Informatique : Liquid Telecom porté par la vague du cloud computing
Premier opérateur panafricain de fibre optique, la filiale d’Econet fait évoluer son modèle vers les services digitaux. Et prépare discrètement son introduction en Bourse.
Pour l’heure, ordre a été donné à tous les cadres dirigeants de Liquid Telecom de garder le silence. Mais dans les milieux de la finance, la rumeur d’une prochaine cotation de la filiale du groupe zimbabwéen Econet, fondé par le tycoon Strive Masiyiwa, n’a cessé d’enfler au point de pousser, à la mi-septembre, l’agence Bloomberg à en faire état.
L’introduction de la société devrait, selon nos informations, intervenir d’ici à la fin de l’année. Rien n’est arrêté, assure cependant une source proche du dossier, même le choix de Londres n’a pas encore été validé. Si la place britannique est retenue, au moins 25 % de son capital y sera introduit, conformément aux règles en vigueur.
Fondé en 1997, Liquid Telecom est aujourd’hui le plus important opérateur panafricain de fibre optique, avec un réseau de plus de 50 000 km, principalement en Afrique australe et en Afrique de l’Est. Mais l’entreprise ne cesse d’explorer de nouveaux territoires.
680 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2017
En février, elle a enfin obtenu une licence de vingt ans pour intervenir en RD Congo. Et début septembre, Reshaad Sha, directeur général de Liquid Telecom Afrique du Sud, a annoncé l’entrée en service d’une liaison entre les villes du Cap et du Caire grâce à un partenariat avec Telecom Egypt. Baptisée One Africa, elle couvre treize pays et connecte plus de 660 villes.
Nic Rudnick, son patron, mise encore sur une croissance à deux chiffres cette année
Le long des routes, des métros, sur les lignes électriques à haute tension, partout l’entreprise s’applique à densifier son maillage. Cette conquête permanente se traduit par des résultats financiers en forte progression.
En 2017 (exercice clos en février), son chiffre d’affaires a atteint 680 millions de dollars (environ 550 millions d’euros), contre 250 millions il y a cinq ans. Et s’il ne veut officiellement pas faire de prévisions, Nic Rudnick, son patron, mise encore sur une croissance à deux chiffres cette année.
L’an dernier, l’entreprise avait levé 780 millions de dollars à travers deux emprunts obligataires. Mais elle a encore besoin d’argent frais pour poursuivre son développement, car une partie de cette somme a déjà été consommée pour restructurer sa dette (601 millions de dollars au début de 2018) après l’acquisition de Neotel, finalisée en février 2017 pour 428 millions de dollars.
Une vision à long terme
Longtemps convoités par Vodacom, les actifs de la société sud-africaine ont permis à Liquid Telecom de considérablement renforcer sa présence dans la nation Arc-en-Ciel.
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À la clé, de nombreuses synergies, notamment au niveau des services de connectivité offerts aux grandes entreprises. Si, il y a quelques années, les ventes de capacité, de minutes de communication et de volumes de données aux opérateurs de télécoms comme MTN ou Airtel représentaient la majorité du chiffre d’affaires de Liquid Telecom, les groupes africains et les multinationales à qui la filiale d’Econet fournit des réseaux multisites sécurisés apportent désormais plus de 50 % de ses revenus.
« Cette réussite est le fruit d’une vision à long terme, assure David Eurin, directeur de la stratégie de Liquid Telecom. Strive Masiyiwa et Nic Rudnick sont des Africains, ils ont fait des paris que les entreprises non africaines ne pouvaient pas faire. Ce fut le cas de la construction de réseaux en fibre à partir de 2009. Et à nouveau quand nous avons proposé des connexions FTTH (fiber to the home, en fibre de bout en bout) à nos clients. »
Cinq ans après leur lancement à Harare, les offres FTTH de l’entreprise ont séduit 36 000 abonnés dans la capitale zimbabwéenne. Elles sont également disponibles à Lusaka, Nairobi, Kigali et bientôt à Dar es-Salaam et à Khartoum. Et ce qui était en 2013 une véritable innovation est aujourd’hui mis en œuvre par la plupart des opérateurs de télécoms.
