Madagascar : l’économie, elle, ne connaît pas la crise

Le président sortant pourrait bien payer dans les urnes les promesses non tenues et les scandales de corruption à répétition. Ironie du sort : le pays se trouve de nouveau dans une bonne dynamique.

Atelier de confection de textile de Cottonline, à Antsirabe, dans le centre de Madagascar. © Rijasolo pour JA

Atelier de confection de textile de Cottonline, à Antsirabe, dans le centre de Madagascar. © Rijasolo pour JA

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Publié le 25 octobre 2018 Lecture : 5 minutes.

Vue du lac Anosy, à Tananarive, capitale de Madagascar. © Sascha Grabow/Wikimedia Commons
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Madagascar : la possibilité d’une (grande) île

Le 7 novembre, les électeurs se rendront aux urnes pour élire leur nouveau président. Avec l’espoir de mettre un terme à la crise politique qui mine le pays depuis 2009 et de consolider la reprise économique.

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C’est le FMI qui l’affirmait fin septembre lors de sa dernière mission à Madagascar : « La croissance économique se confirme et dépassera les 5 % cette année, soit le taux le plus élevé sur la dernière décennie ».

L’économie malgache est bien en train de se redresser, après s’être retrouvée en état de mort clinique au lendemain de la crise de 2009 et des trois années de transition qui ont suivi. Qu’elle ait réussi à se relever, en quelques années seulement, confirme sa résilience mais démontre aussi tout le potentiel que le pays pourrait exprimer s’il était gouverné au nom du bien commun et non pas de quelques intérêts particuliers.

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Depuis son indépendance, Madagascar a pris la mauvaise habitude de dilapider les fruits récoltés durant les périodes de croissance, au cours de crises politiques aux effets souvent désastreux sur les grands indicateurs socio-économiques.

Beaucoup ont commencé à craindre le pire après les affrontements meurtriers entre forces de l’ordre et opposants sur la place du 13-Mai, à la fin du mois d’avril. Mais les tensions politiques sont retombées ces dernières semaines, le pays marche d’un pas décidé vers les élections, et Madagascar a l’opportunité de se débarrasser de la triste spécificité d’être le seul pays au monde à s’appauvrir continuellement sans jamais avoir connu de guerre sur son territoire.

Inaugurations en série

Le pays est en effet dans une bonne dynamique : il a vu sa croissance doubler sur les cinq dernières années. Avec quelques retombées pour la population, dont le revenu moyen a progressé dans le même temps de 17 dollars (environ 15 euros), et ce malgré le trou d’air de 2015 provoqué par des conditions météorologiques calamiteuses. Élu en 2013 et en course pour un nouveau mandat, Hery Rajaonarimampianina aurait donc pu légitimement tirer quelques bénéfices électoraux de cette reprise.

Mais son bilan économique ne semble pas devoir faire le poids face aux scandales de corruption qui se sont succédé durant les deux dernières années de son quinquennat, à son incapacité à résoudre les problèmes de sécurité à l’encontre des éleveurs de zébu et des opérateurs économiques étrangers, et surtout à l’absence de redistribution réelle de cette croissance auprès d’une population dont 90 % vit encore avec moins de deux dollars par jour.

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« Trop de promesses non tenues », regrette le représentant d’une des grandes institutions financières internationales. Comme celle, annoncée dès son intronisation, d’apporter l’électricité à une majorité de la population. Cinq ans plus tard, seulement 15 % des Malgaches sont effectivement raccordés. « Hery » semblait pourtant avoir fait le plus difficile fin 2016, à Paris, en convainquant les grands bailleurs de revenir dans le pays.

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Endettement soutenable

Mais l’incapacité des gouvernements successifs à identifier les projets structurants susceptibles d’absorber, dans un programme de développement construit et planifié, les 6,4 milliards de dollars promis par les partenaires multilatéraux empêche aujourd’hui l’ex-président de capitaliser sur ce qui ressemble pourtant à l’une de ses principales réussites sur le plan économique.

