Agroalimentaire : Danone sabre ses marges au Maroc pour sauver sa filiale

Le pilier de la stratégie africaine du groupe français baisse ses prix pour retrouver sa clientèle. En cas d’échec, son activité dans le royaume chérifien pourrait être menacée.

Les ventes de Centrale Danone ont chuté de 178 millions d’euros au Maroc, entre 2017 et 2018. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

Les ventes de Centrale Danone ont chuté de 178 millions d’euros au Maroc, entre 2017 et 2018. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

Publié le 16 septembre 2018 Lecture : 3 minutes.

Les prochains mois seront cruciaux pour Danone. La filiale marocaine du géant français de l’agroalimentaire doit désormais apprendre à vivre sans les bénéfices qu’elle réalisait sur le lait, qui représente plus d’un tiers de ses revenus – 6,5 milliards de dirhams (580 millions d’euros), en 2017. Toute sa production laitière est vendue depuis le 7 septembre à prix coûtant. L’objectif est de récupérer la clientèle perdue qui, depuis avril (voir JA no 2999), boycotte la marque ainsi que deux autres entreprises marocaines (Sidi Ali et Afriquia).

Une prise de risque qui s’explique par l’enjeu financier, bien plus important pour Danone que les 300 à 400 millions de dirhams de pertes anticipées par les experts d’ici à la fin de l’année. Le groupe avait déboursé presque 1 milliard d’euros, il y a trois ans, pour que ses parts dans le capital de la Centrale laitière, alors sous le giron du holding royal SNI, passent de 29 % à 99,7 %.

Ils sont dans l’obligation de protéger cet investissement

la suite après cette publicité

« Ils sont dans l’obligation de protéger cet investissement. Il ne faut pas oublier que la Maroc pèse 45 % dans le chiffre d’affaires dégagé par le groupe sur le continent (1,4 milliard d’euros). L’objectif était d’en faire un hub en y installant le siège Afrique du groupe », explique un analyste. D’ailleurs, la baisse de régime accusée au Maroc a coûté un point de croissance à la maison mère, selon le PDG du groupe, Emmanuel Faber, dont les visites répétées dans le royaume mettent en lumière la gravité de la situation. « Une entreprise qui perd 40 % de son chiffre d’affaires doit impérativement se réorganiser », explique-t-il.

>>> À LIRE – Maroc : les salariés de Centrale Danone demandent l’arrêt du boycott pour sauver leurs emplois

Le prix du litre de lait frais pasteurisé a donc baissé, passant de 7 à 6,40 dirhams. Il s’agit également de proposer un tout nouveau produit, sur lequel le groupe compte beaucoup : le lait demi-écrémé, contenant 15 % de matières grasses, vendu à 5 dirhams le litre, et qui sera conditionné dans une poche en plastique. Un emballage moins cher à produire et qui répond aux attentes des Marocains en matière de prix. « Ils vont inonder le marché avec cette nouvelle référence. Il est même possible qu’ils ralentissent la commercialisation en packs de carton », explique notre analyste.

Réduction des budgets, des contrats intérimaires et des recrutements

Pour que le nouveau modèle économique soit viable, il faut retrouver les volumes enregistrés avant le début du boycott et chasser les dépenses inutiles. « Nous ne pourrons pas tenir cette équation si la récupération ne se fait pas. Nous serons très contents si l’on récupère au cours des quatre premières semaines 50 % du business perdu », espère Didier Lamblin, le directeur général de Centrale Danone.

la suite après cette publicité

>>> À LIRE – Boycott au Maroc : des activistes politisés et conservateurs, selon une étude

Au troisième trimestre, l’entreprise va considérablement réduire son budget communication et marketing, restreindre les recrutements et limiter les contrats intérimaires. « Il se peut que Danone revoie aussi son modèle de collecte du lait auprès des éleveurs afin de réduire les charges de fonctionnement », anticipe notre analyste. Par ailleurs, Centrale Danone réfléchit à la production au Maroc d’articles déjà vendus en France et présentant d’importantes marges pour combler le manque à gagner.

la suite après cette publicité

Les dirigeants refusent d’envisager un échec. « À court terme, la vente de l’ensemble des infrastructures n’est pas possible, car l’image de Danone est écornée, mais en dernier recours, un ou plusieurs des sites de production pourraient finir entre les mains de la concurrence », pronostique Farid Mezouar, du cabinet en conseil financier FL Markets.

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image