Afrique centrale : course à l’audience… et à l’influence

Tchad, Guinée équatoriale, Centrafrique… Les groupes audiovisuels camerounais se jouent des frontières pour étendre leur présence dans la sous-région.

Dans un salon, à Dakar. (Image d’illustration) © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Dans un salon, à Dakar. (Image d’illustration) © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

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Publié le 20 septembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Drapeaux des pays membres de la Cemac au siège de l’organisation, à Bangui, en 2016 © Vincent Fournier/Jeune Afrique/
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Afrique centrale : l’heure de la relance ?

L’heure de la relance a sonné pour les pays de la Cemac, qui doivent maintenant diversifier leurs économies dans une logique d’intégration. C’est tout l’enjeu du sommet de Malabo, prévu en novembre.

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Jean-Pierre Amougou Belinga a le vent en poupe à Bangui. Comme pour souligner l’importance qu’il a acquise en Centrafrique, le fondateur du groupe de presse multimédia L’Anecdote n’hésite pas, lors de ses divers passages dans la capitale, à s’afficher systématiquement aux côtés du président, Faustin-Archange Touadéra. À la suite du lancement de la chaîne de télévision Vision 4 TV RCA, en juillet 2017, le chef de l’État lui a d’ailleurs épinglé une médaille sur la poitrine.

Bien avant la Centrafrique, Vision 4 avait déjà ouvert un bureau à Brazzaville. Prochaine cible : l’Afrique de l’Ouest, où le groupe cherche à s’implanter. Comme L’Anecdote, plusieurs médias audiovisuels camerounais sont partis à la conquête de l’Afrique centrale. Avec pour objectif d’élargir leur audimat face à la concurrence des chaînes internationales en captant l’attention de la diaspora installée dans ces différents pays.

Ce sont d’abord des hommes d’affaires, susceptibles de se servir de leur outil médiatique pour faire main basse sur certaines opportunités

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Étendre leur influence

L’autre motivation des acteurs de cette expansion, non avouée cette fois, est d’étendre l’influence qu’ils cherchent à exercer dans les capitales de la sous-région. « Ce sont d’abord des hommes d’affaires, susceptibles de se servir de leur outil médiatique pour faire main basse sur certaines opportunités qui se présenteraient dans ces pays », fait valoir un analyste du secteur. Dans cette optique, Jean-Pierre Amougou Belinga n’a pas fait mystère, il y a quelques mois, de son intérêt pour la Société centrafricaine des télécommunications (Socatel), l’opérateur historique du pays.

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La proximité des dirigeants de ces entreprises avec les pouvoirs en place est d’ailleurs très marquée. C’est le cas de Justin Tagouh, le créateur de la chaîne Afrique Média, également implantée à Malabo et à N’Djamena. « Les chefs d’État de ces pays ont très tôt compris et soutenu la philosophie panafricaniste que nous défendons. Et ils nous ont ouvert leurs portes », précise son directeur de l’information, Albert Patrick Eya.

La présence de ces deux pôles de diffusion à l’extérieur du Cameroun a été décisive pour le groupe lorsque ses locaux de Yaoundé et de Douala ont été fermés, en août 2015, après avoir subi les foudres du Conseil national de la communication (CNC), le régulateur camerounais des médias, à la suite du dépôt de plusieurs plaintes. La « chaîne panafricaine » a pu ainsi continuer à émettre sans encombre jusqu’à la levée des scellés, près d’un an plus tard.

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Bouquet de chaînes

La logique du groupe TV+ (radio, télévision et télédistribution), dont la chaîne Canal 2 International est l’une des principales filiales, est bien différente : « Nous voulons voir grand et ne pas nous cantonner uniquement au marché local. Notre présence dans ces pays, grâce à nos correspondants, nous permet de ne pas dépendre des agences de presse qui coûtent cher et dont le traitement de l’information épouse un prisme pas toujours en accord avec notre perception », observe Éric Joseph Fotso, patron de Canal 2.

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L’entreprise est engagée dans un partenariat avec la chaîne tchadienne Electron TV, lancée en 2014, construit autour de l’échange de programmes et d’un soutien technique apporté par le groupe camerounais. L’antenne de Malabo, où cohabitent une représentation de Canal 2 et une société de télédistribution (activité de base de TV+), illustre à la perfection la stratégie du groupe lorsqu’il cible un pays. « Nous cherchons d’abord à obtenir une licence dans la télédistribution. Si cette dernière marche, nous déployons ensuite notre bouquet de chaînes télévisées », explique Éric Joseph Fotso.

Aucun de ces acteurs camerounais ne fait état d’une quelconque concurrence entre eux dans les pays étrangers où ils se sont implantés, préférant invoquer un positionnement différencié qui doit leur permettre à tous de trouver leur place dans le paysage audiovisuel de la Cemac.

Tous connectés

Depuis le 6 avril, le Gabon et le Congo sont connectés par fibre optique. C’est le dernier développement en date du projet Central African Backbone (CAB), promu par la Banque mondiale pour interconnecter l’ensemble de la sous-région. Grâce à ce réseau, l’Afrique centrale sort de sa dépendance au satellite tout en permettant aux pays enclavés de s’arrimer aux câbles sous-marins lancés depuis la côte.

Véritable hub, le Cameroun est relié au Tchad depuis 2012 et à la Guinée équatoriale via une double liaison, par mer et sur terre. L’extension de cette dernière doit rejoindre à terme le Gabon, alors que le lancement d’un autre chantier est déjà prévu entre Yaoundé, Brazzaville et Bangui. En attendant la liaison entre les capitales du Tchad et de la Centrafrique, freinée par la situation sécuritaire dans ce dernier pays.

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