Les Brasseries du Cameroun sous tension

Outre la crise anglophone et le report de la CAN, les Brasseries du Cameroun, deuxième contribuable du pays subissent un alourdissement de leur charge fiscale qui devrait rejaillir sur les ventes.

SABC Douala. Brasseries du Cameroun © Nicolas EYIDI pour Jeune Afrique

SABC Douala. Brasseries du Cameroun © Nicolas EYIDI pour Jeune Afrique

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Publié le 4 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Des ouvriers travaillent dans la minoterie du groupe minier Alpha Mining à Lubumbashi, capitale de la province du Katanga, en RDC. © Gwenn Dubourthoumieu pour Jeune Afrique
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Les fortunes diverses de l’agro-industrie africaine

Pendant que la concurrence s’intensifie chez les minotiers africains, pesant sur la rentabilité du secteur, Les Brasseries du Cameroun se débattent entre crise anglophone et augmentation des taxes. En Côte d’Ivoire, en revanche, l’avenir sourit au cotonnier CIDT, sorti d’une longue période de turbulences.

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Leader de l’industrie brassicole du pays, la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC) traverse une mauvaise passe. Pourtant, en 2018, la SABC a enregistré 2 % d’augmentation de ses volumes de vente. Une progression remarquable mais qui reste en retrait par rapport aux perspectives du marché, nettement plus ambitieuses. À la vérité, l’activité de l’entreprise est entravée par la dégradation du contexte économique depuis 2017 et par l’accroissement du risque sécuritaire.

Comme la plupart des grandes entreprises, la filiale du groupe français Castel subit de plein fouet la crise dans la zone anglophone (qui représente 20 % de son chiffre d’affaires). Des bandes séparatistes affrontent l’armée dans les régions voisines du Nigeria. « Le bilan est très lourd, déplore Emmanuel de Tailly, le directeur général de la SABC. Entre janvier 2017 et janvier 2019, nos points de vente et distributeurs ont enregistré quinze attaques à main armée, tandis qu’une dizaine de véhicules [camions ou pick-up] étaient incendiés. Le coût de ces destructions s’élève, avec celui des produits et emballages emportés ou détruits, à plus de 500 millions de F CFA [762 245 euros]. »

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Fermeture des usines en pays anglophone

En pays anglophone, les insurgés imposent des journées « villes mortes ». Dès juin 2018, la SABC a décidé de fermer des centres de distribution à Muyuka, Mamfé et Kumba, dans le Sud-Ouest, et à Wum, Fundong, Kumbo et Nkambe, dans le Nord-Ouest, face aux risques de kidnapping et aux menaces journalières proférées à l’encontre de ses agents. « Nous n’avions pas le choix, il fallait garantir la sécurité de nos salariés et de leurs familles, explique de Tailly. Les périodes de fermeture s’élèvent à trois cent cinquante jours, soit un manque à gagner de plus de 400 millions de F CFA. Tout cela nous a fait perdre dix points de croissance. » Évidemment, cette baisse d’activité a entraîné des centaines de suspensions d’emploi dans ces régions, déjà gangrenées par le chômage des jeunes.

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Pour sortir de cette crise, le secteur privé et le gouvernement négocient, mais ils n’ont, pour l’instant, pas enregistré d’avancées significatives en matière de sécurisation des investissements, ainsi que de mesures – réclamées par le privé – d’incitation à investir, d’amélioration de l’environnement juridique ou de la qualité des infrastructures, mais aussi en vue de créer un cadre fiscal soutenable.

Levée de boucliers contre le nouveau calcul du droit d’accise

La pression fiscale sur les entreprises augmente, en particulier sur la SABC, deuxième contribuable de l’État après le secteur pétrolier. « Dans ce contexte particulièrement difficile, où les entreprises doivent assumer des dépenses sécuritaires non prévues tout en subissant l’effet désastreux du report de la Coupe d’Afrique des nations [CAN] 2019, nous nous attendions à tout sauf à un alourdissement de la pression fiscale dans la loi de finances », ajoute un autre cadre de l’entreprise.

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La nouvelle loi provoque une levée de boucliers. En cause : le mode de calcul du droit d’accise, un impôt indirect perçu sur la consommation. Le gouvernement veut asseoir le calcul sur le prix appliqué au consommateur. « En passant du prix de vente au prix public conseillé, on nous taxe sur un chiffre d’affaires que nous ne réalisons pas, nous ne vendons pas directement au consommateur », déplore de Tailly.

Selon les brasseurs, si cet impôt était appliqué, les compagnies devraient adopter en urgence des mesures pour faire face à la baisse des volumes et à celle des revenus subséquents. Ce prélèvement engendrerait ainsi à la fois une hausse du prix des boissons (dcidée le 1er mars pour un montant de 50 F CFA par bouteille), une baisse des effectifs de l’ordre de 15 %, l’arrêt des achats de matières premières locales, le gel des investissements… Une telle fiscalité aurait donc un impact social négatif important sur l’emploi et le pouvoir d’achat des ménages.

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Un chiffre d’affaires qui résiste

Pour l’instant, les brasseurs attendent la circulaire qui précisera les modalités d’application de la loi, dont les dispositions relatives au droit d’accise sur les boissons fabriquées et commercialisées au Cameroun. Mais ils ne manquent pas de rappeler que la stabilité du cadre fiscal est une condition incontournable pour améliorer le climat des affaires.

Dans ce contexte difficile, la SABC a enregistré en 2018 un chiffre d’affaires TTC de 560,4 milliards de F CFA (854,3 millions d’euros). Après déduction des ristournes, pour un montant de 28,7 milliards de F CFA, et des taxes, pour 217,3 milliards de F CFA, le chiffre d’affaires HT de l’année 2018 s’établit à 314,4 milliards de F CFA (contre 334,9 milliards en 2017).

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