[Tribune] Entre États et opérateurs télécoms, un terrain à déminer

Nigeria, Côte d’Ivoire, Niger, Mali, Sénégal, Bénin… En Afrique de l’Ouest, l’actualité des opérateurs de téléphonie mobile est émaillée de sanctions.

Point de vente d’accessoires de téléphones portables et de crédit téléphonique, à Abidjan en avril 2012. © OLIVIER POUR JA

Point de vente d’accessoires de téléphones portables et de crédit téléphonique, à Abidjan en avril 2012. © OLIVIER POUR JA

Hamadoun Toure (Mali), directeur exécutif du programme Smart Africa. © Vincent Fournier/JA

Publié le 15 février 2019 Lecture : 3 minutes.

Tantôt pour manquement aux obligations de qualité, tantôt pour non-paiement d’impôts et de taxes, comme dans le cas de la fermeture, en décembre dernier, des bureaux d’Orange et d’Airtel à Niamey, ainsi que le rappelait récemment Jeune Afrique dans l’article « Télécoms : opérateurs contre États, une escalade inquiétante ».

Sous l’impulsion des États, les régulateurs sont bien déterminés à ne plus fermer les yeux sur certains agissements des opérateurs. Multiplication des sanctions, nouvelles taxes et redressements fiscaux sont le signal d’une reprise en main du respect des obligations réglementaires de ces derniers ou des contraintes des cahiers des charges pour l’obtention de nouvelles licences 3G et 4G, trop souvent négligées par le passé.

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Des opérateurs opaques

À cela s’est souvent ajoutée une relative opacité sur la profitabilité des opérateurs, qui tend à s’accroître avec la multiplication des services payants sur mobile. Les opérateurs de télécoms ne partagent pas toujours certaines informations pourtant essentielles sur l’évolution du secteur, à commencer par leurs chiffres d’affaires et les bénéfices réalisés par pays.

Faute d’une véritable transparence en matière de qualité de services, de revenus et de profitabilité, les États se voient dans l’obligation d’imposer des sanctions. Il s’agit finalement de mettre fin à un certain laxisme qui a longtemps prévalu en faisant jouer aux régulateurs le rôle d’arbitre qui leur revient, en veillant aux intérêts des parties prenantes et en s’assurant que les opérateurs reversent dans les temps à l’État la TVA et aux régulateurs la redevance dont ils doivent s’acquitter.

>>> À LIRE – Télécoms : opérateurs contre États, une escalade inquiétante

Pour sortir de cette logique répressive et éviter de fragiliser les petits opérateurs, il est temps de favoriser un dialogue plus constructif entre opérateurs et autorités de régulation. Et pour apaiser leurs relations, quel meilleur moyen que de miser sur la transparence et l’immédiateté des données transmises ? En fournissant des informations fiables et complètes sur le volume de trafic international traité par chaque opérateur, le système garantit une facturation précise et transparente de la surtaxe pour les appels internationaux entrants. En plus d’éviter toute suspicion entre l’État et les opérateurs, le système contribue à sécuriser leurs revenus.

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Plus de transparence pour plus de confiance

Le monitoring du trafic téléphonique permet en effet aux États de s’assurer du paiement de ce qui est réellement dû – donc de mieux mobiliser les ressources publiques – et d’avoir une visibilité quant à leur capacité de financement de projets de développement et d’infrastructures. Du côté des opérateurs, il leur évite de se retrouver dans la situation de devoir payer des amendes aux montants prohibitifs, correspondant aux arriérés de taxes sur plusieurs années, tout en leur donnant de la visibilité sur leurs investissements pour favoriser l’accès à la téléphonie et au digital.

Diverses expériences menées en Afrique l’attestent : la démarche est garante d’un fonctionnement plus harmonieux du secteur. En Tanzanie, le régulateur a lancé, en 2013, en partenariat avec l’entreprise GVG, un dispositif de monitoring du trafic téléphonique. Grâce à son système de surveillance de l’interconnexion permettant de collecter et de traiter les métadonnées de télécommunications en temps réel, l’État a pu engranger un revenu additionnel d’environ 12 millions de dollars par an, uniquement avec le monitoring des appels internationaux entrants. Et aucune sanction n’a été émise pour défaut de facturation.

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Manque à gagner sur les appels via Internet

Un autre exemple de démarche gagnant-­gagnant des plateformes de gestion des appels internationaux entrants est son volet antifraude, tel que déployé au Rwanda. En contournant le système international de trafic voix-données, la fraude par Sim box – qui représente en moyenne 5 % du volume des appels testés dans le pays – permet de faire passer un appel international pour un appel local via internet, ce qui entraîne un manque à gagner pour l’État et les opérateurs. Depuis 2012, au Rwanda, le dispositif de détection des fraudes a contribué à sécuriser les revenus du gouvernement rwandais et des opérateurs ainsi qu’à maintenir un niveau de qualité de service élevé.

S’ils ont pu susciter des réticences lors de leur entrée en vigueur, ces dispositifs de monitoring, qui essaiment sur le continent, contribuent incontestablement au respect du cadre réglementaire, à la sécurisation des recettes fiscales et à une meilleure qualité de service dans le secteur des télécoms.

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