Le Congo à l’épreuve des faits

Une dette publique écrasante, des recettes toujours portées par les produits pétroliers… Trois ans après le début de la crise financière, les efforts consentis n’ont pas encore relancé l’économie et peinent à convaincre le FMI. Ce que va tenter de faire le nouveau Plan national de développement.

La route de la Corniche, à Brazza, a bénéficié d’importants financements chinois et français. © Wang Teng/XINHUA-REA

La route de la Corniche, à Brazza, a bénéficié d’importants financements chinois et français. © Wang Teng/XINHUA-REA

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Publié le 6 septembre 2018 Lecture : 5 minutes.

Dans une rue de Brazzaville, en 2016 (Illustration). © Baudouin Mouanda pour JA.
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Le Congo à l’heure des comptes

Pour sortir de la crise, l’État a amorcé une stratégie visant à restructurer la dette, relancer la croissance hors hydrocarbures et améliorer les conditions de vie. Surtout, il s’engage à plus de transparence.

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«Signer avec le FMI est une affaire classée », affirmait Clément Mouamba, au cœur de l’été 2017, dans une interview à Jeune Afrique. Le Premier ministre congolais pronostiquait alors la finalisation d’un accord « d’ici à la fin du mois de septembre ». Ce n’est pourtant qu’un an plus tard – le 3 août dernier – qu’il a fait parvenir à l’institution financière la lettre d’intention détaillant la stratégie que son gouvernement entend suivre pour remettre le pays en marche, si possible avec le soutien financier du Fonds, dont le conseil d’administration, le même jour, repoussait pour la cinquième fois en deux mois l’examen de la situation économique du Congo.

L’affaire n’est donc pas classée. Et elle ne le sera pas tant que la facilité élargie de crédit (FEC), qui a été consentie l’an dernier au Gabon et au Cameroun, ne sera pas accordée au Congo. Craignant une mise sous tutelle de l’économie, qui n’aurait rien à envier aux programmes d’ajustement structurel des années 1980, et dans un contexte social déjà tendu, les autorités congolaises ont d’abord cherché des alternatives, notamment auprès des pays du Golfe, avant, semble-t-il, de se résigner à suivre la feuille de route proposée par le FMI.

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Une dette « insoutenable »

Longtemps réticentes, elles montrent un empressement inhabituel depuis le mois de juin, avec l’élaboration et l’adoption d’un nouveau Plan national de développement (PND 2018-2022), préalable à la lettre d’intention envoyée, donc, début août à Washington. Comme pour se faire pardonner leur contrevérité de mars 2017, quand Brazzaville annonçait un endettement à hauteur de 77 % du PIB… avant qu’il se révèle quelques mois plus tard atteindre 117 %, une fois intégrés les emprunts gagés sur la production pétrolière conclus avec différentes sociétés internationales de négoce.

Une dette qualifiée d’« insoutenable » par les experts du FMI, qui, depuis leur visite à Brazzaville, en avril, enjoignent au pays de faire de sérieux efforts en matière « de gouvernance et de transparence ». Ne serait-ce que pour redonner confiance à ses créanciers. À commencer par le premier d’entre eux, la Chine, qui détiendrait près de 35 % de la dette extérieure totale du Congo – actuellement estimée à un peu moins de 10 milliards de dollars (8,5 milliards d’euros).

Allé à Pékin à la fin de juillet pour renégocier les conditions de remboursement, Clément Mouamba n’est pas encore parvenu à obtenir des autorités chinoises le feu vert nécessaire à la conclusion d’un accord avec le FMI. Présent dans la capitale chinoise au tout début de septembre dans le cadre du septième sommet sino-africain, le président Sassou Nguesso devait lui-même se charger de ce dossier pour, enfin, le faire aboutir.

