Infrastructures : AFC veut jouer dans la cour des grands

Sous l’impulsion de son nouveau directeur, l’institution détenue à 42,5 % par la Banque centrale du Nigeria entend devenir une référence continentale.

Le Gabon est devenu en août 2015 le dixième membre de l’AFC. Ici des immeubles en cours de construction dans le centre-ville de Libreville. © Tiphaine Saint-Criq pour Jeune Afrique

Le Gabon est devenu en août 2015 le dixième membre de l’AFC. Ici des immeubles en cours de construction dans le centre-ville de Libreville. © Tiphaine Saint-Criq pour Jeune Afrique

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Publié le 18 janvier 2019 Lecture : 4 minutes.

C’est au pas de charge que Samaila Zubairu mène depuis sept mois les équipes d’Africa Finance Corporation. En octobre 2018, le directeur général a obtenu une ligne de crédit inédite de 300 millions de dollars auprès d’Exim Bank of China qui « servira à financer des infrastructures supportant les activités manufacturières en Afrique », a-t-il expliqué à Jeune Afrique.

Le mois suivant a vu le très attendu bouclage financier du barrage hydroélectrique de Nachtigal, au Cameroun, d’un coût de 1,2 milliard d’euros, dont un prêt de 50 millions d’euros d’AFC. Début décembre, le Togo est devenu le vingtième pays membre de l’institution établie à Lagos, après le Ghana, le Bénin et la Côte d’Ivoire.

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Plus de 4 milliards de dollars investis en dix ans

Une activité effrénée qui vise d’abord à faire d’AFC ce que l’institution prétend aujourd’hui être : le « leader du marché dans le secteur des infrastructures en Afrique ». Fondé en 2007, AFC développe, conseille, finance directement et coordonne le financement de projets d’infrastructures sur le continent, de l’électricité aux transports, en passant par les ressources naturelles, l’industrie et les télécommunications.

En dix ans, sous l’impulsion du Britannico-Nigérian Andrew Alli, qui vient de rejoindre la banque d’affaires SouthBridge, son bilan a quadruplé et elle a investi plus de 4 milliards de dollars à travers trente pays africains. Ses bénéfices ont été multipliés par vingt sur la période et portés à 100 millions de dollars. Elle s’est illustrée dans des projets phares tels que le pont Henri-Konan-Bédié, à Abidjan, et a finalisé le développement de la mine de bauxite de Bel Air, en Guinée.

Mais AFC est loin d’être le seul, encore moins le « leader » du financement des infrastructures en Afrique, dominé par des poids lourds publics tels que la BAD, l’AFD, China-Africa Development Fund et le britannique CDC Group. Au moins une vingtaine d’investisseurs privés majeurs, du panafricain Helios Investment Partners à l’anglais Actis et aux américains Carlyle et TPG, ciblent également ce marché, alors que « le déficit de financement des besoins en infrastructures de l’Afrique peut atteindre 108 milliards de dollars », selon la BAD.

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Dix-sept PPP d’une valeur de 4,2 milliards en 2016

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« Il y a encore de la place pour tous. Mon objectif est de bâtir une large coalition d’investisseurs qui accélérera le rythme auquel l’Afrique comblera son déficit en infrastructures », assure Samaila Zubairu. AFC rappelle également la flexibilité de ses modes d’intervention et ses fréquentes collaborations avec d’autres acteurs privés ou publics. En novembre, la BAD a injecté 50 millions de dollars au capital d’AFC. Son concurrent français Meridiam est actionnaire du Port minéralier d’Owendo, aux côtés de Gabon Special Economic Zone SA (GSEZ), dont AFC détient 21 % du capital.

Si AFC est rentable, l’institution doit intensifier ses investissements : fin 2017, ses liquidités frôlaient 1,5 milliard de dollars, et sa plateforme énergétique Anergi, lancée il y a un peu plus d’un an avec le sud-africain Harith, peine à installer 550 MW de nouvelles capacités.

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De plus, l’endettement des pays africains compromet leurs investissements, alors que les fonds alloués par les pouvoirs publics nationaux représentent une part importante du financement des infrastructures (42 % du total en 2016 selon un rapport récent de la Banque européenne d’investissement). Les partenariats public-privé (PPP) dans les infrastructures sont moins nombreux : dix-sept en 2016, pour une valeur de 4,2 milliards de dollars, dans l’électricité, les transports et les télécommunications, contre vingt-sept en 2015, pour une valeur de 8 milliards de dollars.

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Plus de 600 projets examinés dans 35 pays depuis 2007

AFC vise 5 milliards de dollars d’actifs en 2019. À cette fin, Samaila Zubairu souhaite valoriser l’expertise qu’elle a accumulée à travers plus de 600 projets examinés dans trente-cinq pays africains depuis sa création, ce qui « lui a permis de constituer un portefeuille de placements diversifié ». « Nous travaillons avec les porteurs de projets africains pour transformer leurs idées en propositions susceptibles d’être financées, et nous pouvons participer à ce financement et à la recherche d’autres bailleurs », avance l’expert-comptable de formation.

Samaila Zubairu peut également s’appuyer sur une équipe expérimentée pilotée par deux vétérans du métier : Oliver Andrews, directeur exécutif et directeur des investissements, l’une des premières recrues d’AFC et bras droit d’Andrew Alli pendant dix ans, et Sanjeev Gupta, directeur des services financiers, ancien directeur en fusion-acquisition sur les marchés émergents à EY.

Longtemps collaborateur du magnat nigérian Aliko Dangote, dont il a aidé notamment à faire coter la filiale de ciment à Lagos, Samaila Zubairu revendique le fait d’avoir mobilisé plus de 3 milliards de dollars durant ses trois décennies de carrière. Un CV qui a séduit le conseil d’administration d’AFC, contrôlé à plus de 70 % par des opérateurs nigérians, dont la Banque centrale (42,5 % du capital). Préféré à une centaine de candidats lors d’un long processus de recrutement d’environ six mois, Samaila Zubairu sait aussi que la marge d’erreur qui lui est accordée est faible. Cela explique peut-être pourquoi il accélère.

Dix ans et puis s’en va

Après avoir dirigé AFC pendant dix ans, Andrew Alli a rejoint la banque d’affaires SouthBridge, fondée par Lionel Zinsou, ancien Premier ministre du Bénin, et Donald Kaberuka, ex-président de la BAD. L’information a été révélée en décembre par Jeune Afrique Business+, le flux d’information premium du groupe Jeune Afrique.

L’ingénieur formé au King’s College de Londres prend la direction générale du groupe, dont l’objectif est notamment d’épauler les pays dans l’élaboration de leurs réformes et leur stratégie de financement. Ces douze derniers mois, les deux fondateurs de SouthBridge ont multiplié les déplacements sur le continent et les entrevues avec divers chefs d’État, dont Patrice Talon, Ali Bongo Ondimba et Denis Sassou Nguesso.

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