Maroc : où en sont les premières banques participatives ?

Opérationnelles depuis 2017, les premières banques participatives commencent à voir leurs activités décoller, même s’il leur reste encore de nombreux produits « charia-compatibles » à lancer.

Le siège d’Umnia Bank, à Casablanca. © KARIM HANDAOUI

Le siège d’Umnia Bank, à Casablanca. © KARIM HANDAOUI

Publié le 29 novembre 2018 Lecture : 4 minutes.

Le chef du gouvernement marocain, Saadeddine El Othmani, avec son prédécesseur, le secrétaire général du Parti justice et développement (PJD), Abdelilah Benkirane, lors d’un meeting électoral le 25 septembre 2016 à Rabat. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA
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Le 25 novembre 2011, les législatives donnaient la majorité aux islamistes, qui promettaient de changer la façon de gouverner et de réformer le pays. Force est de constater que leur bilan n’est pas brillant.

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Le royaume a été l’un des derniers pays musulmans à être conquis par la branche « halal » de la finance. En novembre 2014, les députés adoptaient la loi autorisant la création de banques islamiques (les Marocains ont préféré le terme de « participatives ») et l’émission par les entreprises privées d’obligations conformes à la charia. En janvier 2017, Bank Al-Maghrib (BAM) accordait son agrément à cinq établissements. Après un démarrage en demi-teinte au cours du second semestre de 2017, ces derniers voient leurs activités décoller.

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« Nous comptons plus de 70 agences, ce qui est déjà pas mal », indiquait en juin Abdellatif Jouahri, le gouverneur de BAM, rappelant que nombre de textes relatifs aux produits « islamiques » restaient à valider par le Comité Charia, qui veille sur la cohérence avec les préceptes de l’islam. Ce qui, évidemment, freine le développement de la branche. Les offres proposées par les cinq nouvelles banques (dont l’essentiel du réseau se situe dans les grandes villes) sont en effet encore très limitées : depuis la fin de décembre 2017 et jusqu’à aujourd’hui, elles peuvent financer uniquement l’acquisition d’un bien immobilier ou d’une voiture, grâce aux variantes du contrat Mourabaha.

1,1 milliard d’encours en six mois

Sur les six premiers mois de 2018, malgré le nombre encore très limité de produits « charia-compatibles », les banques participatives marocaines ont cumulé un encours de 1,1 milliard de dirhams (plus de 100 millions d’euros), soit 10 % du total des crédits accordés par l’ensemble du secteur bancaire. Un résultat très encourageant, selon les acteurs du secteur, qui prévoient d’atteindre un minimum de 15 % d’ici à la fin de l’année.

C’est une nouvelle industrie bancaire et financière, dont la mise en place prendra du temps. Son développement se fera de manière graduelle

« C’est une nouvelle industrie bancaire et financière, dont la mise en place prendra du temps. Son développement se fera de manière graduelle », explique Fouad Harraze, directeur général d’Al Akhdar Bank, filiale du Crédit agricole du Maroc et de la Société islamique pour le développement du secteur privé (SID), filiale de la Banque islamique de développement.

L’introduction de la finance participative dans le pays a été réclamée pendant de nombreuses années par une partie de la population. Au début, il a fallu en expliquer le principe et le fonctionnement. « Quelques clients savaient déjà presque tout de la finance islamique, parfois même mieux que nous, mais beaucoup venaient avec des a-priori ou de fausses interprétations », se souvient le cadre d’une agence casablancaise de Bank Al Yousr, filiale de la Banque centrale populaire (BCP) et du groupe saoudien Guidance.

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Bancarisation en hausse

Certaines personnes n’avaient jamais eu de compte bancaire en raison de leurs convictions religieuses, d’autres n’utilisaient pas les produits de financement proposés par les banques conventionnelles. « Soit les clients particuliers que nous avons ne sont pas bancarisés, soit ils ont déjà ouvert un compte dans une banque traditionnelle, mais avec une utilisation très limitée des moyens de paiement et de financement », explique Fouad Harraze.

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Pour la plus grande satisfaction de la Banque centrale, ces nouveaux établissements contribuent à la bancarisation de la population. À la fin de 2017, 27 000 comptes avaient été ouverts dans les banques participatives, pour un total de dépôts de 570 millions de dirhams. Des résultats qui devraient être en forte progression pour 2018. « La demande des particuliers sur l’immobilier a été très importante. C’est le premier produit que nous avons lancé, et il était très attendu », souligne Adnane El Gueddari, directeur général d’Umnia Bank, créée par CIH en partenariat avec la Qatar International Islamic Bank.

Des sukuks qui tombent à pic

Les banques participatives marocaines ne peuvent pas encore proposer d’offre spécifique aux entreprises, qui peuvent passer par un contrat Mourabaha pour investir dans un local, un terrain, ou pour financer l’achat de matières premières, mais pas plus. « Nous arrivons quand même à les intéresser, précise Fouad Harraze. La plupart sont des entreprises familiales dont le fondateur est sensible aux valeurs de la finance participative. »

Les professionnels attendent désormais que soient validés de nouveaux produits, en particulier le takaful (assurance islamique), les contrats Ijara (équivalant au crédit-bail) ou encore d’import-export, qu’ils espèrent pouvoir proposer dès 2019 pour compléter l’écosystème de cette finance alternative et répondre à l’ensemble des besoins exprimés.

Le 5 octobre a eu lieu la première émission au Maroc de sukuks souverains, d’un montant de 1 milliard de dirhams amortissable sur cinq ans

Le 5 octobre a eu lieu la première émission au Maroc de sukuks souverains (équivalant aux bons du Trésor), d’un montant de 1 milliard de dirhams amortissable sur cinq ans. Une très bonne nouvelle pour les banques participatives, qui en avaient bien besoin pour se refinancer et placer leur trésorerie. En effet, selon les analystes, l’essor rapide de leur activité de financement a mis à mal les réserves de ces banques, qui ont beaucoup milité pour accélérer le lancement de cette première émission.

Cinq pionnières

• Umnia Bank Filiale de CIH Bank et de la CDG, avec la Qatar International Islamic Bank

• BTI Bank Filiale de BMCE Bank of Africa, avec le saoudo-bahreïni Al Baraka Banking

• Bank Al Yousr Filiale de la Banque centrale populaire, avec le groupe saoudien Guidance

• Al Akhdar Bank Filiale du Crédit agricole du Maroc, avec la SID (filiale pour le secteur privé de la Banque islamique de développement)

• Bank Assafa Filiale d’Attijariwafa Bank

En outre, trois établissements ont été autorisés à proposer des produits participatifs : BMCI, Crédit du Maroc et Société générale.

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