Cinéma : « Les Moissonneurs », dans le monde étrange des fermiers blancs sud-africains

Avec « Les Moissonneurs », le réalisateur Étienne Kallos explore le monde étrange des Afrikaners traditionalistes de la Bible Belt sud-africaine, ces fermiers qui n’ont pas voulu changer leur mode d’existence.

L’acteur Brent Vermeulen dans le film « Les Moissonneurs », le réalisateur Étienne Kallos. © Pyramide Films

L’acteur Brent Vermeulen dans le film « Les Moissonneurs », le réalisateur Étienne Kallos. © Pyramide Films

Renaud de Rochebrune

Publié le 18 février 2019 Lecture : 3 minutes.

Le cinéma n’est pas avare de nouvelles en provenance d’Afrique du Sud. Fictions et documentaires, très souvent centrés sur le parcours de Nelson Mandela, sont nombreux depuis la fin de l’apartheid. Tout dernièrement, un film contant un épisode dramatique des travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, à la gloire de son héros l’archevêque nobélisé Desmond Tutu, a connu un certain succès sur les écrans sous le titre Forgiven.

Peu auparavant, on avait pu assister, grâce à la restauration d’enregistrements audio du procès de Rivonia et à un recours à des images d’animation, aux audiences du tribunal de Pretoria, qui a condamné Mandela à la prison à vie, en 1964, dans Le Procès contre Mandela et les autres. Beaucoup plus rares sont les films qui évoquent ce que sont devenus les Blancs sud-africains depuis qu’ils ont perdu le pouvoir.

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Chez les plus conservateurs des Afrikaners

Avec Les Moissonneurs, une fiction saisissante de vérité, le spectateur est convié à pénétrer dans cet univers et à observer la vie que mènent, encore aujourd’hui, dans le grenier à blé du pays [le Free State, l’ancien État libre d’Orange, qu’on appelle parfois la Bible Belt], les plus conservateurs des Afrikaners. Des fermiers qui n’ont pas voulu changer leur mode d’existence dans un État où, pourtant, le changement, aussi lent soit-il, est devenu le maître mot.

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Le film se déroule dans les magnifiques décors ruraux entourant une exploitation agricole isolée, au sein d’une famille qui vit derrière des fenêtres protégées par des barreaux. Un couple de chrétiens traditionalistes qui entendent que leur fils adolescent, Janno, perpétue sans le moindre écart leur mode de vie et leurs croyances. Mais voilà que la mère de famille se met en tête de sauver Pieter, un jeune orphelin délinquant et SDF qu’on dit en danger et qu’elle compte remettre dans le droit chemin, avec l’aide de Dieu.

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À première vue, le film conte surtout la relation complexe et malsaine qui va s’établir entre le très malin et très pervers Pieter et le très perturbé Janno, qui a du mal à satisfaire les attentes de ses parents, d’autant qu’il réprime difficilement des pulsions homosexuelles.

Étienne Kallos a voulu « s’immerger à nouveau dans son pays natal pour tenter de comprendre le vécu de cette “ethnie” blanche »

Une « ethnie » blanche « à la croisée des chemins »

Mais le vrai objectif de ce long-métrage aux images léchées et au scénario rugueux, c’est de questionner métaphoriquement la situation actuelle des Blancs sud-africains. À travers le conflit entre parents et enfants – la première génération post-apartheid – et le conflit « culturel » entre deux adolescents qui ne peuvent se considérer comme des frères.

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Étienne Kallos, qui a vécu pendant une vingtaine d’années dans la région du Cap avant d’émigrer aux États-Unis, a voulu, nous dit-il, « s’immerger à nouveau dans son pays natal pour tenter de comprendre le vécu de cette “ethnie” blanche qui, surtout dans le monde rural, porte le poids du colonialisme ». Bien qu’installée là depuis plus de trois siècles, elle est « aujourd’hui à la croisée des chemins », « obligée de se demander à quel monde elle veut appartenir », alors que l’éventualité de la redistribution des terres au profit de la majorité noire est plus que jamais dans l’air du temps. Le réalisateur ne traite sans doute qu’indirectement de ces questions, mais cela ne nuit pas, au contraire, à l’intérêt de ce long-métrage intrigant.

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