Tunisie – Kamel Jendoubi : « L’Isie doit se situer au dessus de la mêlée, pour ne pas dire de la mélasse »

Premier président de l’Isie en 2011, Kamel Jendoubi analyse la crise qui secoue l’institution chargée de l’organisation des élections tunisiennes.

Kamel Jendoubi, premier président de l’Isie en 2011. © Ons ABID pour JA

Kamel Jendoubi, premier président de l’Isie en 2011. © Ons ABID pour JA

Publié le 27 septembre 2018 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Comment expliquer l’état dans lequel se trouve aujourd’hui l’Isie ?

Kamel Jendoubi : L’Isie est progressivement devenue l’otage d’un jeu politicien qui me semble destructeur pour la transition démocratique. Il faut se rappeler que c’est pourtant la première institution de la deuxième République tunisienne : créée en 2011, elle a préexisté à la Constitution !

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Mais son indépendance a été progressivement atrophiée depuis l’adoption de la loi de 2012. Avec ce texte, passé dans une relative indifférence, l’Isie a vu sa commission centrale passer de 16 à 9 membres. Elle a été privée de sa base locale occasionnellement régénérée à chaque élection. La loi a aussi réduit l’étendue de sa mission en confiant plus de pouvoir à un directeur exécutif, élu par l’Assemblée et non par les membres de l’Isie, plutôt qu’à l’Instance elle-même. Laquelle a aussi vu sa crédibilité entachée par des conflits internes, dus pour une large part à une lutte d’influence et qui l’ont durablement marquée.

Comment contrôler et organiser s’il n’y a pas de présence locale et de moyens techniques et logistiques fonctionnels et rapidement mobilisables ?

Quelles sont les pistes pour y remédier ? 

L’Isie est l’institution chargée du processus électoral. Son rôle ne doit pas se réduire à la logistique. C’est un juge qui doit dire la loi, parfois sévir et surtout sensibiliser et éduquer. Il faut tout d’abord que le collectif de l’Isie en ait conscience pour réaffirmer son indépendance avec une volonté réelle de ses membres de se situer au-dessus de la mêlée, pour ne pas dire de la mélasse, à égale distance de tous les acteurs. Les élections sont un cycle dont la régularité doit être mise en œuvre, comme dans toute démocratie.

L’essentiel est de regagner la confiance de l’électeur par une action permanente, continue, réfléchie et d’organiser des campagnes destinées à expliquer les enjeux et le sens du vote. La troisième condition indispensable et incontournable est de mettre en place une véritable administration électorale. Ses antennes locales sont les oreilles et les yeux de l’Isie. Comment contrôler et organiser s’il n’y a pas de présence locale et de moyens techniques et logistiques fonctionnels et rapidement mobilisables ?

L’impartialité doit être le fondement de l’institution, qui ne peut être neutre vu qu’elle est pour le choix démocratique

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Dans ce contexte les élections peuvent-elles être irréprochables ? 

L’enjeu électoral est stratégique pour la transition démocratique. Ce n’est pas un exercice électoral réduit à une simple opération occasionnelle et technique. Il s’agit de mettre les électeurs au centre des préoccupations, de dialoguer en permanence avec la société civile et les acteurs politiques, grands ou petits, de la même manière. L’impartialité doit être le fondement de l’institution, qui ne peut être neutre vu qu’elle est pour le choix démocratique. L’Instance doit bénéficier d’une sécurité juridique.

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Plus généralement, il faut un apaisement du climat politique et social, ce qui n’est plus le cas depuis 2011. Enfin, l’institution doit être en capacité de piloter l’ensemble du processus. À ces conditions, huit à douze mois suffisent à organiser des élections réussies, aux résultats incontestables.

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