Ces derniers mois, il a bien multiplié les inaugurations de routes, de ponts ou de terminaux aéroportuaires, « mais il est trop tard pour qu’il puisse en tirer le moindre bénéfice électoral », redoute l’un de ses conseillers. Pire, s’il n’est pas reconduit, c’est son successeur qui réceptionnera le terminal international flambant neuf de l’aéroport d’Ivato et le port de Toamasina, modernisé avec l’aide des Japonais pour un investissement de près de 640 millions de dollars. Soit le plus important réalisé depuis longtemps dans le pays.

L’heureux élu profitera aussi d’un cadre macroéconomique bien plus solide qu’en 2013 : outre une croissance soutenue, une inflation – toujours dépendante des cours du riz – qui devrait se stabiliser autour de 7 % et une situation financière en nette amélioration. Cette dernière a bénéficié des effets conjugués d’une meilleure mobilisation des recettes, notamment fiscales et douanières, avec un taux de collecte passé de 9,3 % à 12 % entre 2013 et 2018, de bons chiffres commerciaux favorisés par la forte hausse des cours de la vanille  et de la reprise des activités textiles à la suite de la réintégration du pays dans l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) – un régime commercial préférentiel accordé par les États-Unis – début 2015.

Sur la côte orientale. © STÉPHANE FRANCES/ONLYWORLD

Sur la côte orientale. © STÉPHANE FRANCES/ONLYWORLD

Dette soutenable

Résultat, la Banque centrale a pu reconstituer une partie des réserves en devise du pays, qui couvrent aujourd’hui 4,1 mois d’importation contre 2 mois cinq ans plus tôt, alors que l’endettement du pays, estimé à moins de 35 %, est « tout à fait soutenable », selon les experts du FMI.

Au milieu de ce satisfecit général, le Fonds regrette néanmoins le manque d’investissement public dans les secteurs sociaux, dû essentiellement à une mauvaise orientation de certaines dépenses, à commencer par les subventions versées pour réguler le prix à la pompe ou pour maintenir la Jirama, la compagnie nationale d’eau et d’électricité, en état de fonctionnement. La question de sa privatisation, comme celle d’Air Madagascar, devrait rapidement s’inviter sur le bureau du prochain chef de l’État. Tout comme les dossiers de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption. Madagascar a encore chuté de dix places dans le dernier classement de Transparency International.

Difficile dans ces conditions de faire revenir les investisseurs privés étrangers qui, à l’exception des Chinois, continuent de bouder la Grande Île… malgré son potentiel.

La vanille, un marché florissant

La croissance malgache dégage incontestablement un parfum de vanille. Et pour cause, depuis 2003, la Grande Île fournit à elle seule près de 50 % des 8 500 tonnes consommées annuellement dans le monde. Il est donc normal qu’elle profite de l’envolée des prix au kilo, passés de 50 à 400 dollars entre 2013 et 2017. « Et parfois même 600 dollars, aujourd’hui », témoigne un négociant local, abasourdi. La vanille est aujourd’hui la deuxième épice la plus chère au monde, derrière le safran.

Malgré cette hausse, la consommation globale ne faiblit pas et permet à Madagascar, qui bénéficie d’un climat favorable et d’une main-d’œuvre très bon marché, d’imaginer d’autres lendemains qui chantent, alors que la vanille permet déjà depuis trois ans de combler une partie du déficit structurel de sa balance commerciale.

Mais, si le pays veut pouvoir répondre à la demande, il doit finir de remettre en état les plantations dans ses zones de production du Nord-Est. En 2017, le cyclone Enawo aurait balayé plus de 15 % des surfaces plantées, provoquant des dégâts estimés par la Banque mondiale à plus de 160 millions de dollars. Mais les niveaux de prix actuels suscitent chez les paysans un engouement qui devrait permettre de combler les manques d’ici à trois ou cinq ans, le temps qu’arrivent les premières floraisons.

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