Spectacle : ceci n’est pas une femme blanche
Après avoir travaillé près de dix ans avec les plus grands chorégraphes africains, la Française Marion Alzieu veut aujourd’hui tracer son propre sillon.
«Mais qu’est-ce qu’elle fait là ? » La question est la même dans le public, que l’on se trouve parmi des Burkinabè, à la triennale Danse l’Afrique danse !, ou des Français, dans les tribunes du festival Paris l’été. Forme claire évoluant au sein d’une troupe de danseurs africains, Marion Alzieu étonne… alors que l’on s’est accoutumé à ce que des professionnels d’origine africaine rejoignent des compagnies occidentales. « Des gens me disent : ‘‘Tu as quand même de l’énergie pour une Blanche !’’ Et d’autres, à cause d’un réflexe postcolonial, sont surpris que j’aie des choses à apprendre en Afrique… »
Cela fait près de dix ans que la Française se rend sur le continent pour des créations. Et c’est peut-être sa formation éclectique qui lui a donné la souplesse (de corps et de caractère) pour s’adapter. En plus de cours de danse classique, l’artiste de 30 ans s’est essayée à la modern dance et a pratiqué la danse hip-hop pendant une quinzaine d’années. « Je faisais notamment du popping, ces mouvements brefs, saccadés, qui rappellent les robots, détaille-t-elle. Cela m’a beaucoup servi en Afrique, où l’on décompose souvent les gestes et où l’on peut isoler certaines parties du corps. »
Chez Salia ou chez Serge, il y a quelque chose de très spontané, une rage que je ne retrouve pas en France
C’est à la fin des années 2000, durant la formation Coline, à Istres (sud-est de la France), qu’elle rencontre le chorégraphe burkinabè Salia Sanou. Elle l’accompagne en 2011 à la Termitière, son centre de création à Ouaga. Suivront d’autres expériences avec Amala Dianor, d’origine sénégalaise, et surtout Serge Aimé Coulibaly, autre Burkinabè, qui lui confie d’importants solos dans ses spectacles (Kalakuta Republik, Kirina).
Quête d’identité
Au cours des tournées, Marion apprend à répéter sur les carrelages de salles de fortune ; à se démener par plus de 35 °C ; à suivre le rythme des cérémonies – enterrements, mariages, baptêmes… – qui, même pour les plus tristes, peuvent se transformer « en moments de transe ultra-énergiques » ; à s’abreuver de pas si divers que, pour elle, « parler de danse africaine au singulier n’a pas de sens ». Elle remet aussi en cause le « formatage » de la danse occidentale. « Chez Salia ou chez Serge, il y a quelque chose de très spontané, une rage que je ne retrouve pas en France. On est moins dans le politiquement correct, il y a de la place pour l’érotisme, l’humour, la politique… »
En 2013, la danseuse crée la Compagnie Ma’, pour tracer sa propre voie. Son premier solo, multirécompensé, pioche dans ses expériences : c’est un travail sur la quête d’identité, sur ce qui nous définit et que l’on tente de déjouer. Le titre résume bien le projet : Ceci n’est pas une femme blanche. Désormais, loin du minimalisme à la mode en Europe, elle envisage des créations brutes, incarnées, terre à terre. Avec toujours ce besoin d’exulter, de transpirer, qui la ramène à son continent d’élection.
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