Hôtellerie : année décisive pour Mangalis
L’offensive de Mangalis, filiale de Teyliom, doit se concrétiser dans les douze mois. En finançant sur fonds propres son expansion et en visant toutes les gammes, elle tente un pari audacieux.
Au cœur du Plateau, le quartier d’affaires de la capitale économique ivoirienne, à une centaine de mètres de l’hôtel cinq étoiles Pullman, face à la lagune, le Noom Hotel Abidjan, construit par le marocain TGCC, est censé ouvrir ses portes dans le courant du dernier trimestre. Au début de février, le ministre ivoirien du Tourisme, Siandou Fofana, a visité le chantier de la construction de cet hôtel de 179 chambres, commencée en 2015 et achevée à 70 %, selon Mangalis.
La tour de 24 étages a été dessinée par le cabinet d’architectes sud-africain Saota. Deux bars et deux restaurants, au 7e étage, où se trouve la piscine à débordement, et au 23e étage, avec un panorama à 360 degrés, une discothèque, un spa de 300 m2 et trois étages de parking intégrés pour en faciliter l’accès. « Nous voulons en faire un hôtel signature, lance Olivier Jacquin, directeur général de Mangalis Hotel Group. Il va jouer un rôle d’accélérateur de marque », conférant à son enseigne haut de gamme une visibilité inédite.
Un investissement de 50 millions d’euros
Teyliom, sa maison mère propriété du Sénégalais Yérim Sow, a investi dans ce projet plus de 50 millions d’euros sur fonds propres, grâce à des emprunts auprès de la Société Ivoirienne de banque et de la Banque ouest-africaine de développement. Sa filiale hôtelière prévoit tout d’abord d’ouvrir deux autres établissements de la marque Noom cette année : l’un à Niamey, en juin prochain, avant le sommet de l’Union africaine, le second à Cotonou, en septembre, avec respectivement 141 et 121 chambres.
En 2020, Mangalis compte aussi ouvrir trois nouveaux hôtels, à Assinie, à Pointe-Noire et à Dakar. En 2018, le groupe régional, qui n’a que trois établissements en exploitation, a réalisé 11,5 millions de chiffre d’affaires. À Conakry, il possède un hôtel haut de gamme Noom, à Dakar, un établissement entrée de gamme Yaas et, à Abidjan, un Seen, équivalant à un trois-étoiles.
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Clientèle de cadres trentenaires provenant de la sous-région
« Cette année marque une accélération du plan de construction et de développement de nos hôtels », affirme Olivier Jacquin, qui récuse tout retard sur son calendrier. Dans son plan stratégique, Mangalis prévoit de développer 60 % de ses nouvelles capacités en propre. « Les questions liées aux montages financiers de nos projets ou aux terrains relèvent de Teyliom et non de Mangalis », balaie Olivier Jacquin, refusant de donner plus de précision.
Est-ce bien raisonnable d’être multimarque lorsque vous avez encore si peu d’hôtels ?
Selon nos sources, le chantier du Noom Hotel de Cotonou est à l’arrêt depuis un an, faute de financements. Les ouvriers ont déserté, les entreprises sous-traitantes n’ont pas été payées. Le retard accumulé est tel que l’ouverture en 2019 semble compromise. « Est-ce bien raisonnable d’être multimarque lorsque vous avez encore si peu d’hôtels ? soulève un expert du secteur. Certes, vous multipliez les possibilités, mais vous décuplez les frais de recherche et développement de chaque marque. »
Présent dans l’immobilier, la finance, l’industrie, les télécoms et l’énergie, Teyliom est entré dans l’hôtellerie en 2009, à travers Teyliom Properties, avec la construction du Radisson Blu Hotel de Dakar. Et c’est en 2013 qu’il a créé sa filiale hôtelière. « Notre volonté de départ était de créer un groupe hôtelier régional capable de couvrir tous les besoins, du deux- au cinq-étoiles », explique Olivier Jacquin, ancien vice-président chargé des ventes chez Carlson Rezidor (ex-Radisson Hotel Group), qui a rejoint Mangalis en mars 2014.
