RDC – Jean-Pierre Bemba : « Kabila a eu peur de moi »
Exclu de la course à la magistrature suprême, l’ancien chef rebelle ne baisse pas pour autant les bras. Ses dix années de prison et son acquittement inattendu lui ont appris la patience. Sévère avec le président et déterminé à donner de la voix, il pourrait apporter son soutien à un autre candidat.
Depuis plus d’une décennie, pas un jour ne passe sans que Jean-Pierre Bemba doive se justifier. Arrêté en Belgique en 2008 à la demande de la Cour pénale internationale (CPI), il a dû répondre des chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Depuis son spectaculaire acquittement, le 8 juin 2018, l’ancien vice-président congolais est libre. Il voyage entre la RD Congo, le Portugal et la Belgique. Mais il n’en a pas fini avec la justice : cet homme, qui connaît ses dossiers judiciaires par cœur et continue à communiquer ses instructions, via WhatsApp, à Melinda Taylor, son avocate australienne à La Haye, attend encore le verdict définitif de la CPI dans l’affaire de subornation de témoins.
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Quelles traces psychologiques pareille épreuve peut-elle bien laisser ? Le Jean-Pierre Bemba que nous rencontrons dans le confortable hôtel de Waterloo où il a ses habitudes est sur la défensive. Habité par un sentiment d’injustice d’autant plus lourd que sa candidature à la présidentielle de décembre vient d’être invalidée par la Cour constitutionnelle.
Avant de commencer à répondre à nos questions, il tient donc à nous montrer sur l’un de ses smartphones vibrant sans cesse une copie du diplôme qu’il a obtenu à l’Institut catholique des hautes études commerciales (Ichec) de Bruxelles, en 1986 – preuve qu’il remplit un des critères fixés par la loi congolaise pour se porter candidat à la magistrature suprême. Il range son téléphone sans faire de commentaires, mais le sous-entendu est évident : depuis quelques jours, l’authenticité du diplôme d’un autre ténor de l’opposition, Félix Tshisekedi, fait polémique. Ce dernier a pourtant été admis à concourir… Pour Jean-Pierre Bemba, c’est une preuve supplémentaire que l’on s’acharne contre lui.
Jeune Afrique : Le 3 septembre, la Cour constitutionnelle congolaise vous a officiellement exclu de la course à la présidentielle. Quelle est votre réaction ?
Jean-Pierre Bemba : Cela démontre que ce régime n’est ni ouvert ni disposé à l’alternance. Comme d’autres, j’ai été exclu alors que j’étais éligible. En réalité, le régime de Kinshasa a choisi ses propres opposants, ceux qu’il veut voir affronter son candidat [Emmanuel Ramazani Shadary]. Il veut s’aménager une élection dont le résultat est connu d’avance et conserver la main sur l’ensemble des structures de ce pays.
Vous vous y attendiez ?
Avant même que la Ceni [la Commission électorale nationale indépendante] n’annonce sa décision, André-Alain Atundu, le porte-parole de la majorité présidentielle, a publiquement remis en cause mon éligibilité. Il savait ce qui allait se passer. Quant à Alexis Thambwe Mwamba, le ministre de la Justice, il a envoyé une lettre à la Ceni pour lui dire d’écarter certains candidats. Cela prouve bien que la Cour constitutionnelle et la Ceni sont aux ordres.
On a eu peur de ma candidature
Avez-vous une copie de cette lettre ?
Non, mais je suis bien informé. En outre, pendant l’audition de notre recours devant la Cour constitutionnelle, Norbert Nkulu, l’un des juges, est allé parler aux avocats de la commission électorale. Pour quelle raison sinon leur donner des instructions ? C’est dire à quel point cette affaire était jouée d’avance. On a eu peur de ma candidature.
Bien s’informer, mieux décider
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