[Editorial] Pourquoi la Francophonie a besoin de l’Afrique

L’Afrique est l’avenir de la Francophonie. Le continent rassemble plus de la moitié des États membres de l’OIF et la majorité de la population concernée. C’est donc une évidence : le poste de secrétaire général doit revenir à un Africain.

Louise Mushikiwabo (g) et Michaëlle Jean, les deux femmes en lice pour prendre la tête de l’OIF © Vincent Fournier pour J.A. / Jacques Torregano pour J.A.

Louise Mushikiwabo (g) et Michaëlle Jean, les deux femmes en lice pour prendre la tête de l’OIF © Vincent Fournier pour J.A. / Jacques Torregano pour J.A.

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Publié le 7 octobre 2018 Lecture : 3 minutes.

Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement de Paul Kagame et candidate au poste de secrétaire générale de l’OIF, à Paris le 20 septembre 2018 © Bruno Levy pour JA
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La Francophonie retourne à l’Afrique

La ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a été désignée vendredi 12 octobre secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour un mandat de quatre ans. Retour sur plusieurs mois de tractations diplomatiques entre le Rwanda, la France, l’Union africaine et le Canada.

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C’est la dernière ligne droite. Dans quelques jours (le 12 octobre), la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) sera élue par les cinquante-quatre chefs d’État ou de gouvernement des pays membres de l’institution réunis, curieusement, à Erevan, en Arménie. Ils ont le choix entre reconduire la Canadienne Michaëlle Jean dans les fonctions qu’elle occupe depuis 2014 et élire la Rwandaise Louise Mushikiwabo. Un duel de femmes, donc, ce qui est suffisamment rare pour être souligné.

Il faut savoir ce que l’on veut. Soit une organisation influente, soit un « machin » servant à recaser les cadres franco­phones en disgrâce dans leur pays

Tout le monde accorde beaucoup d’importance à la personnalité de celle qui s’apprête à prendre les rênes de l’OIF. Sûrement trop. Au-delà du charisme, des compétences réelles ou supposées, du curriculum vitae, de la visibilité et de la faculté à impulser une réelle dynamique à l’organisation de l’avenue Bosquet – ce qui n’est tout de même pas négligeable –, le nœud du problème réside dans l’utilité d’une institution surannée, dépourvue de véritables moyens financiers, de cap et de stratégie. Le bât ne blesse pas au secrétariat général – ceux qui moquent le bilan de Michaëlle Jean sont de mauvaise foi – mais à la tête des États membres.

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Il faut savoir ce que l’on veut. Soit une organisation influente, qui promeut la croissance, l’esprit de communauté et les règles qui vont avec. Soit un « machin » servant d’abord à recaser les cadres franco­phones en disgrâce dans leur pays. Reste que l’élection de la (ou du) « SG » demeure un grand moment médiatique et politique.

En 2014, la position de JA était la même qu’aujour­d’hui : le poste de secrétaire général de l’OIF doit échoir à un Africain

Il y a quatre ans, tout était simple : Michaëlle Jean l’emporta sans considération des qualités propres à chaque candidat, mais parce que François Hollande, qui dirigeait alors la France, en avait décidé ainsi et était parvenu à convaincre ses homologues africains, Macky Sall (hôte du sommet) en tête, du bien-fondé de son choix. À l’époque, l’Afrique s’avançait en ordre dispersé et présentait pas moins de quatre candidats face à Michaëlle Jean.

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En revanche, la position de JA était la même qu’aujour­d’hui : le poste de secrétaire général de l’OIF doit échoir à un Africain. D’abord en raison du poids de notre continent dans l’organisation, mais aussi de son histoire. Sur les vingt et un pays qui, en mars 1970, à Niamey, portèrent sur les fonts baptismaux son ancêtre, l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT), quinze étaient africains. Quant aux pères fondateurs de la Francophonie institutionnelle, ils s’appelaient Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba et Hamani Diori (avec Norodom Sihanouk).

Quatre décennies plus tard, l’Afrique représente plus de la moitié (29 sur 54) des membres de l’OIF et la majorité de la population concernée (900 millions de personnes, dont environ 284 millions de locuteurs). Compte tenu de sa démographie, on peut même dire qu’elle est l’avenir de la Francophonie.

Le continent est déjà suffisamment sous-représenté dans la quasi-totalité des institutions internationales

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La grande nouveauté est qu’elle parle enfin d’une même voix, qu’elle soutient unanimement la ministre rwandaise des Affaires étrangères. Peu importe sa nationalité, ou que Paul Kagame, son président, subjugue les uns (les Africains) et inquiète les autres (les Occidentaux) : Louise Mushikiwabo est, de l’avis de ceux qui la connaissent, un bon choix.

Connaissant Kagame et quoi qu’on puisse penser de sa politique dans certains domaines (respect des libertés et de la démocratie), il est difficile d’imaginer qu’il ait pu choisir une potiche pour un poste aussi important. Donald Kaberuka, son ex-ministre des Finances, a démontré à la tête de la Banque africaine de développement (BAD) que le petit Rwanda ne manque pas de personnalités d’envergure, qui n’ont rien à envier aux ressortissants de pays africains plus importants et habitués à truster les postes de premier plan dans les institutions internationales.

Enfin, de manière plus subjective mais non moins importante : le continent est déjà suffisamment sous-représenté dans la quasi-totalité des institutions internationales, malgré son poids actuel et, surtout, celui qui se dessine, pour qu’on lui laisse la seule dont on a bien voulu lui confier, jadis, les rênes.

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