Jeux : le PMU cherche la bonne combinaison pour l’Afrique

Malgré le conflit l’ayant opposé aux loteries africaines francophones ces dernières années, la société de paris hippiques continue de miser gros sur le continent.

Course hippique photo dillustration). © Andres Kudacki/AP/SIPA

Course hippique photo dillustration). © Andres Kudacki/AP/SIPA

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 24 janvier 2019 Lecture : 4 minutes.

Le bras de fer avec le Pari mutuel urbain (PMU) aura duré plus de deux ans. Courant novembre, à Dakar, les quinze patrons des loteries d’Afrique francophone, regroupées au sein de l’Association des loteries africaines (ALA), dont les paris sur les courses hippiques constituent le produit phare, ont trouvé un terrain d’entente avec la société française.

La redevance qu’ils versent depuis vingt-cinq ans pour profiter des droits de retransmission des courses et de toute la logistique des paris sera revue à la hausse. Elle était jusqu’au 31 décembre principalement forfaitaire et négociée pays par pays, représentant par exemple 0,7 % du total des paris au Sénégal. Elle s’élève désormais à 1,25 % du montant des paris et augmentera de manière progressive pour atteindre 3 % dans quatre ans.

Avec peu d’investissements, les courses génèrent des revenus appréciables. C’est une vraie vache à lait pour nous

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L’évolution de la redevance a donné lieu à d’intenses négociations, le PMU ayant souhaité au départ fixer le taux de la redevance à 3 %. « À l’origine, le PMU avait établi une redevance très faible pour que les loteries africaines puissent s’équiper. Maintenant que leurs investissements ont été amortis, le PMU souhaitait mettre les pays africains au même niveau de redevance que les autres (Belgique, Suisse…) », indique Yves Vatelot, président de PMU Partenaire, une société créée pour développer les marchés africains et dans laquelle le PMU a une part minoritaire, mais aussi un droit de blocage.

Relais de croissance

Si le PMU a remis à plat ses accords africains, c’est parce que le groupe français voit dans le continent, de plus en plus peuplé, urbanisé et connecté, un relais de croissance naturel alors que le montant des paris français chute à mesure que la clientèle de turfistes en France vieillit. Il est passé de 8,3 à 6,9 milliards d’euros entre 2010 et 2017.

« Avec peu d’investissements, les courses génèrent des revenus appréciables. C’est une vraie vache à lait pour nous », confirme Mamadou Guèye, secrétaire général de la Lonase, la loterie nationale sénégalaise, forte de 70 000 parieurs chaque jour qui lui ont rapporté 47 % de ses revenus en 2018 (estimés à 100 milliards de F CFA, soit 153 millions d’euros).

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S’il a obtenu gain de cause sur l’augmentation de la redevance, le PMU n’a pas réussi à imposer la mise en commun des paris africains des membres de l’ALA avec ceux enregistrés en France. On parle alors de masse commune, une pratique utilisée, par exemple, pour l’Euromillions en Europe. Vu de France, les avantages étaient évidents. « Tout le monde joue dans la même masse. Plus la base des joueurs s’élargit, plus le gâteau est gros, plus les rapports deviennent intéressants, et les gains importants », explique un spécialiste des jeux.

Abandon de souveraineté

Mais en confiant cette mission à PMU Partenaire, le Pari mutuel a inquiété les membres de l’ALA. « Il aurait fallu transférer la gestion des paris à un intermédiaire non étatique. Ce n’était pas rassurant en cas de différend, alors que nous sommes habitués à traiter avec une institution placée sous la tutelle de l’État français. Cette délégation aurait en plus constitué de notre point de vue un abandon de souveraineté sur un secteur qui peut être la porte ouverte au blanchiment et à la corruption. Par ailleurs, selon nos calculs, on ne s’en sortait pas avec le système de masse commune proposé, qui inclut la rémunération de PMU Partenaire », décrypte Guèye.

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« Enfin, le fait que le PMU ait prévu de continuer de gérer en direct le Maroc et l’Afrique du Sud, deux pays sur lesquels les enjeux financiers sont importants, sans les contraindre à intégrer la masse commune a achevé de nous convaincre de ne pas accepter cette réforme », complète un responsable africain.

En Afrique, les enjeux en masse commune s’élèveront en 2019 à 120 millions d’euros ; on table sur 500 millions d’euros d’ici à trois ans

Pour le PMU, c’est un revers, mais il n’a pas pour autant renoncé à son idée. « En Afrique, les enjeux en masse commune s’élèveront en 2019 à 120 millions d’euros ; on table sur 500 millions d’euros d’ici à trois ans. Le chiffre d’affaires double voire triple dans les pays où la masse commune est implantée », plaide Yves Vatelot.

Actionnaire majoritaire de PMU Partenaire, cet entrepreneur a déjà rallié au nouveau système le Tchad, la Centrafrique, le Mozambique, Madagascar, Maurice et, il y a quelques semaines, la Zambie et les PMU privés gabonais et camerounais…

Dans 17 pays d’ici à la fin 2019

Après six mois d’essai de la masse commune, la Congolaise de gestion de loterie (Cogelo) s’est rétractée. Yves Vatelot défend sa mission d’intermédiaire en rappelant la réticence initiale des sociétés de courses françaises actionnaires du PMU à investir sur le continent. Il met en avant la transparence des opérations qu’offre la masse commune, « permettant aux États de percevoir les taxes auxquelles ils ont droit ». Et d’éviter les écueils de la mauvaise gouvernance, une loterie d’Afrique centrale présente, par exemple, un trou de plusieurs dizaines de millions d’euros…

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La filiale du PMU vise désormais à attirer surtout des pays qui ne sont pas portés sur les courses françaises, comme le Kenya, le Nigeria et la Tanzanie. « à la fin de 2019, on sera présent dans 17 pays », espère Yves Vatelot.

Reste à savoir si le PMU parviendra à toucher une nouvelle clientèle dans des pays où d’autres formes de paris gagnent du terrain. Selon plusieurs hauts dirigeants du secteur, « l’avenir du jeu n’est pas dans les paris hippiques. Les millennials sont aujourd’hui davantage attirés par les jeux vidéo sur téléphone et les paris sportifs en ligne, permettant de miser pendant la compétition sur le score à la mi-temps ou sur le premier footballeur à marquer. Des jeux qui font encore plus monter l’adrénaline ».

Le Sénégal innove

Pionnière dans les paris hippiques depuis la fin des années 1980, la Lonase proposera bientôt aux turfistes sénégalais les paris sur les porte-monnaie électroniques d’Orange Money et de Tigo Cash, après avoir commencé à distribuer ses paris sportifs Lotofoot.

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