scania a déjà vendu il y a deux ans 245 bus à l’opérateur public Gapte. Ce service de bus, frappés de vert, jaune et rouge, est exploité sous le nom d’Aayalolo dans le cadre d’un projet devant conduire à créer une ligne BHNS (bus à haut niveau de service), autrement dit en site propre. Quant à Lagos, métropole en pleine réorganisation de ses transports, son opérateur TSL a acheté à Scania en mars 250 bus. À Abidjan, Scania est aussi sur les rangs pour un projet de BHNS.
Pour emporter ces marchés, Scania dispose d’un atout. Il est associé au brésilien Marcopolo, qui fabrique les carrosseries et aménagements intérieurs sur châssis et motorisation Scania à la norme Euro 3. De quoi limiter les coûts et fournir des véhicules tropicalisés de série. Un schéma retenu à Ouagadougou. « Ces produits sont adaptés aux contraintes d’exploitation des villes africaines. Sur la durée, leur coût complet d’exploitation est moins élevé que celui des bus d’occasion », plaide Fredrik Morsing.
Centre de maintenance et projet de biodiesel
Pour séduire les villes avec ses produits, bien plus coûteux (autour de 200 000 euros l’unité) que les minibus ou les bus européens en seconde vie, fréquents en Afrique, Scania joue aussi la carte des services. À Accra, il a piloté le recrutement et la formation des chauffeurs en mettant l’accent sur les femmes. Soixante-dix chauffeuses, dont la plupart n’avaient pas le permis, ont été formées. À cela s’ajoute un centre de maintenance dernier cri ou encore un projet à l’étude de biodiesel à base de jatropha. Cette production locale de biocarburant pourrait être aussi déployée à Ouagadougou.
>>> À LIRE – Burkina Faso : Yennenga, ville nouvelle, ville complète ?
Reste que, pour conforter ces marchés, le facteur clé pour Scania et ses concurrents tient à la performance des villes et des opérateurs de transport, publics ou privés. Dans la capitale ghanéenne, par exemple, des dysfonctionnements, relayés par la presse, commencent à apparaître pour Aayalolo. Et les couloirs de bus se font attendre, le schéma directeur semblant mal structuré. « La gouvernance, la séparation des missions entre opérateurs et autorité délégante est une condition essentielle à la pérennité des systèmes en Afrique comme ailleurs », note Thibault de Lambert
Pour soutenir ce marché des bus, « la constitution d’un schéma d’exploitation où les différents modes de financement – part des usagers, subventions, fiscalité locale – sont clairement identifiés et construits sur un modèle économique équilibré et durable est essentielle », poursuit le directeur général de Ratp International. Sinon, les systèmes peuvent dériver très vite, comme on l’observe souvent sur le continent. Au Burkina Faso justement, le gouvernement doit approuver en Conseil des ministres un cadre réglementaire inédit créant une autorité délégante et un opérateur à capitaux mixtes dans lequel s’intégrera l’actuelle société privée Sotraco. De bons ingrédients pour faire du projet une vitrine pour Scania ?
Transports urbain : un marché continental en devenir
Très fluctuant d’une année à l’autre, le marché africain des bus urbains reste modeste. Il se chiffrerait autour de 2 000 unités par an sur un marché mondial estimé par Frost & Sullivan en 2015 à 111 000 unités, en hausse de 8,4 % par an. Le plus gros de la croissance d’ici à 2025 viendra de l’Asie du Sud-Est et d’Afrique. Les géants comme l’italien Iveco, l’indien Tata, les chinois Golden Dragon ou Yutong l’ont bien compris.
À l’instar de Scania, ils sont à la manœuvre sur le continent. Iveco a ainsi vendu en Côte d’Ivoire, en début d’année, 50 bus lourds de type BHNS (bus à haut niveau de service) motorisés au gaz naturel, à Sotra, l’opérateur d’Abidjan. Un contrat accompagné de la création d’un site d’assemblage de minibus, véhicule qui reste, envers et contre tout, le moyen de transport roi sur le continent.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles