Bénin : accusé de trafic de drogue, Sébastien Ajavon engage un bras de fer avec la justice
L’opposant Sébastien Ajavon, qui séjourne en France depuis plusieurs semaines, ne regagnera pas le Bénin pour se présenter, le 18 octobre, devant les juges de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Son avocat français l’a annoncé dans un communiqué dans lequel il dénonce « de graves irrégularités de procédure ».
« Sébastien Ajavon a décidé, sur les recommandations de ses conseils, de ne pas comparaître en personne lors de cette audience, compte tenu des graves irrégularités de la procédure et du caractère absurde et mensonger de l’accusation portée contre lui », écrit Me Eric Dupond-Moretti, l’un des avocats parisiens de l’opposant béninois. « Il donne en revanche mandat, conformément aux règles de droit, à ses avocats pour dénoncer les atteintes à ses droits et les manquements au procès équitable entachant d’ores et déjà l’entière procédure », continue l’avocat.*
Convoqué une première fois le 4 octobre, l’homme d’affaires a préféré se faire représenter par ses dix avocats, dont certains font partie du cabinet du célèbre pénaliste français Éric Dupond-Moretti. Mais la Criet, qui siège depuis le 27 août, a refusé de les entendre. Elle exige la comparution de l’accusé, suspecté de « trafic de drogue international à haut risque » – infraction pour laquelle il encourt dix à vingt ans de prison.
« Tentative de nuire »
L’affaire remonte au 28 octobre 2016. Ce jour-là, dans le port de Cotonou, la gendarmerie maritime saisit 18 kg de cocaïne pure entreposée entre 2 400 cartons de gésiers de dinde, dans un conteneur en provenance du Brésil et destiné à Cajaf Comon, une entreprise appartenant à Sébastien Ajavon. L’intéressé crie immédiatement à la machination politique. Interpellé, il est détenu pendant une semaine puis relaxé le 4 novembre suivant « au bénéfice du doute » et pour « insuffisance de preuves ».
Reste la question centrale : d’où venait la cocaïne ? Aujourd’hui comme au moment des faits, le pouvoir est convaincu de l’implication directe d’Ajavon, ce que l’intéressé nie depuis le début. « Nos services de renseignement avaient reçu une information très précise de la part d’un pays étranger, faisant état de la présence de drogue dans ce conteneur », affirme un membre de la garde rapprochée de Patrice Talon.
Estimant avoir subi un important préjudice, Ajavon avait déposé deux plaintes. L’une contre X, devant le tribunal de première instance de Cotonou, pour « dénonciation calomnieuse tendant à nuire à [sa] réputation » ; l’autre devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) pour des dysfonctionnements dans la procédure.
Les juges de la CADHP doivent bientôt rendre leur décision. Quant à la première plainte, « tout a été fait pour que notre démarche n’aboutisse pas », explique un proche de l’homme d’affaires.
La confiance de Patrice Talon
Pourquoi la justice béninoise décide-t-elle aujourd’hui de rouvrir l’affaire ? Les avocats d’Ajavon estiment que le dossier est clos. « Le procureur général de l’époque avait fait appel. Or la loi portant création de la Criet stipule que les dossiers en cours, relatifs à la drogue, au terrorisme ou aux crimes économiques, doivent lui être transmis », rétorque son président, Gilbert Togbonon.
Ce jeune magistrat a été nommé sur décision du gouvernement. Selon plusieurs sources, il jouit de la pleine confiance de Patrice Talon. Sur les conseils de Joseph Djogbénou, l’actuel président de la Cour constitutionnelle, le chef de l’État avait insisté pour que ce fervent chrétien soit nommé procureur de la République en octobre 2017.
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Il s’était alors vu confier plusieurs affaires de corruption ou d’escroquerie, comme celle opposant Mahamadou Bonkoungou, le patron du groupe Ebomaf, à Lionel Zinsou, ancien candidat à la présidentielle.
« La Criet est une cour aux ordres. Nous allons nous battre pour contester sa légitimité », lance un intime de Sébastien Ajavon, laissant entendre que celui-ci pourrait une nouvelle fois faire faux bond à la justice. Quitte à être contraint à l’exil…
(*) Cet article est initialement paru dans Jeune Afrique n°3014. Il a été réactualisé pour prendre en compte l’annonce du refus de Sébastien Ajavon de se rendre à la convocation de la justice béninoise.
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