Partenaire commercial de Microsoft depuis 2017
Depuis deux ans, l’entreprise a pris un nouveau virage. « Après avoir beaucoup investi sur la fibre, nous mettons désormais aussi l’accent sur l’offre de services digitaux », explique David Eurin. Grâce à ses data centers – un au Kenya et deux en Afrique du Sud hérités de Neotel –, la filiale d’Econet propose des packages (hébergement et services digitaux) pour ne plus se limiter à la fourniture de connectivité.
« Nos clients ne voient plus l’utilité d’investir dans des infrastructures. Ils veulent déployer des solutions informatiques grâce aux possibilités offertes par le cloud computing (qui permet aux entreprises d’utiliser des applications hébergées sur des serveurs distants) pour leur comptabilité, leur facturation ou la gestion de la relation clients. Ainsi, ils réduisent leurs coûts, gagnent en flexibilité, en sécurité et améliorent leur compétitivité », explique Adil El Youssefi, directeur général de Liquid Telecom Kenya.
Cette tendance est promue par des acteurs de classe mondiale tels Amazon ou Microsoft. En 2017, Liquid Telecom a scellé un partenariat avec le groupe fondé par Bill Gates, dont une grande partie de la croissance récente provient de ses activités cloud, pour distribuer ses services au sud du Sahara. Si la filiale d’Econet ne bénéficie pas d’une exclusivité en Afrique du Sud, elle est pour le moment la seule à avoir obtenu cet accord dans les autres pays subsahariens. Les équipes de Nic Rudnick vendent ainsi les accès à la plateforme Azure (série d’applications pour entreprise) et à Office 365 (suite bureautique).
Liquid telecom planche également sur l’entrée de l’entreprise sur les marchés francophones de la côte ouest
Partenaire commercial de Microsoft, Liquid Telecom a aussi aidé ces derniers mois la firme de Redmond, numéro un mondial du cloud, à installer ses propres data centers pour la plateforme Azure en Afrique du Sud. Leur entrée en service est prévue à la fin de 2018.
Encore très récente, la vente de services informatiques représente moins de 10 % du chiffre d’affaires de l’entreprise, mais sa croissance est plus forte que celles des autres activités. Après avoir tenté de vendre ses propres solutions de cybersécurité, la filiale d’Econet a aussi opté pour un partenariat avec le spécialiste panafricain Serianu, établi à Nairobi, qui en début d’année a ouvert un centre de formation dans la capitale kényane.
Jamais à court de projets, les dirigeants de Liquid telecom planchent également sur l’entrée de l’entreprise sur les marchés francophones de la côte ouest. L’une des raisons de cette absence tient au fait que les gouvernements de cette zone ont tous déjà déployé leur propre fibre pour réaliser un premier maillage de leurs territoires. « Il est vrai que l’abondance de ces réseaux nous oblige à changer de modèle, mais ce n’est pas rédhibitoire », explique David Eurin. Cette expansion pourrait se faire à l’occasion d’un accord avec l’opérateur français Orange.
Sa branche entreprise – Orange Business Services – utilise déjà les infrastructures de Liquid Telecom en RD Congo et au Botswana. Si rien de concret n’a été négocié entre les parties, David Eurin l’avoue : « Compte tenu de nos positions réciproques, tôt ou tard, il y aura une opportunité. »
Internet des objets : un réseau unique en Afrique de l’Est
À l’affût de nouvelles opportunités, Liquid Telecom a annoncé en août la construction d’un réseau consacré à l’internet des objets au Kenya en partenariat avec la start-up française Sigfox. L’infrastructure couvrira 85 % de la population et devrait être opérationnelle à la mi-2019. Peu gourmande en énergie, la technologie mise en œuvre sera bon marché (environ 1 dollar par an et par objet connecté).
Les applications sont nombreuses et touchent presque tous les secteurs, de l’agriculture à la logistique en passant par la fourniture d’eau et d’énergie. Si ce réseau est une première dans la région, l’Afrique du Sud en compte déjà plusieurs, dont ceux de SqwidNet, également en partenariat avec Sigfox, et de Comsol.
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