Le Sénégal donne du souffle à son mix énergétique
La construction du plus important champ éolien d’Afrique de l’Ouest a enfin démarré dans la région de Thiès. Retour sur un projet dont le financement aura pris plus de dix ans.
Le projet de parc éolien qui prendra forme dans une vingtaine de mois sur les terres de la commune de Taiba Ndiaye (à 90 km au nord de Dakar), dans la région de Thiès, ne sera pas que du vent, comme le craignaient certains, tant son développement a accumulé les retards. Lancé en 2007 par la société française Sarreole, il a bénéficié à partir de 2014 de la stratégie voulue par Dakar, dans le cadre du Plan Sénégal émergent (PSE), d’introduire de manière progressive les énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays avec une cible de 20 % de la capacité installée.
La société Parc éolien Taiba Ndiaye, créée pour porter ce chantier, a bouclé son financement à la fin de juillet. L’Opic, institution du gouvernement américain spécialisée dans le financement du développement, apportera 250 millions de dollars (215 millions d’euros), et l’agence danoise de crédit à l’exportation EKF, venue prêter main-forte à son compatriote Vestas, chargé de la construction, 117 millions d’euros.
Prise de contrôle par Lekela Power
Au même moment, Lekela Power – coentreprise créée par le fonds britannique Actis (60 % du capital) et l’opérateur irlandais Mainstream Renewable Power –, qui avait signé un partenariat avec Sarreole en 2016, a pris le contrôle de la société à la faveur d’une augmentation de capital. Elle en détient désormais 91,75 %. Lekela Power injectera 70 millions d’euros par tranches au fur et à mesure de l’avancée du chantier, dont les travaux commencent ce mois-ci.
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Dans un peu moins de deux ans, les 46 pylônes éoliens, hauts de 117 m chacun et flanqués de leurs gigantesques rotors de 125 m de diamètre, se dresseront dans le ciel et devront générer annuellement plus de 415 000 MWh, tirés de la force du vent. Les 158,7 MW qui seront, à terme, livrés par le parc représenteront 15 % de la production électrique nationale.
Toutefois, le raccordement au réseau se fera en plusieurs étapes. « La mise en exploitation sera progressive, elle se fera par tranches d’environ 50 MW car, au cours des quatorze prochains mois, nous aurons déjà construit 50 MW, injectés dans le réseau, que devra racheter la Société nationale d’électricité du Sénégal (Senelec) », révèle Bruno Vigneron, promoteur historique du parc et administrateur général de la société de projet jusqu’à la fin du mois d’août.
Deux millions d’utilisateurs
Pas moins de deux millions d’utilisateurs en bénéficieront à travers le réseau exploité par Senelec, signataire, depuis fin 2013, avec Parc éolien Taiba Ndiaye, d’un contrat d’achat d’énergie d’une durée d’au moins vingt-deux ans. Même si les différentes parties assurent que les tarifs du kilowattheure (kWh) seront compétitifs, elles se refusent toutefois, pour le moment, à les divulguer. En dépit d’une baisse de 10 % réalisée en mars 2017 sur le prix de l’électricité, le Sénégal fait partie des pays dont les tarifs de l’électricité sont parmi les plus élevés de la sous-région.
Sur le plan environnemental, Taiba Ndiaye permettra d’éviter chaque année le rejet de plus de 300 000 t d’émission de CO2 dans l’atmosphère. D’ailleurs, la Senelec est à 100 % détentrice des droits des crédits carbone qu’elle pourra valoriser sur le marché international. Selon Bruno Vigneron, les retombées du plus important parc éolien ouest-africain, développé dans un parfait esprit de partenariat public-privé, seront nombreuses.
Nous aurons une capacité de production assez exceptionnelle de 158,7 MW, unique à ce jour en Afrique de l’Ouest
« D’abord, le tarif d’achat du kWh a été négocié et accepté par les deux parties [Senelec et Parc éolien Taiba Ndiaye], qui y ont donc trouvé leur compte. Ensuite, nous aurons une capacité de production assez exceptionnelle de 158,7 MW, unique à ce jour en Afrique de l’Ouest. La concrétisation et la réussite de ce projet constitueront ainsi une success-story pour la Senelec, dont la capacité de production augmentera. Il va contribuer à la diversification du mix énergétique voulue par l’État sénégalais, et par conséquent à la réduction de la dépendance au pétrole », analyse-t-il.
Tributaire des énergies fossiles
De fait, le pays est, jusqu’ici, largement tributaire des énergies fossiles, qui représentent jusqu’à 90 % du total. En 2015, sa facture énergétique représentait quelque 10 % du PIB. L’infrastructure qui sera construite par Vestas, leader mondial des éoliennes, apportera sans doute le chaînon manquant dans le dispositif de production d’énergie propre que le gouvernement a mis en œuvre ces dernières années.
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Depuis octobre 2016, pas moins de quatre centrales solaires ont été mises en service dans le pays. Il s’agit de celles de Senergy à Santhiou-Mékhé (30 MW), de Senergy II à Bokhol (20 MW), de Malicounda (22 MW) et enfin de Ten Mérina (30 MW). Le développement d’autres unités photovoltaïques est prévu dans différentes régions, notamment à Kahone (près de Kaolack, pour 20 MW) et à Sakal (près de Louga, pour 20 MW).
Bientôt des émules dans la sous-région ?
Le chantier du parc éolien créera jusqu’à 420 emplois et, à l’issue de sa réalisation, 55 personnes seront salariées pour sa maintenance. Au-delà de la dimension technologique du projet, ses promoteurs ont également dû intégrer les fortes exigences du gouvernement.
Pour l’heure, seule la Mauritanie produit de l’énergie éolienne en Afrique de l’Ouest
En 2016, alors que le financement était presque bouclé, il a fallu revoir la taille des éoliennes à la hausse pour absorber la baisse du tarif négocié par l’État. Puis, en 2017, c’est l’ingénierie financière qui a dû évoluer pour permettre les décaissements effectués en devises depuis des comptes domiciliés au Sénégal.
Avant même sa finalisation, le parc éolien suscite beaucoup d’intérêt dans la sous-région. Son promoteur a-t-il déjà d’autres projets en tête ? Rien n’est exclu, explique Bruno Vigneron, mais tout dépendra de l’aboutissement de Taiba Ndiaye. Pour l’heure, seule la Mauritanie produit de l’énergie éolienne en Afrique de l’Ouest. Un parc de 30 MW a été inauguré à Nouakchott en 2015, et un autre projet de 100 MW prévu à Dakhlet Nouadhibou vient d’être dévoilé en juillet.
Des décaissements en devises depuis Dakar
En juin 2017, les autorités sénégalaises ont ajouté une nouvelle exigence au cahier des charges du projet : l’ouverture de comptes en devises à Dakar pour y effectuer tous les décaissements. Une première. Habituellement, les comptes utilisés pour les grands projets financés par des bailleurs internationaux sont domiciliés hors du pays. L’un des avantages pour le Sénégal est de faire remonter son volume de devises durant un certain laps de temps.
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