Numérique : Atos s’arme face à la concurrence indienne

Le groupe français mise beaucoup sur le big data et la cybersécurité, deux secteurs qui tirent vers le haut la croissance de ses activités.

Thierry Breton, PDG d’Atos, fut patron de France Télécom et ministre français de l’Économie © Romain Beurrier/REA

Thierry Breton, PDG d’Atos, fut patron de France Télécom et ministre français de l’Économie © Romain Beurrier/REA

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Publié le 14 novembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Un vendeur de téléphone à Cotonou. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique
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Télécoms et Internet : l’heure du data

L’essor de la connectivité rebat les cartes du secteur. Au sommaire de ce dossier, la rencontre avec Alioune Ndiaye, directeur général Afrique et Moyen-Orient d’Orange, mais aussi la stratégie du groupe Atos la percée au Mali de Tellecel et les bons résultats de Tunisie Telecom.

Sommaire

Le français Atos avance ses pions sur le continent. Actif auprès de ses clients dans la mise en place d’infrastructures de réseau et de stockage informatiques, de systèmes applicatifs, mais aussi dans le big data et la cybersécurité, le géant français (12,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2017 et 100 000 salariés) revendique la place de leader de son secteur en Afrique francophone et au Maghreb, avec près de 2 500 salariés sur le continent.

Son PDG, Thierry Breton – qui fut jadis patron de France Télécom, l’ancêtre d’Orange, et ministre français de l’Économie –, et Francis Meston, le patron de la zone Afrique et Moyen-Orient, tous deux convaincus du très fort potentiel du continent, veulent faire de leur groupe un pionnier du digital en Afrique grâce à des équipes locales plus importantes et davantage panafricaines que celles de leurs grands concurrents américains – Microsoft en tête –, indiens – Tech Mahindra et Tata Consultancy Services (TCS) –, mais aussi marocains et sud-africains.

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Percée dans les services aux collectivités locales

Issu des rapprochements successifs, entre 2000 et 2014, d’Atos avec Origin (filiale informatique de Philips), puis SchlumbergerSema, Siemens IT et Bull et une dizaine d’autres sociétés présentes dans l’informatique et les nouvelles technologies, le groupe ainsi constitué a hérité d’une présence inégale sur le continent, essentiellement venue de Bull (actif auparavant en Algérie, en Côte d’Ivoire et au Sénégal). Il a pris son temps pour se mettre en ordre de bataille en Afrique.

Les demandes des clients africains remontent systématiquement par métier dans les centres de solutions du siège parisien

Depuis 2014, Atos a progressivement mis en place un réseau de filiales nationales – onze actuellement sur le continent –, chacune dotée de la même capacité commerciale et technique dans l’ensemble de ses trois grands métiers (infrastructures, systèmes applicatifs et big data).

« Il s’agit que chacun de nos bureaux, de Casablanca à Johannesburg, puisse répondre avec le même niveau d’expertise », explique Francis Meston. Les demandes des clients africains remontent systématiquement par métier dans les centres de solutions du siège parisien, qui réfléchit aux meilleures réponses à apporter puis accompagne les équipes locales dans la mise en place des solutions retenues.

Des places fortes au Maghreb et en Afrique de l’Ouest

Pour l’instant, les places fortes d’Atos sur le continent sont au Maghreb et en Afrique de l’Ouest – surtout le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Sa clientèle est importante chez les opérateurs de téléphonie mobile – une vingtaine d’entre eux ont recours à ses services, dont les filiales d’Orange – et dans le secteur bancaire, que ce soit pour mettre en place des centres de données et un fonctionnement en cloud computing, mais aussi des logiciels pour le grand public et pour les entreprises.

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Or le géant français veut doper son chiffre d’affaires en Afrique du Sud, pays où il est installé depuis 2002, où le volume d’activité du secteur est beaucoup plus important et plus concurrentiel aussi, ainsi qu’en Afrique de l’Ouest anglophone, notamment au Nigeria et au Ghana. Il se montre en revanche plus timide en Afrique de l’Est, qui est devenue l’apanage de ses concurrents indiens.

Nous avons fourni à la Côte d’Ivoire et au Sénégal des supercalculateurs capables de réaliser 1 million de milliards d’opérations en une seule seconde

Francis Meston compte beaucoup sur le développement de sa division big data et cybersécurité, la plus petite de ses trois branches sur le continent, mais dont la croissance du chiffre d’affaires est actuellement la plus importante de toutes.

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« Nous avons fourni à la Côte d’Ivoire et au Sénégal des supercalculateurs, capables de réaliser 1 million de milliards d’opérations en une seule seconde, qui permettent notamment de croiser les données pour optimiser l’exploitation agricole des sols, les forages extractifs ainsi que le pilotage de réseaux de distribution d’eau et d’électricité », indique le patron Afrique et Moyen-Orient d’Atos.

Des domaines d’intervention nouveaux qui permettraient au groupe français de faire une percée dans les services aux collectivités locales (gestion de réseaux de service public d’eau, d’assainissement et d’électricité), mais aussi de l’exploitation minière et pétrolière, et de l’agriculture.

Répondre à la demande africaine mais aussi internationale

Pour parvenir à ses fins, Atos veut multiplier et développer ses centres de services locaux, dont celui installé à Dakar à la fin de 2016, qui va prochainement déménager dans la ville nouvelle de Diamniadio, future plateforme numérique pour le Sénégal.

« Comptant 350 ingénieurs actuellement, il doit progressivement atteindre les 700 en 2019 puis les 1 000 en 2020 », fait valoir Francis Meston, qui a notamment noué des partenariats entre Atos et l’École polytechnique de Dakar, l’École Mariama Ba ainsi que l’African Institute for Mathematical Sciences (Aims) pour y recruter les ingénieurs.

Grâce à cette présence locale capable de répondre aussi bien à la demande internationale – le groupe prend en charge certaines fonctions informatiques pour des clients européens – qu’à celle des entreprises africaines – qui va nécessairement exploser dans les années à venir –, Atos, qui indique préférer le développement interne aux acquisitions, entend continuer à profiter d’une croissance à deux chiffres de ses revenus sur le continent.

Une présence encore très francophone

Même s’il insiste sur ses ambitions en dehors de son pré carré francophone, Atos reste, grâce aux filiales implantées, très centré sur les marchés du Maghreb – Maroc, Algérie, Tunisie –, d’Afrique de l’Ouest – Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, Burkina Faso, Gabon – et de Madagascar.

Il mise toutefois beaucoup sur le développement de sa filiale sud-africaine, créée en 2002, et sur son tout nouveau centre de services égyptien, qui a ouvert ses portes au Caire en janvier. Le lien privilégié qu’il a noué avec son grand client et compatriote Orange l’amène toutefois sur d’autres terres anglophones – au Botswana et en Sierra Leone notamment –, même s’il n’y a pas encore de filiales.

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