Manganèse : à Tambao, le Burkina veut tourner la page Frank Timis
En attendant l’arbitrage du 28 février sur la plainte du groupe du milliardaire australo-roumain, l’État est déterminé à réattribuer le permis minier à un nouvel investisseur.
Comment le secteur minier veut doper sa production en Afrique
Guinée, RDC, Mali, Côte d’Ivoire, Burkina Faso… Le continent compte bien doper sa production minière en 2019, après une année marquée par une baisse imprévisible des prix et des conflits en interne.
Trouver un nouveau partenaire au projet intégré de manganèse de Tambao (est du pays), dont les réserves sont estimées à 55 millions de tonnes. Telle est désormais l’obsession du ministre burkinabè des Mines, Oumarou Idani. Le 11 mai 2018, une ordonnance du tribunal arbitral de la Chambre de commerce internationale de Paris (CCI Paris) donnait carte blanche au Burkina pour résilier le permis minier des sociétés du milliardaire australo-roumain Frank Timis, avec qui le conflit dure depuis 2015.
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« Désormais, nous travaillons sur les études de faisabilité et sur le scénario d’exploitation du gisement », explique le ministre. Pour lui, la procédure d’arbitrage en cours n’a aucune conséquence sur l’avenir de Tambao. S’il n’a pas encore donné suite aux manifestations d’intérêt exprimées par des sociétés chinoises, européennes, américaines et même africaines, c’est bien pour prendre le temps de parvenir à une convention minière transparente afin de relancer l’exploitation.
Bientôt deux opérateurs différents ?
Oumarou Idani se veut confiant : « L’exploitation du manganèse n’est pas complexe en soi. Elle consiste en une opération de dynamitage et de concassage. La principale contrainte relative à ce projet porte sur le transport. Même si nous arrivions à faire le traitement du minerai sur le site, il faut tout de même transporter 50 millions de tonnes. La question de la logistique est essentielle. »
Le Burkina pourrait confier le projet à des opérateurs différents, l’exploitation minière, d’un côté, et les infrastructures ferroviaires et routières, de l’autre
En attendant la réattribution du permis minier à un nouvel investisseur, le Burkina étudie plusieurs options, comme celle de confier à des opérateurs différents les deux volets du projet, l’exploitation minière, d’un côté, et les infrastructures ferroviaires et routières, de l’autre. Mais si l’État peut désormais faire prévaloir ses droits sur le gisement de Tambao, il n’en a pas pour autant fini avec la procédure judiciaire enclenchée par la société Pan African Minerals, détenue par Frank Timis, et ses filiales, Pan African Burkina et Pan African Tambao.
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Ces dernières avaient invité le tribunal arbitral parisien à prendre des mesures suspensives à la suite de la mise en œuvre par le Burkina de son droit contractuel de résiliation sur le projet intégré de la mine de Tambao. Elles avaient requis cette décision de justice après que le Burkina avait annoncé rompre l’accord-cadre de partenariat public-privé (PPP) conclu avec Pan African Burkina en août 2012.
« Nous n’avons plus d’activités au Burkina. Nous attendons l’issue de la procédure légale en cours », confie un cadre de Pan African Tambao. Le litige porte sur un volet minier et sur la réalisation d’infrastructures routières et ferroviaires, avec la ligne Kaya-Tambao, distante de 140 km environ.
Les autres projets du groupe minier affectés
En 2015, déjà, le Burkina avait suspendu le permis d’exportation du gisement, arguant que Pan African Burkina n’avait montré aucune volonté, ni aucune capacité d’exécuter ses obligations. Dans une lettre datée du 9 septembre 2016 et adressée au ministre burkinabè des Mines d’alors, que Jeune Afrique avait révélée, la junior minière accusait l’État burkinabè d’agissements illégaux et de manquements à son encontre, comme le refus d’envoyer un représentant du ministère des Mines pour superviser les opérations de pesée du minerai, ou celui de recourir au transport routier en attendant que le chemin de fer soit réhabilité.
Elle pointait aussi du doigt la série de suspensions dont elle faisait l’objet, et notamment celle de son autorisation spéciale d’exportation, le 15 janvier 2015, celle des activités d’exploitation du 23 mars 2015 ou encore celle relative à l’accord de PPP. Autant de blocages qui ne lui ont pas permis d’entreprendre de nouveaux projets, parmi lesquels la construction d’un terminal minéralier dans le port d’Abidjan ou l’exploitation de la mine nigérienne d’uranium du bassin de Tim Mersoï, dont les réserves sont estimées à plus de 1,1 milliard d’euros.
Les difficultés du groupe Pan African Minerals représentent un manque à gagner de plusieurs centaines de millions de dollars
« Les difficultés du groupe Pan African Minerals à exploiter le projet minier de Tambao ont un impact direct sur les plans de développement de ses autres projets, ce qui représente un manque à gagner de plusieurs centaines de millions de dollars », avançait le groupe de Frank Timis. Dès lors, l’entreprise, qui indique avoir investi plus de 150 millions de dollars (131 millions d’euros) dans le projet, réclamait à son partenaire burkinabè une compensation estimée à 4 milliards de dollars, évoquant un montant de 380 millions de dollars de préjudice du fait de la perte de contrats de vente auprès de clients prestigieux.
Une audience sur les prétentions de dommages et intérêts réclamés par le groupe, tenue en novembre 2018, avait permis aux parties en conflit de déposer leurs conclusions pour permettre au tribunal de se faire une opinion. « Nous attendons la sentence sur le volet financier de la plainte formulée par les sociétés du groupe minier le 28 février 2019 », confie le ministre burkinabè.
Sur le podium africain
Avec douze mines industrielles en exploitation, le Burkina a produit près de 52 tonnes d’or en 2018, contre 45,6 t engrangées un an plus tôt. En comptant l’orpaillage, sa production totale atteint plus de 60 t. Une performance qui le place désormais parmi les pays miniers les plus dynamiques en Afrique. La production de zinc, elle, s’est établie autour de 160 000 t. Le secteur minier a généré 1 308 milliards de F CFA (1,9 milliard d’euros) de recettes d’exportation, soit 71 % de celles du Burkina.
De nouvelles mines d’or vont entrer en exploitation avant la fin de l’année 2019, comme celles des canadiens Teranga Gold (1,2 million d’onces de réserves) et Orezone à Bomboré, au sud de Ouagadougou.
« Notre objectif est désormais de diversifier notre production minière », confie le ministre du secteur, Oumarou Idani. Il affirme par ailleurs disposer de résultats probants sur la présence dans le sous-sol de substances stratégiques comme le pétrole ou encore le gaz.
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