Diaspora Maghrébine – Giulia Fabbiano : « Un profil type ? Des jeunes cadres dynamiques »
Giulia Fabbiano – Anthropologue, chercheuse associée au CHS et à l’IIAC
Peut-on parler d’une accélération de la migration Nord-Sud au Maghreb ?
Oui, du point de vue empirique, même si le phénomène est difficilement quantifiable en l’absence de chiffres fiables. Il y a en tout cas une visibilité plus importante de ces migrations, qu’il faut différencier de la question du retour.
Il s’agit de migrations circulaires et non d’installations. Elles sont vécues comme une étape dans une trajectoire de vie et de mobilité. Les motifs de fond restent professionnels, et peuvent se conjuguer ici ou là avec d’autres logiques, comme la dimension mémorielle du parcours familial. Mais ces dimensions secondes ne sont en aucun cas le levier, qui, lui, reste lié au parcours professionnel.
Vos travaux permettent-ils de dégager un profil type de ces personnes ?
Si on ne parle que de la diaspora, les profils types, ce sont des jeunes cadres dynamiques qui ont envie de construire leur avenir. C’est-à-dire des personnes scolarisées qui ont fait de longues études dans le supérieur, qui ont déjà connu une mobilité ailleurs – estudiantine, stage, formation… – et qui, à un moment donné, décident soit de faire une expérience dans le cadre d’un contrat d’expatriation, soit de monter leur propre entreprise.
À l’heure actuelle, on croise rarement des gens victimes de racisme ou de discrimination et qui partiraient se replier dans le pays dans une logique identitaire
On retrouve souvent le champ lexical du pionnier : on vient “tenter l’aventure”. C’est très vrai pour l’Algérie notamment, perçue comme un eldorado à apprivoiser, une terre “vierge où tout est possible, tout est à faire”. Il y a eu pendant un temps un tropisme autour des métiers de la culture. L’Algérie était alors perçue comme un lieu qui permet d’exercer son travail tout en poursuivant sa formation face à un marché du travail plus rigide en France.
La pensée stratégique, associée à une dimension affective, projette le pays de migration comme un tremplin pour enrichir son CV et rebondir ailleurs ensuite. À l’heure actuelle, on croise rarement des gens victimes de racisme ou de discrimination et qui partiraient se replier dans le pays dans une logique identitaire.
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Quel est l’impact sur la diaspora et ses projets de migration du discours sur le « transfert de compétences » ?
Cela lève un frein, mais ce n’est pas forcément un levier. Le terrain nous indique que le discours politique peut soulager – il est plus plaisant d’arriver dans un pays qui accueille que dans un pays qui rejette –, mais ce n’est pas cela qui permet d’attirer davantage de gens.
Plus que le discours, les dispositifs réels, notamment de financement des projets, font levier. Cela dit, les transferts de compétences apportent un vrai élan dans une dynamique de développement. On l’observe dans d’autres pays qui disposent de fortes diasporas et de liens transnationaux constitués, comme la Chine, l’Inde, ou l’Amérique latine.
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