Le Congo va en effet devoir mobiliser rapidement d’importantes ressources financières pour mettre en œuvre son PND 2018-2022. Faute de pouvoir se permettre un nouveau dérapage budgétaire dans l’immédiat, le gouvernement compte faire appel au secteur privé local et international, ainsi qu’à d’autres investisseurs étrangers, notamment chinois, pour apporter les deux tiers des 15 510 milliards de F CFA (environ 23 milliards d’euros) nécessaires au PND d’ici à 2022.

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« Un bon signe »

En attendant le « verdict » du FMI, la définition de ce nouveau plan quinquennal a déjà été plutôt bien accueillie par les autres partenaires multilatéraux. Arrivée dans ses nouvelles fonctions au début de juillet, la résidente de la Banque mondiale au Congo, l’Ivoirienne Korotoumou Ouattara, voit dans ce PND « un nouveau cadre de partenariat ».

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Rien de neuf sous le soleil, mais « la volonté de poursuivre ce qui a été commencé lors du précédent plan, notamment en matière de réforme du système éducatif et de diversification économique, est un bon signe », apprécie un fonctionnaire international. Surtout, comme un gage donné au FMI, le PND insiste sur le volet de la gouvernance, avec d’importantes réformes annoncées pour moraliser la vie politique, réduire le train de vie de l’État et lever un coin du voile qui couvre la gestion de la rente pétrolière. Une volonté saluée à Washington, où l’on attend désormais les preuves concrètes d’une plus grande discipline budgétaire.

Espérons que, cette fois, les faits donneront raison au Congo

Cela aurait pu être le cas dès cette année. Porté par les promesses d’un baril à nouveau au-dessus des 70 dollars et par une production en hausse, dopé par le démarrage, à la mi-2017, du champ pétrolier de Moho-Nord, le budget prévisionnel, alimenté à 70 % par les hydrocarbures, prévoyait une augmentation de 18 % des recettes (alors que ces dernières avaient chuté de 43 % entre 2013 et 2017) : une bouffée d’air frais, qui devait « permettre de rétablir la viabilité financière du pays », voulait croire le FMI… Las, le ministre des Finances, Calixte Nganongo, a dû revoir ses chiffres à la baisse.

À la fin de juillet, il annonçait un trou de trésorerie de 550 milliards de F CFA, soit un tiers du budget initialement prévu, imputé « à la mauvaise conjoncture persistante dans les secteurs non pétroliers » – qui ont enregistré une baisse de 9,2 % de leurs activités en 2017.

Raison de plus pour ne pas faire l’économie d’un nouveau « plan d’ajustement budgétaire », selon la terminologie du FMI. Le président Denis Sassou Nguesso n’a d’ailleurs pas dit autre chose lors de son discours du 14 août. Après avoir reconnu que le pays faisait face « à une crise grave et préoccupante », il s’est montré rassurant, affirmant qu’elle sera surmontée avec l’aide du FMI. Il a même déclaré que « le programme pourrait entrer en vigueur au cours du dernier trimestre de l’année en cours ». Espérons que, cette fois, les faits donneront raison au Congo.

Peut vraiment mieux faire

Dans le rapport « Doing Business » 2018 de la Banque mondiale sur la facilité à faire des affaires, le Congo émarge au 179e rang sur 190 pays étudiés, en recul de trois places comparé à 2017. Parmi les principaux freins à la pratique des affaires : la faiblesse de l’État de droit, notamment le non-respect des droits de propriété (le pays est classé 155e sur 190 en matière d’application des dispositions contractuelles), et, surtout, le poids de l’administration fiscale, c’est-à-dire des formalités relatives aux impôts et aux cotisations sociales (185e sur 190).

Selon le rapport, les entreprises actives au Congo doivent payer en moyenne 50 taxes différentes par an, contre 37,2 dans la sous- région, ce qui leur prend deux fois plus de temps en préparation, en classement et en paiement. Un lourd handicap dont le gouvernement se dit conscient et qu’il s’est engagé à résoudre dans le cadre du PND.

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