Tunisie : Youssef Chahed et Mehdi Jomâa, deux rivaux en quête d’avenir
Rivaux au profil très proche, Youssef Chahed, l’actuel chef du gouvernement, et Mehdi Jomâa, fondateur du parti Al Badil Ettounsi, chassent sur les terres de Nidaa Tounes, moins d’un an avant les élections législatives et présidentielle.
Tous deux sont jeunes et ont l’expérience du pouvoir. Tous deux ont été ministre, puis chef du gouvernement. Moins d’un an avant les élections législatives et présidentielle, Youssef Chahed (43 ans) et Mehdi Jomâa (56 ans) se repositionnent sur l’échiquier politique et rassemblent leurs troupes. Leur objectif : chasser sur les terres de Nidaa Tounes, la principale formation de la coalition au pouvoir. Aucun d’eux n’a encore officialisé sa candidature, mais chaque camp piaffe et espère que son champion (re)deviendra Premier ministre – ou, pourquoi pas, président de la République.
Youssef Chahed, l’actuel chef du gouvernement, n’a plus de parti ? Qu’à cela ne tienne ! Sa suspension de Nidaa Tounes, annoncée le 14 septembre, pourrait lui rendre un fier service en lui laissant les mains libres.
Coalition pro-Chahed
Le calendrier lui est d’autant plus favorable qu’une quarantaine de députés le soutiennent et, sous le nom de Coalition nationale, font bloc à l’Assemblée. Composé de transfuges d’autres partis, ce groupe envisage de fonder un mouvement, dont Chahed pourrait prendre la tête.
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Ces députés sont suffisamment nombreux pour approuver tous les projets de loi en souffrance et redorer le bilan de son mandat, de concert avec les élus d’Ennahdha. Chahed travaille-t-il pour autant main dans la main avec les islamistes ? Leur chef, Rached Ghannouchi, lui demande avec insistance de ne pas se présenter aux élections de 2019 pour se concentrer sur ses missions. Mais celui qui a fait ses armes en politique au moment de la Révolution a toujours été tenté par de nouvelles aventures : n’avait-il pas fondé la Voie du centre, puis cofondé Al Joumhouri, avant de rejoindre Nidaa Tounes ?
Jomâa, un rival de taille
Mehdi Jomâa, lui, a fait le chemin inverse. Les Tunisiens ont découvert cet outsider apolitique en 2013. Dans un pays en pleine période de turbulence, il avait été nommé au sein d’un gouvernement dominé par Ennahdha. À ceux qui le lui reprochent aujourd’hui, il assure n’avoir jamais cru à l’islam politique. L’année suivante, il dirigeait un gouvernement de transition, qui se voulait neutre et indépendant. Il se fixait alors pour mission de mener le pays aux élections et tint sa promesse de ne pas s’y présenter. Ses soutiens en font un gage de probité.
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En mars 2017, il fonde Al Badil Ettounsi, qui compte près de 5 000 adhérents. « Homme de consensus » devenu « homme de l’Alternative » (c’est le nom de ce parti), Jomâa compte remédier à la « détérioration de la situation » grâce à des « pratiques éthiques » – allusion à la crise dans laquelle l’actuel pouvoir est embourbé. Il plaide d’ailleurs en faveur d’un gouvernement d’union nationale.
Génération de managers
Mais son rival Chahed s’accroche. Et tente de se démarquer avec son opération anticorruption. Si son mandat est plus tumultueux que ne l’a été celui de Jomâa, il s’est taillé une réputation de sang-froid et d’intransigeance. Les remaniements et limogeages de ses ministres en témoignent. Fort de son expérience des crises, il met en garde contre « tout changement politique qui conduirait à la rupture des négociations avec les institutions financières internationales ».
Issus d’une génération de managers, ces deux libéraux, ingénieurs de formation, ont travaillé à l’étranger : Chahed comme professeur d’université et expert agricole, Jomâa dans l’aéronautique (il a fait carrière dans une filiale de Total, qu’il a quittée pour devenir chef du gouvernement, avant de fonder sa propre société de consultant en stratégie d’entreprise). Tous deux possèdent donc un beau carnet d’adresses. Un atout certain, alors que la Tunisie reste sous perfusion des bailleurs de fonds.
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