Style : la fouta, un tissu ancestral devenu accessoire de mode
Ce tissu ancestral, apparu dans les bains maures tunisiens, s’invite depuis quelques années sur les plages du monde entier. Un marché d’exportation en plein essor.
Marseille, sous un soleil de plomb. Seuls les étalages du marché du Vieux-Port encouragent les passants à s’aventurer hors de l’ombre. Sur l’un d’eux, des serviettes de différentes couleurs. Bleu turquoise, vert d’eau, rose dragée… Une large bande blanche entourée de deux autres plus fines décore le voile orné de franges.
Venu de Tunisie, cet assemblage appelé fouta a conquis les plages européennes. Certains s’en servent de jeté de lit ou de nappe. D’autres les déclinent en peignoir, en robe ou en sac.
Fabrication artisanale
Dans son pays d’origine, la fouta est désormais l’accessoire de mode indispensable pour une journée à la mer. C’est pourtant au cœur des hammams qu’elle est née, utilisée comme une étoffe nouée à la taille ou portée comme une jupe. Qu’il soit plat ou à nid d’abeille, son tissage en coton la rend fine, souple et très absorbante. Sa fabrication artisanale fait appel à des métiers à tisser en bois au sein d’ateliers concentrés sur la côte, à Nabeul, Ksar Hellal, Mahdia, Tunis mais aussi Kairouan. Ses franges sont tissées à la main par les femmes chargées des finitions.
C’est au cours de ses vacances en Tunisie que Sabine Calstier, femme d’affaires française, a découvert la fouta. En 2002, elle a décidé de se lancer dans l’exportation vers le sud de la France. « L’affaire n’a pas rencontré un succès immédiat, j’ai même dû solder des pièces parce que personne n’en voulait. Il a fallu attendre le retour de la mode du produit oriental et l’ouverture des premiers hammams de luxe en France pour que les ventes explosent », explique l’entrepreneuse.
L’année dernière, nous avons même été sollicités par l’équipe de rugby de Montpellier pour leur fournir des foutas personnalisées, confie l’entrepreneur Hedi Sanaa
Aujourd’hui, elle est à la tête d’un réseau de distribution qui s’étend sur l’ensemble du territoire, mais aussi en Italie et en Espagne. Elle n’est pas la seule à être tombée sous le charme. Sur internet, des sites tels que foutatunisia.com ou encore desfoutas.com revisitent le voile tunisien sous toutes ses formes, proposant des motifs papillon ou jacquard.
Hedi Sanaa, originaire de Ksar Hellal, s’est lancé dans l’exportation en 2013 avec sa société Kana Production. Aujourd’hui, 30 000 étoffes quittent chaque mois ses ateliers tunisiens pour rejoindre les rayons de boutiques implantées en Europe, aux États-Unis et même en Australie. Mais c’est en France que la popularité de ses foutas bat tous les records. « L’année dernière, nous avons même été sollicités par l’équipe de rugby de Montpellier pour leur fournir des foutas personnalisées », confie-t-il.
Victime de son succès
Pour répondre à une demande grandissante, la fouta se fabrique aujourd’hui sur des métiers à tisser mécaniques. Seules les franges sont encore réalisées à la main. Mais cela ne suffit pas, et l’étoffe est désormais victime de son succès. Certains vont jusqu’à délocaliser sa production hors de la Tunisie.
Des réseaux de fabrication se sont développés en Inde et en Chine, permettant à de grandes enseignes de vendre des foutas à des prix défiant toute concurrence (à 5 euros, contre 20 euros généralement). Hedi Sanaa ne s’en inquiète pas : « Pour les vendeurs, la fabrication tunisienne restera toujours un gage de qualité », assure-t-il.
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