[Editorial] Alpha Condé, omniprésident
Le président guinéen avait 20 ans le 2 octobre 1958 lorsque Sékou Touré lança son fameux « Non » à la puissance coloniale. Aujourd’hui au pouvoir, il se sert des leçons d’un passé chaotique pour que la Guinée s’engage enfin sur les sentiers de l’émergence.
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 2 octobre 2018 Lecture : 2 minutes.
Guinée : soixante ans d’indépendance
1958-2018. Soixante ans plus tard, le pays de Sékou Touré et d’Alpha Condé renoue avec les espoirs de l’indépendance.
Il avait 20 ans quand la Guinée accéda à l’indépendance et déjà la politique chevillée au corps. En ce 2 octobre 1958, Alpha Condé use ses pantalons sur les bancs de la Sorbonne, à Paris, entre deux meetings enfiévrés de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, la mythique Feanf.
Dans un film biographique que les Guinéens pourront bientôt voir sur leurs écrans (Alpha Condé, le pouvoir et la vie), celui qui préside aujourd’hui à la vie quotidienne de ses 14 millions de compatriotes raconte combien ce jour-là et le fameux non de Sékou Touré à la puissance coloniale qui l’a précédé ont façonné le destin de la Guinée et l’univers mental de ses habitants.
Ces soixante années d’indépendance, le camarade Condé les a dévorées avec l’appétit d’un militant, bues d’un trait et parfois jusqu’à la lie. Tour à tour tiers-mondiste proche de l’extrême gauche, condamné à mort, opposant sans jamais céder à la tentation de la soupe ni à celle du recours à la violence, jeté trente mois durant au fond d’un cul-de-basse-fosse, premier président démocratiquement élu (et réélu), ombrageux, patriote, fidèle en amitié comme à ses convictions, exigeant envers ses proches et charmeur pour ceux qu’il veut séduire, pudique à l’extrême tant il cuirasse sa sensibilité, volontiers cassant mais capable des pardons les plus étonnants.
Une opposition aux aguets du moindre de ses faux pas
Ainsi est Alpha Condé, ainsi sont les Guinéens : même s’ils sont loin de tous se reconnaître en lui, tous savent qu’il leur ressemble et nul ne met vraiment en doute la légitimité de ce président omniprésent.
Organisé dans son désordre apparent et doté d’une mémoire de pachyderme, le chef de l’État – dont l’actuel mandat s’achèvera fin 2020 – se sert des leçons d’un passé chaotique pour que la Guinée, à laquelle les économistes « tropicaux » des années 1950 prédisaient un avenir brillant, s’engage enfin sur les sentiers de l’émergence.
Les Guinéens se portent infiniment mieux aujourd’hui qu’en 2010
Il le fait à sa manière : à la fois directive sur le plan économique, en s’impliquant personnellement auprès des investisseurs et des bailleurs de fonds, et souple sur le plan politique, en évitant autant que possible les rapports de force avec une opposition aux aguets du moindre de ses faux pas.
Cette navigation au près serré a porté ses fruits : sur tous les plans, les Guinéens se portent infiniment mieux aujourd’hui qu’en 2010, quand Alpha Condé a reçu en héritage un État en lambeaux et une nation déchirée. Le fait d’avoir à leur tête un homme qui a connu et traversé, un demi-siècle durant, les mêmes espoirs, les mêmes déceptions et les mêmes vicissitudes qu’eux y est sans doute pour beaucoup.
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Guinée : soixante ans d’indépendance
1958-2018. Soixante ans plus tard, le pays de Sékou Touré et d’Alpha Condé renoue avec les espoirs de l’indépendance.
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