Un an après le départ de l’Aga Khan, Air Burkina se réoriente
La compagnie burkinabè a réduit ses pertes. Mais le faible trafic en Afrique de l’Ouest interroge sur la pertinence pour les États de disposer de leur propre pavillon national.
Ciel africain : la grande envolée du fret
Sur fond de montée en puissance des concurrents asiatiques et d’Ethiopian Airlines, les acteurs en place cherchent à consolider leurs positions.
Courtisé par le brésilien Embraer, le canadien Bombardier ou encore le franco-italien ATR, Air Burkina a mandaté le cabinet McKinsey pour établir sa nouvelle stratégie de développement. Le document, dont la teneur n’a toutefois pas été rendue publique, donne une visibilité à la compagnie pour la prochaine décennie.
De quoi conforter son directeur général, Blaise Sanou, un ancien pilote de l’armée de l’air burkinabè appelé à la rescousse de la doyenne des compagnies aériennes ouest-africaines, entrée en zone de turbulences avec le départ en mai 2017 du Fonds Aga Khan pour le développement.
Aujourd’hui, Blaise Sanou assure que ce plan, qui comprend l’aéroport de Bobo-Dioulasso, la capitale économique, et le nouvel aéroport de Donsin, donne une orientation globale à la compagnie. « Ma priorité est de sortir du cycle de deux avions pour élargir notre flotte et nos dessertes. En 2019, nous comptons acquérir trois, voire cinq appareils », confie-t-il. Pour cela, 290 millions de dollars devraient être débloqués.
Un trafic local modeste
Bien que le business plan quinquennal élaboré par le cabinet parisien attende sa validation par l’exécutif, Blaise Sanou compte s’attaquer au délicat chantier de l’ouverture du capital de 691 millions de F CFA (1,05 million d’euros) de la société au privé local, à l’actionnariat populaire et, in fine, au renforcement des fonds propres. Les pertes annuelles avoisinaient les 3 milliards de F CFA.
Les efforts de réduction des coûts et une offensive commerciale ont permis de ramener le déficit de 1,8 milliard à seulement 300 millions de F CFA. Avec un taux de remplissage d’environ 67 %, Air Burkina a réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 17 milliards de F CFA (+ 6,46 % sur un an). Pour 2018, la compagnie table sur 18 milliards.
Mais avec quelque 150 000 passagers transportés l’an dernier, Air Burkina, tout comme la plupart des autres compagnies nationales, est confrontée à un trafic local si modeste qu’atteindre l’équilibre lui est difficile, voire impossible. L’arrivée d’au moins trois appareils devrait lui permettre d’équilibrer ses comptes dès 2019, d’autant plus que le déficit de la compagnie, qui s’élève à 1 milliard de F CFA, est essentiellement généré, selon nos informations, par les frais de location.
Travailler en bonne intelligence avec les concurrentes
C’est pour cela que le plan préconise d’intensifier les vols régionaux et d’étendre le réseau actuel de huit dessertes à l’Afrique centrale, avec, dans la ligne de mire, Pointe-Noire, Libreville ou encore Douala.
Il faut une compagnie régionale, c’est la meilleure voie pour asseoir des sociétés fiables, capables de faire face aux poids lourds du secteur
Fondateur de la compagnie régionale Asky (filiale d’Ethiopian Airlines), le Togolais Gervais Koffi Djondo dresse un constat pessimiste. « Même le grand marché nigérian a connu des déboires. Les compagnies aériennes tombent les unes après les autres et ressuscitent car chaque gouvernement veut avoir son pavillon national », regrette l’octogénaire, qui plaide pour une mutualisation des moyens. « Il faut, poursuit-il, une compagnie régionale, c’est la meilleure voie pour asseoir des sociétés fiables, capables de faire face aux poids lourds du secteur. »
S’il défend le modèle des pavillons nationaux, Blaise Sanou rappelle l’urgence à travailler en bonne intelligence avec ses concurrentes pour éviter de se livrer à une compétition nuisible à leur essor. Il sait que le succès de son plan passe inéluctablement par les alliances. Consciente de cette nécessité, Air Burkina a déjà mis en place des partages de codes avec Asky, Air France ou encore Kenya Airways.
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