Agrobusiness : le géant des machines agricoles Agco vise le milliard en Afrique

Doté depuis l’an dernier d’un siège en Afrique du Sud, le géant américain adopte une stratégie offensive. Au programme : investissement, innovation et formation.

L’accroissement de la productivité agricole, qui passe par la modernisation du secteur, est au cœur de la stratégie de la BAD pour le Togo. © AGCO

L’accroissement de la productivité agricole, qui passe par la modernisation du secteur, est au cœur de la stratégie de la BAD pour le Togo. © AGCO

Publié le 7 février 2019 Lecture : 4 minutes.

À Berlin, le 18 janvier, à l’ouverture de la Grüne Woche – le Salon de l’agriculture outre-Rhin –, Agco, le géant américain des machines agricoles, est omniprésent. À la tribune, Martin Richenhagen, son directeur général, vante, au côté de Gerd Müller, ministre allemand de la Coopération économique et du Développement, les mérites de sa dernière innovation pour l’Afrique : Farm in a Box.

L’idée est simple : un conteneur est livré clé en main à un entrepreneur local avec un tracteur, des attelages tels qu’un semoir ou une remorque et des pièces de rechange. Du matériel qui peut ensuite être loué à l’heure aux agriculteurs des environs. Et leur éviter ainsi des coûts d’acquisition prohibitifs. C’est la dernière offensive d’Agco à destination du continent, dont il a fait l’une de ses zones d’expansion prioritaires, tant les besoins en mécanisation agraire y sont importants.

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Nouveau QG à Johannesburg

Seules 5 % des terres agricoles subsahariennes sont équipées de tracteurs, dix fois moins qu’en Asie, selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Agco n’est pas seul à l’avoir compris. « Les motoculteurs ou minitracteurs asiatiques à moins de 10 000 dollars sont bien plus compétitifs en Afrique que des machines à plusieurs dizaines de milliers de dollars », constate Rabé Yahaya, expert de la mécanisation au bureau d’Addis-Abeba du Centre international d’amélioration du maïs et du blé (Cimmyt).

Malgré cette âpre concurrence, Agco entend opérer une nette accélération depuis Johannesburg – où il a officialisé un QG africain en mai 2018 – jusqu’à Alger, où le groupe construit des tracteurs Massey Ferguson depuis 2012 en partenariat avec deux entreprises locales. Objectif : faire passer un chiffre d’affaires de 138,1 millions de dollars en Afrique subsaharienne en 2017 – 1,6 % des 8,3 milliards de CA global réalisé la même année – à 1 milliard de dollars à moyen terme. Ce que le groupe espère atteindre de plusieurs manières.

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Implantation à Casablanca

Tout d’abord, en investissant. Début 2013, Agco promettait d’injecter 100 millions de dollars en Afrique. « Nous sommes à mi-enveloppe », assure Gary Collar, vice-président senior et directeur général de la zone Asie-Pacifique et Afrique d’Agco. Certes, ses marques sont déjà distribuées depuis des décennies dans quelques marchés africains clés (Afrique du Sud, Kenya, Nigeria) par l’intermédiaire de partenariats.

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Au Maroc, le groupe s’est associé à la Compagnie marocaine industrielle et commerciale. Mais il veut désormais rapprocher ses équipes des usagers finaux. En février, Agco ouvrira sa deuxième implantation africaine, à Casablanca. Une équipe de vingt-cinq permanents en vente et distribution y sera localisée. Un bureau ouest-­africain devrait suivre. Peut-être au Nigeria, comme l’évoquait récemment le site Punch, en indiquant qu’entre janvier et novembre 2018 le pays avait importé pour 60 millions de dollars de matériel agricole.

Tiers de confiance

Pour compléter son maillage continental, Agco bénéficie aussi de sa filiale Cimbria, leader du stockage des semences et des céréales, implantée au Kenya et en Égypte. Second levier : les investissements agricoles à grande échelle, alors que l’Afrique demeure l’une des principales réserves foncières du monde. Mais « dans des conditions acceptables », avertit Gary Collar, conscient que d’innombrables mégaprojets de plusieurs dizaines de milliers d’hectares signés entre investisseurs et pouvoirs publics pouvaient connaître une tournure dramatique une fois déployés sur le terrain.

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Agco veut jouer le rôle de tiers de confiance auprès de « la centaine d’investisseurs » qu’il a approchés : en fournissant des machines mais aussi en encadrant les salariés de ces projets et en identifiant des partenaires locaux fiables. Pour l’heure, la plupart de ces projets sont à un stade embryonnaire, à l’exception de la Côte d’Ivoire et de l’Égypte, où des partenariats sont plus avancés.

Enfin, la formation. En plus de sa ferme école en Zambie, Agco a investi l’an dernier un demi-million de dollars dans le lancement d’une formation qualifiante en agrobusiness, en partenariat avec l’école de commerce Strathmore, de Nairobi. La première promotion compte une vingtaine d’agriculteurs kényans qui ont vocation, une fois diplômés, à rejoindre ses équipes.

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Partenariat avec le ministère allemand du Développement

D’ici à 2020, Agco entend vendre une centaine de conteneurs Farm in a Box, dont le prix est compris entre 60 000 et 100 000 dollars pièce. Un objectif auquel Gerd Müller a annoncé que son ministère pourrait prêter son concours.

Au Mali, Ousmane Djiré, directeur de la Société coopérative artisanale des forgerons de l’office du Niger, qui distribue du matériel agricole à quelque 20 000 agriculteurs autour de la ville de Niono, pourrait recevoir l’appui de l’Agence allemande de coopération internationale pour le développement, pour acquérir un premier exemplaire de Farm in a Box. Mais, dit-il, « les négociations ne font que commencer ».

Les tracteurs made in Algérie patinent

Six ans après avoir fait sortir le premier tracteur algérien de l’usine de Constantine, le bilan est mitigé pour Agco dans la coentreprise mise sur pied aux côtés de l’Entreprise des tracteurs agricoles (Etrag) et de l’Entreprise de commercialisation de matériel agricole (Pmat).

« L’année a été dure », lâche seulement Gary Collar, vice-président senior du groupe. Et les chiffres le confirment : entre 2015 et 2018, au Moyen-Orient et en Algérie, Agco est passé de 232 à 171 millions de dollars de chiffre d’affaires. L’agriculture, fortement subventionnée, n’a pas été épargnée par les mesures d’austérité d’Alger en réponse à la chute des cours du pétrole.

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