Au Bénin, les routes du développement

Après les spectaculaires opérations de déguerpissement menées début 2017, l’État lance le bitumage de 660 km de voirie urbaine. Un lifting inespéré pour les neuf principales villes du pays.

Lancement des travaux dans le quartier Haie-Vive de Cotonou, début janvier. © ADEWOLE/AID pour JA

Lancement des travaux dans le quartier Haie-Vive de Cotonou, début janvier. © ADEWOLE/AID pour JA

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Publié le 24 janvier 2019 Lecture : 5 minutes.

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C’est l’un des projets phares du Programme d’actions du gouvernement (PAG). C’est aussi l’un de ceux qui suscitent le plus d’impatience, tant le démarrage des premiers chantiers a tardé. Le bitumage de 660 km de voies urbaines dans les principales villes béninoises est en effet d’autant plus attendu que les spectaculaires opérations de déguerpissement menées au début de 2017 dans ces agglomérations, en particulier à Cotonou, ont laissé des traces dans les mémoires. Cette libération de l’espace public était justifiée, notamment, par la nécessité de laisser place aux travaux de réhabilitation et de construction de voirie, qui devaient commencer dans la foulée…

Deux ans plus tard, après quelques coups de pioche symboliques donnés à la mi-2018, ils ont enfin démarré en ce mois de janvier 2019. Même si on ne les remarque parfois que grâce à quelques panneaux dans les quartiers concernés, à des bandeaux rouge et blanc qui localisent les réseaux enterrés de téléphone et d’eau à déplacer, ou aux visites épisodiques de géomètres…

Lorsque l’on s’engage sur des projets aussi importants, aussi structurants, on ne le fait pas à la légère, rappelle Olga Prince-Dagnon

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« Ça n’a pas mis trop de temps, au contraire : cela a été une vraie performance ! Lorsque l’on s’engage sur des projets aussi importants, aussi structurants, on ne le fait pas à la légère », rappelle Olga Prince-Dagnon, la directrice de l’Agence du cadre de vie pour le développement du territoire (ACVDT).

« On ne veut pas créer de nouveaux éléphants blancs, comme il y en a tant eu dans ce pays. Et pour éviter cela, il faut prendre le temps des études, le temps de l’expertise. Ce temps-là n’est pas perdu : il permet d’éviter de gaspiller les ressources du Bénin », martèle l’urbaniste, qui pilote la mise en œuvre du projet avec une passion assumée.

« Depuis le mois de juillet 2017, 224 techniciens ont réalisé des expertises sur les différents secteurs concernés, avec un travail de coordination énorme en seulement six ou sept mois. Je peux vous dire que c’était un rythme très soutenu… L’Agence est devenue une véritable usine à produire des expertises », confirme François Agomadje, chef de projet au sein de l’ACVDT.

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Sous étroite surveillance

Au départ, le projet portait sur l’aménagement ou la réhabilitation de 850 km de voies urbaines dans neuf villes : Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Abomey-Calavi, Lokossa, Sèmè-Kpodji, Abomey, Bohicon et Natitingou. Les ambitions ont été sensiblement revues à la baisse. Ce seront finalement 660 km qui seront réhabilités, en trois phases, pour un budget global estimé à 900 milliards de F CFA (plus de 1,37 milliard d’euros).

La première phase, portant sur 195 km de chaussées, dont 60 % en pavage et 40 % en bitumage, répartis dans les villes concernées, est désormais engagée. Après un appel d’offres lancé en février 2017 (auquel ont soumissionné 99 entreprises), six sociétés ont été retenues, le 24 juillet 2018, auxquelles ont été confiés douze lots.

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Parmi elles, les entreprises béninoises Adeoti (pour le lot de Bohicon) et OFMAS-SBF (pour Porto-Novo), ou encore la filiale béninoise du français Sogea Satom (pour un des quatre lots de Cotonou). Les douze lots devraient tous être livrés dans douze à dix-huit mois, selon le gouvernement, qui assure que les entreprises seront surveillées de près afin qu’elles tiennent les délais.

Espaces verts

Si le cadrage initial du projet d’asphaltage prévoit qu’une partie des travaux sera menée sous forme de partenariats public-privé (PPP), cette première phase est entièrement financée sur le budget de l’État, pour plus de 262,8 milliards de F CFA. Un choix assumé. « Pour les autres étapes, nous intégrerons des PPP et, éventuellement, d’autres formes de financement. Mais, pour cette phase pilote, le chef de l’État a souhaité que ce soit le budget national qui montre le chemin », souligne le ministre du Cadre de vie, José Tonato.

Ce budget important tient à l’une des spécificités du projet, « la réhabilitation de façade à façade ». Plutôt que de se limiter à la route, le projet englobe en effet la réfection et la construction de trottoirs, l’amélioration de l’éclairage public (avec plus de 11 000 lampadaires solaires prévus), l’installation de mobilier urbain, l’aménagement d’espaces verts… Autant de coûts supplémentaires qui ont fait monter le prix du kilomètre linéaire au-dessus de 1 milliard de F CFA et en ont fait bondir plus d’un, tant ce prix dépasse la moyenne habituelle.

« Il faut comparer ce qui est comparable. Il s’agit de fluidifier la circulation, mais aussi de rénover des zones d’habitation, d’améliorer en profondeur le cadre de vie des zones concernées. En améliorant les trottoirs et les caniveaux, on travaille en parallèle aux autres projets du PAG, en particulier aux grands projets d’assainissement qui vont régler les problèmes récurrents d’inondation, et à la gestion des déchets urbains, un autre de nos gros dossiers », précise Olga Prince-Dagnon.

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Actuellement, environ 10 % des voiries urbaines sont bitumées ou pavées et, à la fin du projet, on atteindra, selon les villes, entre 25 % et plus de 30 %, commente Olga Prince-Dagnon

« Là où la route fait 20 m de large, nous aménageons une largeur d’environ 40 m. Cela n’a rien à voir avec une bande de bitume posée au milieu de rien et, de ce point de vue, le prix est donc compétitif ! » confirme Essaadi Lefi, chef de mission du cabinet américain Louis Berger, qui assiste l’ACVDT dans la maîtrise d’ouvrage.

Le prochain chantier de l’Agence sera d’organiser l’entretien de ce nouveau réseau routier, dont la maintenance a déjà soulevé des inquiétudes : « Nous devons favoriser l’émergence d’entreprises locales, notamment à travers la formation, pour qu’elles puissent se spécialiser dans ce domaine », explique Olga Prince-Dagnon. Le coût supplémentaire engendré par la maintenance sera, dans un premier temps, à la charge de l’État. Puis, lorsque les voiries seront achevées, une nouvelle taxe sera mise en place pour financer à la fois leur entretien et la gestion des déchets.

Outre la création d’emplois directs (environ 750 par site lors des travaux, selon l’ACVDT, soit 9 000 au total), l’opération de réhabilitation des voies urbaines se veut aussi un outil d’attractivité supplémentaire pour les investisseurs étrangers ainsi qu’un moyen de dynamiser l’économie locale, notamment par le petit commerce. « Cela va surtout changer la vie des Béninois, insiste Olga Prince-Dagnon. Actuellement, environ 10 % des voiries urbaines sont bitumées ou pavées et, à la fin du projet, on atteindra, selon les villes, entre 25 % et plus de 30 %. C’est quelque chose qui n’a pas été fait depuis plus d’un demi-siècle ! »

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