Littérature : « Une vie de pierres chaudes », plongée dans le silence de la guerre d’Algérie

Avec Une vie de pierres chaudes, la jeune romancière Aurélie Razimbaud explore le temps des non-dits qui a suivi la guerre d’Algérie. Et qui perdure aujourd’hui.

Un militaire français fouillant une personne durant la guerre d’Algérie. © CC/Wikipédia

Un militaire français fouillant une personne durant la guerre d’Algérie. © CC/Wikipédia

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Publié le 29 septembre 2018 Lecture : 2 minutes.

Le silence qui suit la guerre, c’est encore la guerre. Avec un art consommé de l’ellipse, Aurélie Razimbaud explore dans son premier roman, Une vie de pierres chaudes, l’étouffante chape de secrets, de non-dits et de souffrances tues qui, bien après la fin de la guerre d’Algérie, continue de peser sur les âmes, des deux côtés de la Méditerranée.

Pulvérisant la chronologie, la jeune romancière nous raconte l’histoire d’amour entre Louis et Rose. Ou plutôt nous raconte des instants saisis sur le vif de la vie de Louis et de Rose, après la guerre. Le quotidien, à première vue, semble doux pour ces Français qui mènent une existence de privilégiés entre la plage et l’entre-soi des fêtes d’expatriés – si peu de temps après les accords d’Évian. Mais le poison du passé est là, suggéré, à peine perceptible, polluant jusqu’aux instants les plus intimes.

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Une importante production éditoriale

« – La guerre, souffla Rose.

En une seconde, les regards de fête s’étaient ternis, perdus dans le vague ; chacun faisait un effort pour penser à autre chose, pour chasser les images, les souvenirs de mort.

– La guerre, oui. »

Plus de cinquante ans après l’indépendance, le conflit continue de travailler en profondeur les deux pays et suscite une importante production éditoriale. En littérature, c’est désormais une génération qui n’a pas vécu la guerre qui s’empare du sujet avec le recul des ans, mais sous l’ombre portée de grands-­parents mutiques. « Quand j’ai appris (tardivement) que mon grand-père avait fait la guerre d’Algérie, je n’ai pas eu tout de suite l’idée d’en faire un roman, explique Aurélie Razimbaud. C’est en me documentant et en constatant que le silence de mon grand-père autour de son expérience était symptomatique des appelés que j’ai eu l’idée de m’inspirer de sa vie pour en faire un roman. »

La plaie est encore ouverte entre les deux pays, et la littérature peut agir comme un baume apaisant

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Dans la première partie du livre, l’écriture, tout en retenue, effleure la surface du mystère et se nourrit de mots non prononcés. « Je n’ai jamais réussi à en parler avec mon grand-père, poursuit la romancière. Je me disais que j’allais raconter ce qu’il n’avait pas réussi à me dire et, de manière générale, rendre la parole à tous ces appelés qui se sont tus. Je voulais aussi montrer que les événements historiques des années 1960 se ressentent encore aujourd’hui. Le roman offre cette liberté de jouer avec les temporalités, de créer un temps à la fois cyclique et linéaire. » Plus classique, la fin du roman replonge le lecteur dans l’horreur que dénonçait Henri Alleg, dès 1958, dans La Question, livre interdit à sa sortie.

« Les années passent et, peu à peu, les langues se délient, affirme la jeune femme. La chape de plomb qui pesait sur ce sujet s’allège, et les générations suivantes comme la mienne ont envie d’explorer, de comprendre, d’interpréter. La plaie est encore ouverte entre les deux pays, et la littérature peut agir comme un baume apaisant. » Plus encore que le temps, les mots justes peuvent guérir les âmes en peine.

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