Comores : le Moroni de Salim Ali Amir en musique
Le chanteur populaire Salim Ali Amir nous entraîne à travers la capitale des Comores dans les lieux qui lui sont chers.
Salim Ali Amir est un monument à Moroni. Il suffit de se promener en sa compagnie dans la ville pour mesurer la popularité de celui qui, à bientôt 57 ans, est considéré comme le père de la musique comorienne. Même Soprano lui a rendu un hommage appuyé lors du grand concert que Salim avait organisé, en 2017, pour célébrer trois décennies de carrière.
Et il est bien l’unique Comorien à pouvoir en dire autant, tant il est difficile pour un musicien de vivre de son art. Il a réussi à l’exporter en se produisant en France et dans les pays voisins, et en lançant, au tournant des années 1990, l’unique studio d’enregistrement de l’archipel, le Studio 1. Toute la scène comorienne en parle encore.
Salim Ali Amir n’avait pas 10 ans qu’il reprenait déjà, lors des grands mariages, les kassuda composées à Zanzibar à la gloire du Prophète. Un répertoire qu’il retrouve aujourd’hui, enrichi de multiples influences, entre tradition soufie et modernité jazzy. « Ma musique, c’est tout ce qui fait bouger », résume l’artiste aux trois mille chansons.
Même les lignes, pour celui qui a tôt pris le parti de ne pas en avoir. Ce qui ne l’a pas empêché de s’engager à longueur de titres en faveur des faibles. Avec son douzième album, attendu dans les prochaines semaines, il continue de chatouiller les puissants, à la fois acteur et témoin de l’histoire de son pays. À ses côtés, les rues de Moroni se parcourent comme un livre.
1. La maison du grand mufti, quartier d’Itsandra
Tout artiste a besoin d’un mentor : Salim Ali Amir rencontre le sien en 1974, dans la maison du grand mufti, où aiment à se retrouver les intellectuels musulmans de la région. L’un d’entre eux vient de Lamu et chante si divinement que le père de Salim veut absolument qu’il donne des cours à son fils.
Pendant deux ans, le jeune garçon va passer ses week-ends à apprendre les chants religieux. Pour adoucir sa voix, il lui faut prendre du miel, un aliment très cher à cette époque. Son père interrompt l’expérience.« Il ne voulait surtout pas que je sois artiste, et c’est pourtant lui qui me met le pied à l’étrier»,résume Salim Ali Amir.
2. Le café du port
Même si l’endroit a fermé ses portes depuis dix ans,tout Moroni connaît le café du port. Et ce n’est pas la pharmacie l’ayant remplacé un temps qui a pu faire oublier cette institution. Salim Ali Amir a fréquenté les lieux au début des années 1990. « Je sortais du studio et je venais m’asseoir ici pour écrire mes textes », se souvient l’artiste devant la bâtisse désormais vide.
Lui revoit encore les dockers jouer des coudes au bar et les légionnaires écluser leurs bières en regardant les filles apporter leurs poissons au marché.« C’était un lieu de brassage incroyable, en même temps qu’une excellente brasserie », sourit Salim Ali Amir de son bon mot.
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3. L’ancien siège de l’Association des enfants des Comores
Depuis la rue sans nom, le vieux bâtiment aux couleurs délavées ne paie pas de mine. Salim Ali Amir s’illumine pourtant au moment d’évoquer ses souvenirs : «Ici se trouvait l’une des deux associations culturelles et musicales de la ville.» Autant dire l’un des rares endroits où un enfant de 12 ans pouvait oublier le quotidien révolutionnaire instauré par Ali Soilih depuis son coup d’État de 1975.
Salim fréquente le lieu pendant trois ans, jusqu’en 1978, assidûment puisque les écoles du pays sont fermées depuis le départ des Français. Le temps pour lui de troquer sa flûte pour le clavier qui fera ensuite sa renommée, de monter son premier groupe et de faire ses premiers concerts. Suffisant pour envisager déjà de vivre de sa musique.
4. La baie de Kalaweni
Pas de lieu à Moroni plus emblématique que la Grande Mosquée du vendredi, les pieds dans les eaux sombres de la baie de Kalaweni, connue pendant la période coloniale sous le nom de port aux boutres. C’est de là qu’embarque Salim Ali Amir, un soir de juillet 1977, en compagnie de 500 jeunes révolutionnaires, direction Anjouan.« C’était le deuxième anniversaire de l’accession au pouvoir d’Ali Soilih et il voulait organiser un grand événement», se rappelle celui qui n’était encore, à 15 ans, qu’un apprenti musicien.
Contre l’avis de son père, il se lance pourtant dans l’aventure avec son groupe et monte à bord d’un vieux cargo rouillé,« pour une semaine de fête et de musique »,rigole encore Salim, qui, pourla première fois, quittait alors la Grande Comore.
5. Le studio 1, quartier Volo-volo
Impossible de terminer la visite sans s’arrêter devant le fameux Studio 1, qui, bien que fermé depuis près de trois ans, continue d’afficher avec fierté son nom sur la façade. Un sentiment partagé par son créateur, qui a enregistré ses disques ici, comme de nombreux musiciens entre 1999 et 2016.« C’était la première fois que nous disposions d’une telle qualité de son, explique Salim Ali Amir. Nous avons pu alors commencer à exporter notre musique.» Et à diffuser celle des autres, grâce à la vaste salle de concert qui jouxte le studio. « Même les Zaïrois venaient jouer ici !» C’est tout dire.
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