[Tribune] Le virage africain du Qatar

S’adapter pour résister ; se diversifier pour, toujours, peser sur la scène mondiale. Depuis qu’il est la cible d’un blocus, déclenché en juin 2017 par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU), le Qatar n’a cessé d’affiner sa stratégie internationale – avec un certain succès, le petit émirat faisant, en effet, preuve d’une remarquable résilience économique.

La baie de Doha, au Qatar, en 2011. © Saurabh Das/AP/SIPA

La baie de Doha, au Qatar, en 2011. © Saurabh Das/AP/SIPA

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Publié le 28 février 2019 Lecture : 3 minutes.

L’un des points les plus marquants et les plus inédits de cette nouvelle stratégie extérieure est le virage africain opéré par Doha, conjuguant investissements, échanges culturels et transport aérien.

Premier producteur de gaz naturel liquéfié (GNL) du monde, Qatar Petroleum (QP) a depuis peu jeté son dévolu sur l’Afrique. Réputée frileuse, la compagnie investit pourtant massivement sur le continent, même quand les ressources en hydrocarbures ne sont pas démontrées.

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Au Mozambique, QP s’est ainsi associé à l’américain ExxonMobil et au russe Rosneft dans des zones « vierges », sans découvertes prouvées ; depuis février 2018, QP a également acquis 25 % d’un bloc offshore sud-africain exploité par Total, sans aucune certitude de découverte ; et, au Congo, les Qataris détiennent désormais 15 % de la filiale locale de l’entreprise française.

>>> À LIRE – Finances publiques : comment le Mozambique a terni sa réputation

Risqués, ces investissements témoignent de la confiance qu’accorde Doha à notre continent. Mais le Qatar ne se contente pas d’investir à tout-va dans des zones à fort potentiel en hydrocarbures. Doha mise aussi sur nos locomotives économiques, à l’image de la Côte d’Ivoire, pays dans lequel le nouvel ambassadeur qatari, Jaber Jarrallah Masoud el-Meri, a promis, au début de janvier, une série « d’investissements majeurs » dans les domaines des infrastructures, de l’éducation et du sport. Un renforcement significatif de la coopération entre les deux pays, qui fait suite aux récentes visites officielles et mutuelles des chefs d’État qatari et ivoirien.

Qatar Airways passe outre le blocus

L’intérêt du Qatar pour le continent s’exprime aussi dans les airs, notamment depuis le blocus aérien que l’émirat subit. La compagnie nationale Qatar Airways, dont les appareils ne peuvent plus survoler l’Arabie saoudite et les EAU, est en effet à la recherche de routes alternatives. Son PDG, Akbar Al Baker, a, en décembre dernier, annoncé avoir compensé la perte de plusieurs routes aériennes par vingt-quatre nouvelles lignes, dont plusieurs en direction de l’Afrique. Mombasa (Kenya), Accra (Ghana) ou encore Lagos (Nigeria, le plus gros marché du continent) sont ou seront à court terme desservis par la compagnie. Une bonne nouvelle tant pour le Qatar que pour ces pays en forte croissance.

L’Afrique possède un énorme potentiel et se trouve sous-desservie. Or c’est le prochain continent de la croissance. Nous allons y accroître très rapidement nos activités

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« L’Afrique possède un énorme potentiel et se trouve sous-desservie. Or c’est le prochain continent de la croissance. Nous allons y accroître très rapidement nos activités », a ainsi promis celui qui est également PDG de l’aéroport international de Doha. À propos de celui-ci, M. Al Baker s’est dit prêt à y accueillir les compagnies aériennes africaines, se déclarant même « disposé à leur offrir [son] assistance et des incitations ». Un deal gagnant-gagnant, donc, d’autant plus que les commandes de Qatar Airways, dont la flotte compte plus de 230 appareils, s’élèvent à quelque 300 nouveaux avions. Autant d’appareils qui pourront prochainement relier au monde nos grandes métropoles en développement.

Doha, au Qatar, vue d'avion. © marc.desbordes/CC/Flickr

Doha, au Qatar, vue d'avion. © marc.desbordes/CC/Flickr

Un festival culturel africain attendu au Qatar

Si l’argent et le commerce restent le nerf de la guerre – et la clé, tant du blocus que des relations africano-qataries – les échanges culturels ne sont pas en reste. En témoigne l’organisation, au premier trimestre de cette année, d’un premier festival culturel africain à Doha. Une vingtaine de pays africains ont répondu présents, et offriront au public qatari des spectacles et des activités témoignant de la diversité culturelle de notre continent, diversité qui se trouve à la base de la culture humaine tout entière. Une ouverture aussi rare que bienvenue au Moyen-Orient, région dont bien des pays font, au contraire du Qatar, preuve d’un certain repli identitaire.

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