Afrique du Sud : des Blancs pas très clairs
Au nom de la défense des droits légitimes de la minorité afrikaner, des groupes d’extrême droite agitent le spectre d’une guerre raciale, parvenant même à se faire entendre jusqu’à Washington.
Il aura suffi d’une émission truffée de contrevérités sur la chaîne Fox News à la fin du mois d’août, et du tweet consécutif de Donald Trump déclarant avoir demandé l’ouverture d’une enquête sur les meurtres de fermiers blancs en Afrique du Sud, pour que les relations entre Washington et Pretoria se raidissent brutalement.
Agacées, les autorités sud-africaines ont dénoncé des déclarations « alarmistes », « fausses » et « politiquement biaisées ». Mais ça n’est pas la première fois que le mythe d’une guerre raciale est ainsi relayé dans les médias, si bien qu’en mars l’Australie s’était dite prête à accorder des visas aux agriculteurs « persécutés ».
Si de telles thèses sont parvenues à trouver un écho hors des frontières sud-africaines, c’est parce qu’elles sont répercutées par l’alt-right américaine, cible d’une intense campagne de lobbying de la part de plusieurs organisations sud-africaines d’extrême droite.
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Parmi celles-ci, les Suidlanders, un groupe aux accents survivalistes né en 2006, revendiquent près de 10 000 membres. Ils annoncent l’effondrement prochain de l’Afrique du Sud et militent pour un retour à une stricte ségrégation raciale. Son porte-parole, Simon Roche, et l’un de ses cadres, André Coetzee, ont effectué en 2017 un voyage aux États-Unis pour récolter des fonds – officiellement pour acheter de l’essence en prévision de « l’anarchie » à venir. Ils ont approché des figures conservatrices telles que l’animateur de radio Alex Jones, ou encore le groupe néonazi Identity Evropa. Deux années de suite, Roche a été invité à s’exprimer à la Conférence de la renaissance américaine, qui rassemble nombre de suprémacistes blancs.
Campagnes de lobbying
Aujourd’hui, affirme Simon Roche, les membres des Suidlanders accueillent souvent des journalistes étrangers et partagent avec eux leur « vision » de l’Afrique du Sud. Ils ont notamment aidé la Canadienne d’extrême droite Lauren Southern à réaliser un documentaire sur les meurtres de fermiers blancs qui a été diffusé en juin. Les représentants des Suidlanders affirment à JA avoir accueilli le tweet de Donald Trump comme une « bonne nouvelle », précisant qu’ils se préparaient « à une grande bataille ».
Une autre organisation se targue d’avoir popularisé la théorie du « génocide blanc » et de l’avoir fait remonter jusqu’à Donald Trump : Afriforum, une association – controversée elle aussi – de défense de la minorité Afrikaner créée en 2006. Elle se présente comme une ONG de protection des droits des minorités et revendique 186 000 membres. Très présente sur les réseaux sociaux, elle possède sa propre université et son site internet.
Depuis 2017, elle mène d’agressives campagnes de lobbying à l’étranger. Ses dirigeants, Ernst Roets et , Kallie Kriel se sont rendus aux États-Unis en mai, approchant divers think tanks et médias conservateurs, mais aussi l’agence américaine de développement international USAID, le sénateur républicain Ted Cruz, ou encore le journaliste Tucker Carlson… qui n’est autre que le présentateur de l’émission de Fox News qui a déclenché le tweet de Donald Trump.
Ce que Fox News n’a toutefois pas précisé, c’est que, selon l’organisation sud-africaine AgriSA, les assassinats de fermiers sont à leur plus bas niveau depuis vingt ans et que les Blancs demeurent sous-représentés dans les statistiques globales de victimes de meurtres dans le pays.
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