Maroc – Mohamed Aujjar : « Les mentalités doivent évoluer »

Coopération judiciaire avec la France, indépendance de la magistrature, condamnation de militants du Hirak, campagne de boycott, Aziz Akhannouch et le nouveau RNI, cohabitation avec le PJD… Le garde des Sceaux, Mohamed Aujjar, livre ses vérités.

Mohamed Aujjar, à Rabat, le 7 septembre 2018 © Mohamed Drissi Kamili pour JA

Mohamed Aujjar, à Rabat, le 7 septembre 2018 © Mohamed Drissi Kamili pour JA

fahhd iraqi

Publié le 18 septembre 2018 Lecture : 9 minutes.

Qu’il reçoive pour le café dans son bureau ministériel ou pour le petit déjeuner dans sa villa du quartier Souissi, Mohamed Aujjar a cette convivialité naturelle qui met son interlocuteur immédiatement à l’aise. Dans la vie comme en politique, il use de la capacité d’écoute, de dialogue et d’argumentation qu’il a acquise quand il était journaliste. Méthodique, le ministre de la Justice du gouvernement El Othmani a su débloquer des textes de lois restés en souffrance du temps de son prédécesseur.

Son mandat coïncide aussi avec la mise en œuvre de l’indépendance de la magistrature : une révolution de l’appareil judiciaire menée sans heurts. Dix-huit mois après sa nomination, l’homme n’a pas à rougir de son bilan. À son actif, l’adoption de la réforme du livre v du code du commerce relatif aux entreprises en difficulté, l’élargissement de l’assiette des bénéficiaires du fonds d’entraide familiale aux femmes mariées abandonnées ou encore l’accès des femmes au métier de notaire de droit musulman (adoul).

Ces réformes reflètent le penchant d’Aujjar pour les questions de liberté et d’égalité, lui qui fut l’un des fondateurs de l’Organisation marocaine des droits de l’homme (OMDH) avant d’être ministre des Droits de l’homme, sous la bannière du Rassemblement national des indépendants (RNI), dont il reste l’un des principaux dirigeants.

Jeune Afrique : Une affaire fait l’actualité, celle des journalistes marocains convoqués par la justice française après une plainte de ­l’ex-capitaine de l’armée de l’air, Mustapha Adib. Ils affirment que les magistrats français outrepassent leurs droits. Qu’en est-il ?

Mohamed Aujjar : Des journalistes marocains ont reçu des convocations directes de la justice française. Or il y a des procédures pour interroger des citoyens marocains, prévues dans la convention et les protocoles additifs de la coopération judiciaire qui lie le royaume à ce partenaire historique privilégié. Le ministère de la Justice a donc convoqué le juge de liaison français pour exprimer notre position très ferme quant à la nécessité de respecter le cadre de cette coopération judiciaire. Notre message a été entendu.

Avez-vous évoqué cette affaire avec votre homologue française, Nicole Belloubet ?

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Je peux vous dire que les relations de ­coopération judiciaire passent par des canaux institutionnels et diplomatiques, dans un esprit de partenariat, d’amitié et d’attachement au respect des dispositions de la convention.

Il y a beaucoup de formes d’expression qui reflètent un certain malaise dans notre société

Emmanuel Macron s’est engagé « personnellement » à s’occuper du cas de Thomas Gallay, ce Français condamné pour terrorisme au Maroc. Est-ce de l’ingérence ?

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Je n’ai pas à faire de commentaires sur des déclarations attribuées au président de la République française. Maintenant, pour les dossiers de transfèrement, les décisions prises tiennent compte des intérêts supérieurs de tout pays, surtout lorsqu’il s’agit d’affaires liées au terrorisme, extrêmement sensibles.

Bien s’informer, mieux décider

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