Musique : quand le rap marocain passe à la trap

Représentants d’un courant du hip-hop né outre‑Atlantique, ils sont en train de révolutionner l’art de composer, de produire et de communiquer.

Né en 2006, le groupe Shayfeen n’a eu aucune peine à s’imposer dans les clubs et sur les radios. © DR

Né en 2006, le groupe Shayfeen n’a eu aucune peine à s’imposer dans les clubs et sur les radios. © DR

CRETOIS Jules

Publié le 29 novembre 2018 Lecture : 3 minutes.

Le chef du gouvernement marocain, Saadeddine El Othmani, avec son prédécesseur, le secrétaire général du Parti justice et développement (PJD), Abdelilah Benkirane, lors d’un meeting électoral le 25 septembre 2016 à Rabat. © Abdeljalil Bounhar/AP/SIPA
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Shobee, membre du groupe Shayfeen, et Mohamed Sqalli, jeune producteur casablancais passé par une école de commerce et installé à Paris, discutent installés dans le canapé d’un studio du 13e arrondissement de la capitale française. Ils parlent musique, mais aussi communication et modèle de développement. Bienvenue dans le nouveau monde du rap game marocain.

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En cette fin d’année 2018, ils sont quelques-uns, comme Issam, qui a récemment eu droit à un portrait dans le prestigieux magazine américain The Fader, ou Toto, autre étoile montante du rap casaoui, à enregistrer une compilation depuis Paris. Produit par le collectif culturel Naar, fondé par Mohammed Sqalli et le photographe et réalisateur de clips Ilyes Griyeb, l’album sort « sous licence » Def Jam France (rien que ça). Il doit permettre de découvrir une nouvelle scène hip-hop marocaine, branchée trap, un style né aux États-Unis et basé sur des instrumentales électroniques.

À un moment, tu participes au festival Mawazine à Salé, mais la scène principale, c’est pour les stars étrangères. Si tu veux plus, il faut bouger, explique Shobee

La presse française n’a pas tardé à venir rencontrer la bande en studio, tout comme de nombreux artistes, conviés à venir poser leur flow sur l’album en cours de réalisation. Les stratégies élaborées sur canapé par Shobee, Sqalli et les autres semblent payer. Ce qu’ils ont en tête ? Donner à la trap, genre très universel, un virage bien à eux dans la manière d’aborder et de produire le rap.

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L’histoire du rap marocain ne date pas d’hier. Né en 2006 dans la petite ville de Safi, le groupe Shayfeen, formé par le duo Shobee et Small X, n’a pas eu de mal à s’imposer dans les clubs et sur les radios. Mais… « À un moment, tu participes au festival Mawazine à Salé, mais la scène principale, c’est pour les stars étrangères. Si tu veux plus, il faut bouger », explique Shobee. L’auteur-compositeur de 27 ans vit de la musique depuis plusieurs années et écrit des mélodies pour des artistes majeurs de la scène urbaine française, tel Lacrim.

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À la conquête du monde

Pourtant, la conquête d’un public étranger comporte de nombreux obstacles. Ainsi, malgré les documents des maisons de production, l’un des artistes proches du collectif ne parvient pas à décrocher de visa pour la France. Il y a aussi le risque d’être trop vite catalogué et oublié. « En Europe, on s’intéresse plus au profil sociologique des rappeurs du Maroc qu’à leur musique », affirme Sqalli.

Sur le plan du style, il n’y a plus de décalage avec le reste du monde, les gars sont à l’heure sur tout et même parfois en avance

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Quant au soutien des institutions marocaines… « Il va d’abord à ce qui sera classé dans la catégorie world music », lâche-t-on en studio. « Maalich ! » (« pas grave »). D’où l’obligation de peaufiner sa communication et de bien préparer ses projets. Shobee et Mohamed Sqalli ont monté une maison de production et dessinent déjà les plans d’un studio à Casablanca. Les artistes parient sur les concerts et l’écoute en ligne. Shobee se réjouit ainsi de l’annonce du lancement au Maghreb du service de streaming Spotify, sur lequel il cartonne déjà malgré les bricolages dont usent les Marocains pour y accéder.

« Sur le plan du style, il n’y a plus de décalage avec le reste du monde, les gars sont à l’heure sur tout et même parfois en avance, avec leurs particularités. Et ils peuvent toucher jusqu’aux États-Unis », jure Sqalli. « On en ramènera bientôt la preuve avec nous à la maison », fanfaronne Shobee.

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