Une multitude de projets en cours
Le groupe a 15 projets déjà planifiés – avec pour principaux marchés la Côte d’Ivoire et le Sénégal (9 projets) –, qui pour moitié seront des hôtels Yaas et Seen, au positionnement intermédiaire. Grâce à ses ouvertures, le groupe passera de 425 à 2 205 chambres, un niveau comparable à celui atteint par Azalaï, l’un de ses principaux concurrents régionaux. Le groupe hôtelier de Mossadeck Bally, qui possède 10 unités en opération (1 100 clés), compte en effet doubler ses capacités d’ici à quatre ans.
Sans doute pour éviter des problèmes de financement, le groupe hôtelier s’est mis à développer les contrats de gestion. « Beaucoup de propriétaires tiers veulent investir dans l’hôtellerie mais n’ont aucune expertise du métier », insiste le directeur général de Mangalis.
le groupe se positionne presque en promoteur-constructeur, avec des garanties de prix et de délais pour l’investisseur
Trois ont déjà été signés pour son premier hôtel resort à Assinie et ses deux résidences hôtelières sous l’enseigne Seen et Yaas, à Dakar (30 clés) et à Abidjan (70 clés). Ces deux derniers projets « clés en main » incluant la supervision de la construction. « Là, le groupe se positionne presque en promoteur-constructeur, avec des garanties de prix et de délais pour l’investisseur », commente l’expert du secteur. Louvre Hotels Group privilégie déjà cette solution lorsqu’il intervient en amont du projet. Accor, également présent sur l’hôtellerie économique avec Ibis, propose, lui, une assistance technique.
Avec pour ces deux chaînes une plus grande offre de services que Mangalis, en matière de plateforme de réservation notamment. Après deux années d’exploitation, le Yaas Hôtel Dakar Almadies (89 chambres) affiche 75 % de taux d’occupation, pour un prix moyen par nuit de 100 euros. D’après le DG de Mangalis, la moitié de sa clientèle est constituée de cadres, trentenaires, principalement originaires de la sous-région. Avec sa touche lifestyle, Mangalis veut séduire ces millennials. Derrière ce concept, une approche plus décontractée du service, des espaces décloisonnés, des matériaux modernes, une connexion wifi à très haut débit et une attention particulière portée à la technologie – quatorze tablettes sont mises à disposition dans le lounge.
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Les villes secondaires et tertiaires au cœur des projets
« Notre rôle, c’est aussi d’introduire une solution décente d’hébergement dans les villes secondaires et tertiaires » où l’offre reste dominée par l’hôtellerie indépendante, souligne Olivier Jacquin.
Le Sénégal veut implanter cinq cités universitaires. Il faudra des petits hôtels de moins de 50 chambres de type Yaas pour accueillir les professeurs
À Saint-Louis, à Thiès ou à Ziguinchor, au Sénégal, à Korhogo ou à Soubré, où se trouve un barrage hydroélectrique, en Côte d’Ivoire, à destination des ingénieurs, des fonctionnaires ou des consultants en déplacement. « Le Sénégal veut implanter cinq cités universitaires. Il faudra des petits hôtels de moins de 50 chambres de type Yaas pour accueillir les professeurs », poursuit le DG de Mangalis. Lui est convaincu de la valeur ajoutée de ses produits et de la carte que les groupes africains ont à jouer sur ce marché. Arrivera-t-il seulement à tenir le rythme de ses ambitions ?
Le tourisme de loisir aussi au programme
Mangalis lancera son premier complexe hôtelier à Assinie : le Noom Palms Resort Assinie doit ouvrir ses portes en 2020. Avec cet hôtel haut de gamme dans la station balnéaire ivoirienne, Mangalis poursuit sa diversification sur le tourisme de loisir. Construit sur 8 hectares, il vise aussi bien la clientèle européenne des tour-opérateurs que la clientèle domestique et sous-régionale à travers une large offre d’activités sportives et de détente. Il comprendra une base nautique, des terrains de tennis et de volley, et pourra accueillir les familles dans des villas.
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