Maroc : Saad Lamjarred, la chute du petit prince

Accusé une nouvelle fois de viol, le chanteur marocain Saad Lamjarred a été mis en examen par la justice française et placé sous contrôle judiciaire.

Le chanteur Saad Lamjarred avait été écroué le 18 septembre. © Fatima.Zohra.FZ/Creative Commons

Le chanteur Saad Lamjarred avait été écroué le 18 septembre. © Fatima.Zohra.FZ/Creative Commons

CRETOIS Jules

Publié le 3 septembre 2018 Lecture : 4 minutes.

« On verra bien où la vie nous mène », chantait Saad Lamjarred au début du mois de juillet dans Casablanca, son deuxième tube depuis sa mise en examen en 2016, en France, pour viol aggravé. Sans doute ne s’attendait-il pas à ce que la vie le ramène en garde à vue quelques semaines plus tard : le petit prince de la pop marocaine a été arrêté le 26 août à Saint-Tropez, dans le sud de la France, à la suite de la plainte d’une jeune femme pour « faits caractérisés de viol ».

Saad Lamjarred, 33 ans, un sourire ravageur et une popularité qui dépasse largement les frontières de son pays, a déjà été accusé de violences sexuelles à plusieurs reprises. La première affaire remonte à février 2010, à New York. Il est alors incarcéré à la suite d’une plainte déposée par une Américaine pour agression sexuelle, puis libéré sous caution.

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Lmaalem (« l’As », en arabe), surnom qui lui est donné depuis la sortie d’un tube du même nom en 2015, est alors un jeune artiste plein d’ambitions, qui a terminé deuxième au télé-crochet libanais SuperStar en 2007. Gueule d’ange, né à Rabat, il a grandi dans un milieu artistique. Son père, Bachir Abdou, est un chanteur connu. Le visage de sa mère l’est encore plus : Nezha Regragui a joué au théâtre, dans des films et des séries.

En 2016, sa carrière décolle : il se produit à Rabat, Dubaï ou Paris. Ses cachets pour un spectacle peuvent atteindre 150 000 dollars. Ses titres attirent dès leur sortie des millions d’internautes du monde arabe. Et Mohammed VI, roi du Maroc, lui remet un Wissam, décoration royale. « Je n’ai jamais eu autant le trac de ma vie. Face à lui, j’ai été pris d’un rire nerveux pendant qu’il me félicitait. Pour finir, il m’a dit : ‘‘Passe le bonjour à ta maman de ma part’’ », raconte-t-il à l’époque à Jeune Afrique.

Icône nationale

Le Rbati est admis à la cour des grandes stars arabes, quand la jeune Américaine se rappelle à son bon souvenir. L’affaire est classée sans suite mais Laura Prioul, une jeune Française de 20 ans à l’époque des faits, porte plainte à son tour. Elle accuse le chanteur de l’avoir agressée dans une chambre d’hôtel à Paris. Lamjarred est écroué pour viol aggravé en octobre 2016. Mohammed VI dépêche alors un ténor du barreau de Paris, Me Dupond-Moretti, pour l’assister juridiquement. En 2017, il est libéré. Une nouvelle instruction est ouverte après la plainte d’une jeune Franco-Marocaine affirmant avoir été agressée par le chanteur à Casablanca, en 2015, mais elle sera vite close.

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En mars 2018, la star, toujours sous le coup d’une enquête concernant l’affaire de 2016, est autorisée à voyager pour assurer la promotion d’un nouveau single. Sa carrière semble reprendre : il apparaît même en août dans le tube « Happy Birthday, Sidna [Majesté] », qui réunit une vingtaine de people marocains pour célébrer l’anniversaire de Mohammed VI.

En 2016, Lamjarred avait reçu le soutien de nombreuses stars dans son pays. Lors de sa première garde à vue en France, des sites internet marocains avaient relayé des rumeurs au sujet de la plaignante. Et une manifestation pour exiger la libération de l’artiste avait rassemblé une centaine de personnes à proximité du consulat de France, à Casablanca, son fan-club l’élevant au rang d’icône nationale qu’il fallait à tout prix défendre.

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Depuis, le vent aurait-il tourné ? Ces derniers mois, l’actualité internationale a été rythmée par le mouvement #MeToo, qui dénonce le silence entourant les violences sexuelles. En février dernier, une loi contre les violences faites aux femmes a été adoptée au Maroc, après que le royaume a été ému par la vidéo de l’agression sexuelle d’une adolescente dans un bus à Casablanca.

Sur internet, des fans en colère dépeignent encore les plaignantes comme des « jalouses » ou des « comploteuses ». Mais nombreux sont aussi ceux qui demandent qu’a minima la parole des victimes soit écoutée dans un pays où, même dans les commissariats, elle ne l’est pas toujours.

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Lamjarred est maintenant empêtré dans deux affaires. Celle de 2016 est entre les mains d’un procureur français. L’avocat de Laura Prioul, Me Jean-Marc Descoubes, a expliqué à Jeune Afrique qu’il comptait faire valoir que l’état de santé de sa cliente s’était dégradé depuis le soir où elle a rencontré le chanteur – il a obtenu en juin une expertise médicale, qui aura bientôt lieu.

Et à la suite des accusations portées contre lui fin août, Lamjarred est de nouveau placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter le territoire français sans l’autorisation du juge, a confirmé Me Jean-Marc Fedida, l’avocat qui désormais le défend. Dupond-Moretti a en effet annoncé qu’il ne représenterait plus le chanteur, lequel n’a pas respecté ses consignes de discrétion.

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