Urbanisme : Mariam Kamara, l’architecte « made in Africa »

Façonnant ses projets entre le Niger, son pays natal, et les États-Unis, cette architecte défend une vision de l’urbanisme résolument pragmatique et innovante.

Mariam Kamara, dirigeante du cabinet Masomi, qu’elle a créée à Niamey. © DR / Mariam Kamara

Mariam Kamara, dirigeante du cabinet Masomi, qu’elle a créée à Niamey. © DR / Mariam Kamara

Clarisse

Publié le 27 septembre 2018 Lecture : 3 minutes.

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De petites escapades entre deux grands esprits. Depuis qu’ils forment le tandem « mentor et protégée » du programme Rolex de mentorat artistique 2018-2019, la Nigérienne Mariam Kamara et le Britannique d’origine ghanéenne Sir David Adjaye se voient régulièrement. Les deux architectes veulent mieux appréhender leurs univers respectifs avant de plancher, pendant deux ans, sur leur projet commun : la construction d’un centre culturel à Niamey.

« C’est une collaboration inespérée », reconnaît Mariam Kamara, un sourire satisfait dans la voix. L’urbaniste de 38 ans, qui partage son temps entre Niamey, où elle a fondé l’Atelier Masōmī – « le début, la création », en soussou –, et les États-Unis, où elle supervise ses projets tout en enseignant l’urbanisme à l’université Brown, dans l’État de Rhode Island, se dit honorée d’avoir été remarquée par l’un des architectes les plus réputés du moment. Concepteur entre autres du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine, à Washington (540 millions de dollars de budget), et du Musée de l’espionnage, en plein cœur de Manhattan, David Adjaye a sans doute voulu saluer la virtuosité de sa consœur.

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Après une première carrière dans l’informatique, Mariam Kamara est parvenue à imprimer sa marque dans le domaine de l’architecture dès ses premiers projets, utilisant des matériaux locaux tels que les briques de terre compressée, les mélangeant entre eux pour en améliorer la qualité et recourant à l’innovation technologique pour sublimer un style qu’elle veut résolument contemporain. Lauréate du Global LafargeHolcim Awards 2018 – le plus grand concours d’architecture durable au monde – pour son projet Legacy Restored Center, un complexe à la fois religieux et laïc réalisé en partenariat avec l’Iranienne Yasaman Esmaili, elle s’était déjà fait remarquer en 2016 avec Niamey 2000, projet pilote de logements abordables construits avec des matériaux locaux.

Renouveau identitaire

Si Mariam Kamara dit avoir été guidée dans son choix de carrière par son goût pour la création, elle assure aussi avoir pris conscience très tôt des problèmes économiques et sociaux engendrés par l’absence de vision africaine dans son domaine. Pour elle, s’entêter à copier l’architecture occidentale est irresponsable : « Au Niger, des familles mettent parfois jusqu’à dix ans pour se construire une habitation, parce qu’elles n’ont pas accès au crédit et que les coûts des matériaux plébiscités sont prohibitifs. »

Mariam Kamara affirme appartenir à une jeune génération de professionnels engagée dans la quête d’un renouveau identitaire, artistique et architectural sur le continent. « Construites au début de la colonisation, nos villes exhalent une structuration de l’espace urbain qui ne tient pas compte de nos modes de vie, explique-t-elle. Pour corriger le tir, il s’agit non pas de revenir deux cents ans en arrière, mais de regarder en face nos réalités économiques, notre identité, afin de définir nos propres règles architecturales. »

Nous pourrions imaginer notre propre futur, inventer notre propre modernité

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Elle prend en exemple la ville japonaise de Kyoto, qui a su allier tradition, identité et modernité. L’Afrique doit, selon elle, repenser son rapport à la création des espaces, en trouvant elle-même, sur place, des solutions pour les adapter aux besoins de la population : « Nous pourrions imaginer notre propre futur, inventer notre propre modernité… Ce serait nous accorder un minimum de respect. »

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Pour chacune de ses réalisations, Kamara mène des enquêtes sur le terrain afin de mieux cerner les attentes des futurs habitants : comment vivent-ils et comment reçoivent-ils ? Dans quelle mesure seront-ils confortablement installés, culturellement à l’aise ? Qu’est-ce qui leur permettra de faire baisser la température à l’intérieur de leur maison ? Le projet Legacy Restored Center a ainsi nécessité six mois d’observations. Résultat, il propose un espace citoyen ouvert à tous les habitants du village de Dandaji, favorise l’éducation des femmes et renforce la présence de celles-ci au sein de la communauté.

L’architecte se défend de toute démarche esthétisante. Elle n’est pas en quête d’un style spécifique, reconnaissable entre mille. De projet en projet, elle veut juste expérimenter des techniques nouvelles, tester des matériaux locaux différents. Dans trois mois, elle les utilisera pour construire un immeuble de bureaux ultracontemporains, à la pointe du high-tech, sur plusieurs niveaux. Une première. Mais Mariam Kamara est aussi une militante passionnée qui met un point d’honneur à apporter ses services à ceux qui n’auraient pas les moyens de se les offrir. Comme pour cette unité néonatale, dont elle conçoit actuellement le nouvel espace de travail.

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