Hydrocarbures : comment l’Angola est devenu un pays clé pour Total
L’arrivée au pouvoir de João Lourenço a permis à la major française de renforcer ses positions et de multiplier les projets dans le deuxième État pétrolier du continent.
C’est une nouvelle phase de croissance qui s’ouvre pour Total en Angola. Le 10 novembre, Patrick Pouyanné, le patron du géant pétrolier français, sera à Luanda pour lancer officiellement, en compagnie des autorités du pays, l’exploitation du champ offshore de Kaombo qui doit ajouter quelque 230 000 barils par jour à la production nationale (1,640 million de barils par jour en 2017).
Ce projet extractif, qui a nécessité 14 milliards de dollars d’investissement et près de 100 millions d’heures de travail – dont 18 millions en Angola –, est constitué de deux barges flottantes de production et de stockage (FPSO), Kaombo Norte – entré en production le 27 juillet – et Kaombo Sul – qui démarrera au début de 2019 –, toutes deux reliées à 59 puits construits à 1 650 mètres au fond de l’eau. Ce mégaprojet en mer, le premier à entrer en production pour Total en Afrique depuis la chute des cours du brut de juillet 2014, va encore renforcer la position du groupe français en Angola.
300 000 barils par jour en 2019
Total s’y revendique déjà comme le premier opérateur pétrolier international, avec 229 000 barils extraits chaque jour au titre de sa quote-part de production en 2017, grâce à sa présence sur les blocs 32 (où se situe Kaombo), 17 (où il pilote l’exploitation des champs de Girassol, Dalia, Pazflor et CLOV), 14K et 0. Avec Kaombo, l’Angola devient le pays clé dans le dispositif du groupe sur le continent. Le géant français pourra compter sur environ 300 000 barils par jour en 2019, à peu près autant que ce qu’il retirera du Nigeria, loin devant le Congo, le Gabon, la Libye et l’Algérie.
Pour la cérémonie d’inauguration de Kaombo, à Luanda, Patrick Pouyanné sera accueilli par Carlos Saturnino, patron de la Sonangol depuis le départ de la controversée Isabel dos Santos. Sa nomination, en novembre 2017, avait réjoui les dirigeants du groupe français qui connaissent depuis très longtemps ce haut cadre de la compagnie nationale angolaise, expert en négociation contractuelle.
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Plus souple que la fille de l’ex-président de la République, avec laquelle Total avait eu maille à partir pour résoudre un différend fiscal, Saturnino, francophile et francophone, fut président de la Chambre de commerce et d’industrie franco-angolaise. Il était responsable de la gestion des relations de la Sonangol avec Total à la fin des années 1990, lors de la montée en puissance des grands projets du groupe hexagonal sur le bloc 17, surnommé par les ingénieurs français le « bloc magique » du fait des réserves massives mises au jour (2,6 milliards de barils en ont déjà été extraits). À cette époque, Patrick Pouyanné, qui débutait dans l’industrie pétrolière, était lui-même secrétaire général de la filiale angolaise du groupe français (alors Elf).
Création d’une coentreprise dans la distribution
Depuis l’arrivée de Saturnino, homme de confiance du président João Lourenço pour les questions pétrolières, ses équipes et celles de Total ont dialogué régulièrement, aboutissant à un assouplissement des règles fiscales et de celles sur le contenu local en faveur du français, pour permettre l’accélération de la fin du développement de Kaombo, la décision d’investissement du projet Zinia 2 (qui allongera la production sur le déjà très prolifique bloc 17), mais aussi et surtout pour étudier des partenariats dans d’autres domaines.
Parmi ceux-ci, la distribution de carburant, un domaine dans lequel Total était absent jusqu’à présent dans le pays. En marge de la visite du président Lourenço à Paris, le 28 mai, Saturnino et Pouyanné ont notamment signé la création d’une coentreprise héritant de 50 stations-service de la Sonangol, destinées à passer sous la marque Total. Un partenariat qui permet au français, leader de cette activité sur le continent, avec 4 377 stations-service dans 45 États jusque-là, de s’implanter avant ses concurrents dans le dernier grand pays africain qui lui échappait, jusque-là opéré uniquement par la compagnie nationale.
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Mais c’est d’abord et avant tout dans l’exploration-production que Total veut continuer à avancer ses pions. Pour accroître encore sa production d’hydrocarbures sur le long terme, les équipes du pétrolier français réfléchissent à une exploitation optimisée de leurs découvertes d’hydrocarbures aux frontières de ses blocs 32 et 17, mais aussi du bloc 16, qu’il vient de récupérer à travers son rachat de Maersk Oil en mars, qui y avait déjà identifié des gisements.
Avec l’arrivée, début septembre, d’Olivier Jouny, fin connaisseur de la filière gazière, à la tête de Total E&P Angola, le groupe français pourrait aussi miser davantage sur cette source d’énergie, notamment à travers sa participation au sein de l’usine de liquéfaction Angola LNG, dont les activités ont démarré en 2013, avec Chevron, Sonangol, ENI et BP.
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