Mines : le kazakh ERG se relance en RDC

Ayant réglé ses différends avec la Gécamines et la justice britannique, le groupe Eurasian Resources Group mise sur son usine de Metalkol – un projet de 650 millions de dollars –, dont la production de cuivre a débuté. Celle de cobalt est prévue d’ici à la mi-2019.

Le site de Metalkol, près de Kolwezi, dans le sud du pays, produira, à pleine capacité, 24	000 t de cobalt et 120	000 t de cuivre chaque année. © ERG

Le site de Metalkol, près de Kolwezi, dans le sud du pays, produira, à pleine capacité, 24 000 t de cobalt et 120 000 t de cuivre chaque année. © ERG

Publié le 12 février 2019 Lecture : 4 minutes.

En ce début d’année 2019, Benedikt Sobotka, PDG de la compagnie kazakhe Eurasian Resources Group (ERG) retrouve le sourire. Son usine de Metalkol – située à 25 kilomètres de Kolwezi, dans le sud de la RDC –, destinée à produire du cuivre et du cobalt à partir de résidus de minerais, notamment ceux laissés sur les sites de Kingamyambo et de Musonoi, vient de démarrer ses activités.

Interrogé lors de l’événement Mining Indaba, Giles Smith, directeur commercial d’ERG Africa, confirme que la production de cuivre a commencé au troisième trimestre de 2018, et que celle de cobalt débutera d’ici à la fin du premier semestre. Selon lui, cela fera du groupe kazakh « l’un des producteurs majeurs de cobalt dans le monde ».

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Ce projet est le cœur de la nouvelle stratégie d’ERG pour s’imposer comme leader de cette filière. Un minerai devenu stratégique depuis que de nombreux pays, en Europe et en Chine notamment, ont fait des batteries un élément central de leur modèle de transition énergétique. Le financement de l’usine estimé à 650 millions de dollars a été bouclé grâce à un accord avec un consortium chinois impliquant China Nonferrous Metal Industry’s Foreign Engineering and Construction Company (NFC).

Un système de blockchain pour renforcer la traçabilité du minerai

ERG extrait déjà du métal bleu en sus du cuivre, en RDC, où la société exploite les mines de Boss, Frontier et Comide. Mais le site de Metalkol doit lui permettre, dès 2019, de quadrupler sa production annuelle, qui s’élevait à 3 000 tonnes en 2017. À pleine capacité, 24 000 t de cobalt et 120 000 t de cuivre y seront produites chaque année. Les chiffres d’ERG pour 2017 indiquent 3 000 t de cobalt et 141 000 t de cuivre vendues sur la totalité de ses actifs en RDC.

Si le dirigeant allemand s’est réjoui le 21 janvier de la mise en place d’un système de blockchain porté par IBM permettant de renforcer la traçabilité de la future production de cobalt de Metalkol, c’est parce que les nuages qui planaient en 2018 sur ERG en RDC se sont dissipés.

En février 2018, lors de la précédente édition de Mining Indaba, Albert Yuma, président de la Gécamines, société à capitaux publics qui porte les intérêts de Kinshasa dans le secteur minier, avait indiqué sa volonté de renégocier ses contrats de partenariats avec les groupes extractifs étrangers. Dans la foulée, il engageait un arbitrage contre Boss Mining, filiale d’ERG exploitant la mine du même nom. Devant la Chambre de commerce internationale, la Gécamines accusait le groupe kazakh de ne pas lui avoir reversé la totalité des sommes qui lui étaient dues dans le cadre de leur joint-venture.

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Du minerai est extrait un hydroxyde de cobalt bleu-vert. © TFM

Du minerai est extrait un hydroxyde de cobalt bleu-vert. © TFM

Puis, en mars, Reuters avait révélé que ERG, endetté à hauteur de 5,8 milliards de dollars, envisageait la cession de sa mine de Frontier. Un site à propos duquel le ministre des Mines congolais Martin Kabwelulu avait par ailleurs créé une commission destinée à évaluer l’implication de la société kazakhe dans l’assèchement d’une rivière irriguant les zones d’habitations et de cultures alentour. Enfin, dans le cadre de son enquête pour corruption lors de l’achat d’actifs miniers par ERG en RD Congo, le Serious Fraud Office (SFO) britannique avait lancé un mandat d’arrêt, en juillet, contre Benedikt Sobotka, qui ne s’était pas rendu à une convocation des autorités de Londres.

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« Créer de nouveaux standards dans l’industrie »

Finalement, la situation semble s’être débloquée en fin d’année. Au début de novembre, le SFO a abandonné les poursuites contre le PDG d’ERG. Quelques jours plus tard, le groupe kazakh trouvait un accord avec les sociétés nationales d’électricité congolaise, Snel, et zambienne, Zesco, pour assurer l’approvisionnement en électricité de Frontier, réaffirmant ses ambitions sur le site.

Surtout, le 10 décembre, la Gécamines annonçait la conclusion d’un accord mettant fin à l’arbitrage sur Boss Mining, « en vue de parvenir à un meilleur partage des revenus et des retombées ». Le texte prévoit le versement de 30 millions de dollars par ERG à la Gécamines et le passage de 30 à 49 % de la participation de la société d’État dans Boss Mining. Pour mettre en œuvre ce nouveau partenariat, le groupe a nommé Jacques Steenkamp au poste de directeur général de Boss Mining. Plusieurs sources affirment néanmoins qu’un plan de licenciement est désormais prévu à Boss Mining.

ERG a désormais « pour ambition de créer de nouveaux standards dans l’industrie », assure Benedikt Sobotka. Pour y parvenir, le groupe kazakh entend aussi améliorer sa réputation. En décembre, sa filiale Metalkol s’est engagée à respecter les recommandations de l’OCDE en matière d’approvisionnement minier. Et dans la foulée, le 8 janvier, elle est devenue membre du Cobalt Institute, un groupement d’entreprises faisant la promotion de la production et de l’utilisation responsable de ce métal.

Le cobalt, au cœur des attentions et des tensions en RDC

Malgré une forte baisse de son prix, passé de 96 000 dollars la tonne, en mars 2018, à 36 000 dollars la tonne en janvier 2019, le cobalt, dont plus de 50 % des ressources mondiales se trouvent en RDC, continue d’attiser les convoitises. Des juniors australiennes, canadiennes et britanniques ont été créées dans l’unique but de mettre au jour de nouveaux gisements.

La Chine reste toutefois le premier acheteur, ses entreprises ayant peu à peu acquis de nombreux sites d’exploitation et monté des comptoirs commerciaux. En janvier, China Molybdenum a porté sa part dans le capital de la mine de Tenke Fungurume de 56 % à 80 %. L’engouement pour ce minerai est au cœur des réformes fiscales engagées par le pays, faisant passer les royalties afférentes au métal de 3,5 % à 10 % en décembre 2018, et explique les tensions entre Kinshasa et les groupes étrangers, à commencer par Glencore.

L’Ouganda dans le viseur ?

Hors de RDC, sa principale implantation en Afrique, ERG exploite une raffinerie de cuivre et de cobalt à Chambishi, en Zambie, mais développe aussi des projets au Zimbabwe, en Namibie, au Mozambique, en Afrique du Sud et au Mali. La société reste en outre à l’affût d’opportunités pour renforcer ses positions dans le cuivre et le cobalt. Benedikt Sobotka s’est ainsi entretenu l’an dernier avec le président ougandais Yoweri Museveni pour évoquer des investissements dans le pays.

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