Guinée équatoriale : Teodorín Obiang, les frasques en héritage

Connu pour ses goûts de luxe et ses déboires judiciaires, le vice-président équato-guinéen s’est une nouvelle fois illustré lors d’un séjour privé au Brésil.

Teodoro Nguema Obiang Mangue a invoqué des soins médicaux et un voyage diplomatique pour légitimer la présence de l’argent. © XINHUA/afp

Teodoro Nguema Obiang Mangue a invoqué des soins médicaux et un voyage diplomatique pour légitimer la présence de l’argent. © XINHUA/afp

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Publié le 24 septembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Lorsqu’il a été arrêté le 18 août 1979, Francisco Macías Nguema fuyait avec une valise pleine de devises. « Cet argent est à moi, je suis le roi de mon peuple. Tout m’appartient », déclarait le premier président de Guinée équatoriale quelques jours avant son procès. Renversé par son neveu et bras droit, l’actuel chef de l’État Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, le Tigre de Malabo est passé par les armes le 29 septembre 1979.

L’histoire le présente aujourd’hui comme l’un des pires tyrans qu’ait connus l’Afrique, et son successeur, qui dirige ce petit pays pétrolier d’une main de fer depuis trente-neuf ans, comme son « digne » héritier.

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Le vice-président équato-guinéen, fils du tombeur de Macías, n’a peut-être pas hérité de la barbarie de son grand-oncle, mais il partage assurément son goût immodéré pour l’argent. Les médias du monde entier commentent, non sans gourmandise, les frasques et les déboires judiciaires de Teodoro Nguema Obiang Mangue. Fin octobre, la justice française l’a condamné à trois ans de prison et à 30 millions d’euros d’amende avec sursis pour blanchiment dans l’affaire dite des « biens mal acquis » – décision dont il a fait appel.

Valises pleines de cash

Le voici maintenant à la une des tabloïds brésiliens. Des valises Louis Vuitton pleines de billets de banque et des mallettes remplies de montres de luxe lui ont été confisquées par les douanes à l’aéroport de Viracopos, près de São Paulo, le 14 septembre. Montant du trésor : 16 millions de dollars (13,7 millions d’euros), dont 1,5 million en liquide.

Protégé par son immunité diplomatique, Teodorín a pu rejoindre son hôtel en hélicoptère, avant de reprendre son jet privé quelques jours plus tard, écourtant son séjour. En revanche, les onze personnes qui transportaient les bagages en question ont subi un long interrogatoire. Le vice-président a désormais trois semaines, à compter du jour de la saisie, pour justifier la présence de ces fonds et de ces montres non déclarés, dont l’une est entièrement sertie de diamants.

Jets privés

La loi brésilienne interdit aux visiteurs d’entrer dans le pays avec plus de 2 400 dollars en liquide. Si une explication satisfaisante n’est pas fournie, l’argent pourrait être reversé au Trésor brésilien et les luxueuses tocantes vendues aux enchères. Pour l’heure, Teodorín a invoqué des soins médicaux et un voyage diplomatique à Singapour dans la foulée pour légitimer la présence de l’argent. Il a précisé que les montres, dont certaines sont gravées à ses initiales, étaient destinées à son usage personnel.

Teodorin Obiang à sa soirée d'anniversaire à Malabo. © Instagram @teddynguema

Teodorin Obiang à sa soirée d'anniversaire à Malabo. © Instagram @teddynguema

Il regrette cet acharnement, et ne comprend pas qu’on lui en veuille d’avoir réussi

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Les photos des valises ont fait le tour des réseaux sociaux. Rien en revanche sur le compte Instagram de l’intéressé, pourtant alimenté par de nombreux clichés et vidéos dans lesquels il se met en scène : yachts, jets privés, motos et véhicules de luxe y côtoient des instantanés de ses voyages diplomatiques – ce sont les moins nombreux.

En juin, les images de son quarante-neuvième anniversaire, étaient notamment invités Akon et des stars brésiliennes, ont agité la Toile. Son entourage assure qu’il « regrette cet acharnement, et ne comprend pas qu’on lui en veuille d’avoir réussi ».

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L’affaire brésilienne vient une nouvelle fois compliquer les relations diplomatiques de la Guinée équatoriale. Celles-ci étaient déjà distendues avec la France, les États-Unis (où Teodorín a dû s’acquitter d’une amende de 30 millions de dollars), les Pays-Bas (où un yacht a été saisi) et la Suisse, où des voitures de luxe en provenance de Malabo ont récemment été confisquées.

La justice helvète a ouvert une enquête, car elle le soupçonne d’être le véritable propriétaire des bolides (ce que nient les autorités équato-guinéennes, assurant qu’ils appartiennent à l’État), et de les avoir acquis avec de l’argent détourné des caisses de son pays.

Convoqué le 17 septembre par Simeón Oyono Esono Angüe, le ministre équato-guinéen des Affaires étrangères, Evaldo Freire, l’ambassadeur du Brésil à Malabo, s’en est tenu à ce qu’il avait déclaré à la télévision équato-guinéenne TVGE : « Le vice-président était en voyage privé au Brésil et tous les voyageurs internationaux sont soumis aux mêmes règles. »

La famille Obiang, habituée du carnaval de Rio, devra-t-elle faire une croix sur ses nombreux voyages au pays de la samba ? « Rien n’empêche Teodorín d’aller là où il le souhaite s’il obtient son visa, assure Jean-Charles Tchikaya, l’un des avocats de la Guinée équatoriale. Il n’y a aucun mandat d’arrêt international contre lui. S’il a décidé de ne plus se rendre dans certains pays, comme la France ou la Suisse, c’est d’abord pour ne pas gêner le travail de la justice. »

Pendant ce temps, à Malabo, rien ne semble pouvoir perturber les derniers préparatifs du cinquantième anniversaire de l’indépendance. Cette fête, annoncée comme « somptueuse », est prévue pour le 12 octobre. Date de l’arrivée au pouvoir du premier président de l’ex-colonie espagnole, Francisco Macías Nguema.

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