Cameroun : Sisiku Ayuk Tabe, président éphémère de la République d’Ambazonie

« Enlevé » le 5 janvier dernier dans un hôtel d’Abuja par des hommes de la Sécurité intérieure nigériane, le président intérimaire de la République d’Ambazonie attend son procès dans une cellule du secrétariat d’État à la Défense de Yaoundé.

Sisiku Ayuk Tabe, président éphémère de la République d’Ambazonie. © DR / Youtube

Sisiku Ayuk Tabe, président éphémère de la République d’Ambazonie. © DR / Youtube

GEORGES-DOUGUELI_2024

Publié le 28 janvier 2019 Lecture : 2 minutes.

Soudainement apparue sur la scène médiatique africaine, la silhouette élégante de Sisiku Ayuk Tabe a disparu au bout de quelques mois. Avec sa tête de jeune premier de 52 ans, ses costumes de bonne coupe et ses cravates au nœud Windsor, il avait fière allure et aurait peut-être été un interlocuteur sérieux s’il avait eu le temps d’asseoir son autorité politique et d’exercer ses talents de diplomate. Mais patatras !

À Yaoundé, c’est un terroriste. À Bamenda, un martyr

« Enlevé » le 5 janvier 2018 dans un hôtel d’Abuja par des hommes de la Sécurité intérieure nigériane (Department of State Services, DDS), le président intérimaire de la République d’Ambazonie attend son procès – avec neuf autres personnes arrêtées en sa compagnie – dans une cellule du secrétariat d’État à la Défense (SED) de Yaoundé. Ici, les communications électroniques sont brouillées. Ses avocats et ses visiteurs (dont sa femme et ses cinq enfants) sont fouillés avant et après le parloir. « His Excellency » n’est pas un prisonnier ordinaire. À Yaoundé, c’est un terroriste. À Bamenda, un martyr.

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Courte mission

L’arrestation d’Ayuk Tabe fut un coup dur pour la cause dont il était le visage souriant. Il avait pour mission de séduire une communauté internationale très réticente à accompagner la naissance d’un État-confetti issu d’un conflit culturel. Vaste programme pour cet ingénieur ayant œuvré dix ans au sein de la Société nationale d’électricité du Cameroun [Sonel, devenue Eneo] avant de s’exiler, en 2006, au Nigeria, où il a travaillé pour le groupe informatique américain Cisco.

Sur le front diplomatique, il n’a pas obtenu les résultats escomptés. Certes, un député européen allemand, Arne Gericke, a porté la question devant le Parlement européen pour discussion. Mais aucun pays n’a reconnu l’Ambazonie. Pas même le voisin nigérian, qui a longtemps entretenu des rapports compliqués avec le Cameroun.

Ayuk Tabe aurait dû le savoir : la lutte contre Boko Haram a rapproché les dirigeants camerounais et nigérians

Le Nigeria durcit le ton

D’ailleurs, lorsque l’informaticien est nommé président intérimaire des séparatistes à la suite d’une réunion tenue sur son sol, en juillet 2017, Abuja prend peur. Redoutant la résurgence de ses propres démons, le gouvernement nigérian durcit le ton à l’égard de ses propres séparatistes et, en septembre 2017, inscrit sur la liste des « organisations terroristes » le mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra (Ipob), qui réclame la sécession de cette région du Sud-Est, frontalière du Cameroun.

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Ayuk Tabe aurait dû le savoir : la lutte contre Boko Haram a rapproché les dirigeants camerounais et nigérians. Échange d’informations, droit de poursuite, coopération judiciaire… Devant le tribunal militaire que l’Anglophone a saisi pour obtenir une remise en liberté, sa ligne de défense est tout sauf une surprise : « Je ne suis pas Camerounais », clame-t-il, déniant au tribunal de Yaoundé toute compétence pour le juger.

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En attendant, son incarcération constitue un coup d’arrêt pour les sécessionnistes, qui se sont pourtant dotés d’un nouvel exécutif en la personne de Samuel Ikome Sako. Mais le nouveau « président intérimaire » est encore en train de prendre encore ses marques.

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