Tunisie : 3 questions à Lotfi Ben Sassi, conseiller économique de Youssef Chahed
Pour Lotfi Ben Sassi, conseiller économique et proche collaborateur du chef du gouvernement tunisien, « un programme de rigueur s’imposait pour arrêter l’hémorragie budgétaire » au moment de la nomination de Youssef Chahed, en 2016.
Jeune Afrique : Malgré sa longévité à la Kasbah, Youssef Chahed est accusé d’immobilisme, au même titre que les gouvernements de ces dernières années. En quoi s’est-il distingué ?
Lotfi Ben Sassi : Il faut resituer le contexte : en 2016, trois mois après son investiture, la Tunisie a vécu une tentative d’implantation de Daesh à Ben Guerdane. Trois attentats avaient touché le pays l’année d’avant.
Youssef Chahed a aussi hérité d’un climat social qui avait conduit nombre d’investisseurs étrangers à quitter le pays. Depuis son arrivée, les touristes reviennent. Les IDE aussi, dans le textile, l’industrie mécanique et électrique, la pharmaceutique… Ceux qui travaillent en Tunisie reconnaissent la compétitivité et la productivité du site. Il faut encore travailler cette image.
Dévaluation du dinar, inflation galopante, bras de fer avec l’UGTT, grogne sociale, grève… Ce bilan est-il défendable ?
Nous avions la responsabilité d’arrêter l’hémorragie budgétaire et économique. Cela imposait un programme de rigueur pour réduire le déficit public, que nous avons ramené de 7,4 % à 3,9 % du PIB. Chahed avait prévenu que 2017 et 2018 seraient des années difficiles en matière d’inflation parce qu’il fallait faire cet effort de maîtrise.
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La fuite en avant, à travers l’accumulation de la dette, revenait à engager les générations futures de manière irresponsable. Heureusement, un changement de tendance s’amorce avec un moratoire fiscal. Nous avons aussi lancé des réformes structurelles dont la conduite n’est pas simple, comme dans la fonction publique.
Le mandat de ce gouvernement devrait prendre fin au lendemain des législatives. Quels sont vos priorités et projets pour les mois à venir ?
Notre feuille de route se compte en jours, nous avons dû choisir nos batailles. D’abord la transformation digitale : la digitalisation de l’administration, le décashing [stratégie de réduction du cash] et la lutte contre l’évasion fiscale.
Ensuite, le renouvelable : nous prévoyons de parvenir à 120 MGW d’énergie éolienne, à raison de 400 millions de dinars d’investissements privés. L’objectif est d’atteindre les 1 000 MGW pour 3,2 milliards de dinars investis. La création d’entreprise et l’initiative privée sont des priorités.
Le Startup Act s’inscrit dans cette dynamique. Enfin, il faut rappeler les nombreux investissements publics de cette année : l’autoroute du Sud, les travaux du port d’Enfidha, les stations de dessalement d’eau et de production d’électricité, ou le réseau ferroviaire rapide (RFR) autour de Tunis.
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