Sénégal : une parité à l’Assemblée, mais pas à tous les niveaux politiques

Si les femmes sont bien représentées à l’Assemblée nationale, la parité est cependant loin d’avoir gagné tous les niveaux de la politique sénégalaise. Au point que le 24 février, la bataille des urnes se jouera entre cinq hommes.

Soham El Wardini, maire de Dakar, devant l’hôtel de ville. © Youri Lenquette pour JA

Soham El Wardini, maire de Dakar, devant l’hôtel de ville. © Youri Lenquette pour JA

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Publié le 19 février 2019 Lecture : 3 minutes.

Au perchoir, Moustapha Niasse orchestre les débats depuis 2012 et, avant lui, aucun président de l’Assemblée nationale n’avait fait face à tant de femmes. Elles sont actuellement 69 députées pour un total de 165 sièges, soit 41,82 % de l’hémicycle, ce qui est largement plus que la moyenne mondiale (24,1 %) et que la moyenne subsaharienne (23,8 %).

Selon l’Union interparlementaire (IPU), en matière de représentativité des femmes au sein de l’Assemblée nationale, le Sénégal se classe en effet au douzième rang mondial et au troisième sur le continent, derrière l’Afrique du Sud et le Rwanda, leader mondial avec un hémicycle composé à 62 % de femmes.

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Des postes peu occupés par des femmes

C’est grâce à la loi sur la parité adoptée en mai 2010, sous Abdoulaye Wade, que le nombre d’élues à l’Assemblée nationale est passé de 22 % en 2007 à 43,3 % à l’issue des législatives de 2012. Le texte prévoit « la parité absolue homme-femme […] dans toutes les institutions électives » et des « listes de candidatures alternativement composées de personnes des deux sexes », sous peine d’irrecevabilité.

Sur 557 communes, seules cinq sont gérées par des femmes

Pour le moment, la parité est cependant loin d’avoir gagné les conseils municipaux issus des élections locales de 2014. Certes, Soham El Wardini (maire de Dakar) et Aïssata Tall Sall (Podor) dirigent deux des plus grandes villes du pays, mais, sur 557 communes, seules cinq sont gérées par des femmes, selon l’Observatoire national de la parité (créé en 2011).

Aïssata Tall Sall, ex-porte-parole et frondeuse du Parti socialiste sénégalais. © Sylvain Cherkaoui pour J.A.

Aïssata Tall Sall, ex-porte-parole et frondeuse du Parti socialiste sénégalais. © Sylvain Cherkaoui pour J.A.

En outre, Soham El Wardini n’a été élue à la tête de la mairie de Dakar que le 29 septembre 2018, pour achever le mandat de son ex-mentor, Khalifa Sall, révoqué. Elle remettra donc en jeu son mandat dès le 1er décembre, date des prochaines élections locales.

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« La parité n’est pas synonyme de privilèges »

Le constat n’est guère plus brillant du côté du gouvernement Dionne, avec seulement huit femmes (sur 40 membres), toutes à la tête de portefeuilles secondaires. Et pour cause : le gouvernement n’est pas inclus dans les institutions visées par la loi.

Aminata Touré, qui fut garde des Sceaux (2012-2013) et Première ministre (2013-2014), tempère : « Il faudrait que la loi s’applique aux postes nominatifs au sein du gouvernement, et même dans les entreprises. Mais saluons déjà la parité à l’Assemblée, largement en avance sur nombre de démocraties occidentales », souligne la coordinatrice du cabinet de campagne de Macky Sall.

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Pour que la société avance au même train que la législation, il faut promouvoir au forceps le leadership féminin dans l’imaginaire collectif. Selon Amsatou Sow Sidibé, candidate à la présidentielle de 2012 et qui, cette année, a buté sur l’étape des parrainages, le sujet manquera cruellement aux joutes électorales. « Aucun des candidats actuels n’a de discours satisfaisant en la matière. La loi parité de 2010 avait fait du Sénégal une référence. On ne sent plus le même engagement aujourd’hui », déplore-t-elle.

Aminata Touré préfère relativiser : « La parité n’est pas synonyme de privilèges pour les femmes. On ne peut pas avoir d’espaces d’exception dans l’application des lois, ce serait une dénégation du concept même de parité. »

Avant de voir un jour, peut-être, une femme dans le fauteuil présidentiel, la participation d’une candidate à ce scrutin aurait offert une audience au concept de parité. Mais le 24 février, la bataille des urnes se jouera entre cinq hommes.

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