Bénin : la lune de miel entre Patrice Talon et Adrien Houngbédji va-t-elle tourner au vinaigre ?
Le divorce est-il consommé entre Patrice Talon, président du Bénin, et Adrien Houngbédji, président de l’Assemblée nationale, les deux premiers personnages de l’État béninois ?
Le 19 novembre, Adrien Houngbédji, président de l’Assemblée nationale et chef du Parti du renouveau démocratique (PRD), a suspendu sa participation à la formation du Bloc républicain. Cette décision n’est pas anodine.
D’abord, parce que Patrice Talon comptait s’appuyer sur ce bloc à l’occasion des élections législatives de mars 2019. Ensuite, parce que la création même de cet ensemble répondait au souhait du président de rationaliser le fonctionnement des partis.
Soutien de Zinsou
Le PRD explique notamment son retrait par la crainte de voir son logo disparaître. Le 19 novembre, Houngbédji a affirmé qu’il continuait à « soutenir l’action du gouvernement ». Le 25, soucieux lui aussi de sauver les apparences, Talon a exprimé le « déchirement » que lui inspire la décision de son « ami et grand frère ». Ils se sont rencontrés le 29 novembre, mais chacun a campé sur ses positions, même si le communiqué qui a suivi a mentionné une « atmosphère détendue et conviviale ».
Jusqu’à quand ce vernis tiendra-t-il ? À Cotonou, personne ne doute que le fiel a eu raison de ce mariage conclu il y a deux ans. Les deux hommes se respectent mais n’ont jamais filé le parfait amour. Lors de la présidentielle de 2016, ils étaient d’ailleurs adversaires, Houngbédji ayant soutenu Lionel Zinsou. À l’époque, le patron du PRD avait même parlé de la candidature des hommes d’affaires qu’étaient Patrice Talon et Sébastien Ajavon comme d’un « danger pour la démocratie ».
Après la victoire de Talon, le PRD fut malgré tout l’un de ses premiers soutiens et, pendant deux ans, son leader a mis tout son poids dans la balance pour faire voter les projets de loi du gouvernement. Alors, pourquoi cette soudaine prise de distance ? Le PRD aurait-il peur de faire les frais d’une impopularité supposée du président ? « Le bilan du gouvernement ne peut nous faire gagner, confie un responsable du parti. Aller aux élections sous sa bannière serait suicidaire. »
Pour certains cadres du PRD, il est néanmoins « trop tard » pour se construire une nouvelle image, à moins de « basculer avec fracas » dans l’opposition. « Pour Adrien Houngbédji, il est clair que la seule manière d’éviter la bérézina est de s’éloigner le plus possible de Talon. Il saura trouver le filon, comme chaque fois qu’il s’agit de défendre ses intérêts », résume l’analyste politique Raoul Hounsounou.
Survie politique
Mais si Houngbédji a marqué des points durant la première mi-temps en conservant son propre mouvement, il lui reste à gagner la bataille de la survie politique. Ce ne sera pas évident : selon le nouveau code électoral, un parti ne peut entrer à l’Assemblée que s’il obtient au moins 10 % des suffrages au niveau national.
À n’en pas douter, le chef de l’État va désormais travailler à réduire l’influence du PRD. À la fin de novembre, deux ténors du parti ont annoncé leur démission : Jean-Claude Houssou, ministre de l’Énergie et jusque-là vice-président du PRD, et Mathurin de Chacus, par ailleurs président de la Fédération béninoise de football.
Autre « coïncidence », les services du ministère de l’Intérieur viennent de délivrer à l’Union sociale libérale (USL) de Sébastien Ajavon un récépissé d’enregistrement. Lors de la présidentielle de 2016, l’opposant était arrivé en tête dans la région de Porto-Novo. Son parti, désormais constitué, pourrait contribuer à éroder les positions du PRD.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles