Littérature : « La Voisine », querelles de voisinage sur fond d’apartheid

Dans son deuxième roman, « La Voisine », Yewande Omotoso met en scène la rivalité entre deux octogénaires et évoque avec humour les tensions raciales en Afrique du Sud.

Manifestation antiraciste à Johannesburg le 23 avril 2015, après une attaque contre des immigrés ayant fait 7 morts. © Denis Farrell/AP/SIPA

Manifestation antiraciste à Johannesburg le 23 avril 2015, après une attaque contre des immigrés ayant fait 7 morts. © Denis Farrell/AP/SIPA

Publié le 12 mars 2019 Lecture : 2 minutes.

Dans une banlieue chic du Cap, deux voisines se vouent une haine zélée, qui seule vient tromper leur ennui et leurs souvenirs tourmentés. D’un côté, Marion Agostino, une octogénaire blanche aux préjugés racistes chevillés aux corps. De l’autre, Hortensia James, la seule résidente noire du quartier, une misanthrope au fort caractère. Au milieu, le lecteur se délecte d’échanges acides et de piques bien senties. « L’humour, c’est comme le beurre, ça adoucit les choses », glisse Yewande Omotoso, auteure de La Voisine.

Le deuxième roman de cette Sud-Africaine de 39 ans, déjà récompensée en 2012 pour Bom Boy aux South African Literary Awards (Sala), et sur le point d’achever l’écriture de son troisième livre, « une histoire de chagrin et de désir », annonce-t-elle.

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La terre

Fille de l’écrivain nigérian Kole Omotoso et sœur du scénariste Akin Omotoso, elle a très tôt goûté au plaisir de conter. Avec pour décor des univers familiers : comme elle, Hortensia est née sur l’île de La Barbade, dans les Caraïbes, et a vécu au Nigeria avant de s’établir en Afrique du Sud. Et comme elle, Marion est architecte de profession.

Sur de nombreux aspects, l’Apartheid était architectural : la restriction de mouvement, la configuration des lieux et de l’espace…

Mais le parallèle s’arrête là : « Il s’agissait plus ici de créer un personnage dont le racisme est lié au sens du contrôle et de la sécurité que procure ce métier, à un désir d’organiser le monde, de le voir non pas comme il est réellement mais comme elle souhaiterait qu’il soit – parce que c’est plus facile, plus confortable, expose Yewande Omotoso. Sur de nombreux aspects, l’Apartheid était architectural : la restriction de mouvement, la configuration des lieux et de l’espace… »

Question brûlante héritée de ce passé ségrégationniste, c’est la terre qui catalyse le différend entre ces veuves rancunières. « On ne peut pas parler de l’Afrique du Sud, de son passé, de son présent et de son futur, sans l’évoquer, estime l’auteur, finaliste de l’International Dublin Literary Award pour ce roman. C’est une obsession, c’est là que les corps sont enterrés, c’est de là qu’on extrait l’or et les diamants. La terre a été pillée, elle a été nourrie, elle a été prise, contestée, amassée, gardée, désirée, volée. »

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Face au comité de quartier présidé sans partage par sa meilleure ennemie, Hortensia défend les droits d’une famille noire sur un terrain acquis par des vignerons néerlandais. Marion contre-attaque : pourquoi sa voisine refuse-t-elle qu’une descendante d’esclaves enterre sa grand-mère sur sa propriété, d’où elle a été chassée près de soixante-dix ans plus tôt, et où reposent ses enfants ?

Pas question pour ces deux fortes têtes de céder un pouce de terrain. Mais quand la première se retrouve paralysée par un accident et un lourd secret, et que la seconde ploie sous les dettes de son défunt mari, les voilà contraintes de cohabiter. Et de repenser leur rapport à l’autre dans une nation Arc-en-Ciel toujours aux prises avec son intolérance. « Je pense que ce sont les gens qui peuvent faire changer les choses, conclut Yewande Omotoso. Et que les lecteurs font accélérer le mouvement. »

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