Togo : « e-agri », l’appli qui transforme le secteur agricole
La plateforme e-agribusiness, le grand succès de Edeh Dona Etchri, transforme peu à peu le paysage agricole du pays.
Togo : la sortie de crise, c’est par où ?
Le pays attend toujours la fin du blocage politique qui le fragilise depuis un an. Pourtant, le temps presse s’il ne veut pas hypothéquer des performances économiques enfin prometteuses.
Edeh Dona Etchri ne dort pas beaucoup. « Quand j’ai une tâche qui m’attend, je la fais à fond », explique-t-il après une nuit blanche. Et ça paie. Multirécompensé pour ses applications, l’entrepreneur de 32 ans a récemment intégré le Top 10 des Togolais les plus influents. Son grand succès, la plateforme e-agribusiness, transforme peu à peu le paysage agricole du pays.
« Le secteur emploie près de 60 % de la population, mais il est miné par de nombreux problèmes, constate-t-il. Le principal, c’est la difficulté pour les producteurs à écouler leurs productions. Ils ne connaissent parfois pas leurs acheteurs et ne maîtrisent pas le cours du marché. Avec l’appli, ils ne se font pas avoir, tout est transparent. »
Nous envoyons ensuite des SMS aux agriculteurs les informant de la météo, par exemple, afin qu’ils prennent les bonnes décisions. Il faut s’adapter à leurs réalités
Quid des agriculteurs qui n’ont ni smartphone ni accès à internet ? « Nous disposons de centres d’appels en langue locale, insiste Edeh Etchri. Nous leur envoyons ensuite des SMS les informant de la météo, par exemple, afin qu’ils prennent les bonnes décisions. Il faut s’adapter à leurs réalités. » Après trois années de phase pilote, l’application a été officiellement lancée en mars 2017. Et depuis trois mois, c’est aussi l’outil principal du Mécanisme d’incitation au financement agricole (Mifa), piloté par le ministère de l’Agriculture.
Au nord de Lomé, dans la vallée du fleuve Zio, Gaston, l’un des conseillers agricoles du Mifa, mesure la taille exacte des champs de Wisdom, agriculteur, et les géolocalise à l’aide de la plateforme. Une fois les données enregistrées, Wisdom est identifié, et tout un écosystème digital se met en place.
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4 000 professionnels utilisent l’application
« On voit qu’il a deux hectares cultivables mais que son sol est pauvre en raison des engrais chimiques. Nous allons donc l’aider à trouver un acheteur – là, en l’occurrence, une entreprise qui fabrique de la bière de riz –, un laboureur, du compost, une assurance… » énumère Gaston. L’application permet ainsi à l’État d’apporter les financements adéquats. « J’attends de voir si tout cela va marcher », nuance le riziculteur, un peu dépité par ses maigres récoltes, une tonne de riz de moins qu’il y a dix ans, soit 400 000 F CFA de pertes par saison.
Mais il reste encore un dernier acteur à convaincre : les banques. « Nous visons une augmentation des prêts de 0,2 % à 5 % en dix ans. Mais il faut baisser les taux d’intérêt, et, pour l’instant, seules deux banques ont pris ce risque », indique Noël Bataka, coordonnateur du Mifa.
Aujourd’hui, 4 000 professionnels togolais utilisent « e-agri » ; l’objectif est d’en toucher 1 million dans dix ans. La Côte d’Ivoire et le Rwanda s’intéressent de près à ce nouvel outil, et Edeh Etchri cherche lui aussi à développer sa start-up de quatorze employés. Il n’est pas près de fermer l’œil.
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