Musique : Fokn Bois, les sales gosses du rap ghanéen
Provocateur à souhait, Afrobeats LOL, cinquième album du duo Fokn Bois, épingle le matérialisme, le manque d’estime de soi et la superficialité de la jeune génération.
L’histoire du drôle de tandem des Fokn Bois (pour « fucking boys »), est un peu celle de chenapans virtuoses qui auraient décidé de ne pas perdre leur enthousiasme et leur humour acide en grandissant. C’est chez les scouts que Bondzie Mensa Ansah (aka M3nsa), 37 ans, et Emmanuel Owusu Bonsu (Wanlov The Kubolor), 39 ans, se rencontrent. Leurs chemins se croisent à nouveau à l’Adisadel College d’Accra. « On se retrouvait dans l’immense réfectoire de l’établissement et on improvisait des histoires chantées dans un style jazz-rap en tapant sur les tables », se souvient Wanlov.
À l’époque, influencés par la culture orale africaine, les deux apprentis griots évoquent en musique leur quotidien sous forme de petites fictions. « Beaucoup de leçons peuvent être transmises en racontant des histoires… et il y a un côté thérapeutique à mettre en mots ce qu’on vit », confie M3nsa, qui a trouvé en Wanlov, à l’époque, plus qu’un comparse, un « grand frère » le protégeant de harceleurs.
Un cinquième album court et épatant
Une fois diplômés de l’Adisadel College, les deux garçons se séparent pour continuer leurs études… et se recontactent six ans plus tard. « On s’envoyait des beats, des paroles, il fallait qu’on crée à nouveau ensemble. » Afrobeats LOL, sorti le 22 février, est leur cinquième album produit depuis 2006. Très (et trop) court, le projet ne contient que 7 chansons…, qui épatent néanmoins par leur inventivité musicale et leur humour corrosif.
Difficile de définir le style du duo ghanéen. Sur des rythmiques afros, ils peuvent user d’un parlé-chanté rap pour les couplets et poser des mélodies pop sur les refrains. Et même si Mr Eazi intervient sur l’une des pistes (True Friends), on est loin, très loin, de l’afrobeat commercial suggéré par le titre de l’album. Plus proche d’artistes à la lisière de plusieurs genres, comme OutKast, et de storytellers (« conteurs d’histoires ») du rap tels que Snoop Dogg et Busta Rhymes. Autant d’influences qu’ils revendiquent.
Il y a une fascination pour le bling-bling. L’argent est comme un nouveau dieu pour les Africains
Le tandem avoue se méfier de la musique « pop-corn », vite consommée et oubliée en deux mois. Et leurs paroles visent à réveiller les consciences. Dans leurs derniers albums, ils dénonçaient la corruption et les revirements des responsables politiques. Cette fois, à travers l’histoire pas si farfelue d’Abena, une jeune Ghanéenne qui s’exile aux États-Unis pour se marier avec un cow-boy de l’Indiana, ils épinglent les travers de leur génération.
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« D’abord il y a une fascination pour le bling-bling. L’argent est comme un nouveau dieu pour les Africains, dénonce M3nsa. Voilà pourquoi le rêve américain perdure et pourquoi tant de gens veulent partir à l’Ouest. Et si tu as le malheur de dire que tu rentres au pays, on te réclame un iPad, du chewing-gum… des tas de choses coûteuses et inutiles. » Dans la chanson « Account Balance », un amoureux doit même prouver à la fille qu’il convoite qu’il est solvable pour pouvoir lui faire la cour…
Chers voyages
Le titre « African Holiday » vante les mérites de l’Afrique, la beauté des Africains… et dénonce la difficulté de voyager sur le continent. « C’est tellement cher d’aller même dans des pays proches du Ghana. On adorerait organiser une tournée, au moins en Afrique de l’Est et en Afrique du Sud, mais c’est terriblement compliqué », soupire Wanlov. Reste la possibilité d’écouter leur album sur les plateformes musicales du web et d’assister à leur concert le 15 mars au Rocher de Palmer, à Bordeaux.
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